Depuis le référendum britannique du 23 juin dernier, la Commission européenne, le Parlement Européen mais aussi les 27 chefs d’Etat et de gouvernement cherchent à relancer le projet européen en lui redonnant un coup d’accélérateur. Petit tour d’horizon des positions de chacun.
La Commission européenne, première à dégainer
»La Commission de la dernière chance ». C’est par ces mots que Jean-Claude Juncker, l’actuel Président de la Commission européenne, avait qualifié son propre mandat au début de celui-ci. Et pourtant, pendant les 2 premières années, il n’a quasiment rien fait, ou si peu. Tétanisé par la possibilité d’un Brexit, sous la pression des Etats membres qui ont tout fait et tout offert pour garder Londres dans l’UE, en premier lieu les pays du nord qui ne voulaient pas perdre un allié libre-échangiste et l’Allemagne qui ne voulait pas se retrouver en tête-à-tête avec une France aux abois, Juncker a dû se contenter de faire le minimum.
Désormais, le Brexit est acté, la stratégie du »tout offrir » à David Cameron, l’ex-Premier Ministre britannique, a échoué et, en Europe, rien n’est réglé. C’est ainsi que Juncker a décidé de dégainer le premier afin de mettre la pression sur les chefs d’Etat et de gouvernement qui multiplient les paroles à Bruxelles mais ne se pressent pas pour agir, une fois rentrés au pays !
Après Apple, condamné à rembourser 13 milliards d’euros d’impôts non versés, et après une enquête interne lancée sur le fait que Barroso, son prédécesseur, ait rejoint la sulfureuse Banque d’investissements Goldman Sachs, Juncker a présenté devant le Parlement européen son programme pour les 12 prochains mois, ce mercredi 15 septembre: la ratification de l’accord de Paris sur le climat, plus de solidarité entre les Etats membres afin d’affronter la crise des réfugiés, la création d’un embryon d’armée européenne et la création d’un corps de garde-frontières, un prolongement et un doublement de son plan d’investissement qui désormais devrait permettre d’ici 2022 d’investir 630 milliards d’euros dans des projets européens… Un programme ambitieux, bien que tardif, mais qui devra recevoir l’assentiment du Conseil et du Parlement européens.
Le Parlement européen, le fer de lance de l’intégration
Ce dernier, seule institution européenne élue au suffrage universel direct, est incontestablement le champion incontesté de l’intégration européenne. Si le Parlement est resté, lui aussi, tétanisé par la campagne du Brexit, il a désormais lâché »les chevaux ». D’ici quelques mois, il adoptera 2 rapports sur l’avenir de l’UE. Le premier se concentrera sur ce qu’il est possible, voire souhaitable comme changement, à traité constant. Le second, beaucoup plus attendu, définira la vision du Parlement sur l’avenir de l’Europe en cas de changement de traité.
Car c’est un secret de polichinelle, il y aura, très probablement dans un futur très proche, un nouveau traité européen, que ce soit pour entériner le Brexit, pour adapter les traités qui sont, du fait de la crise économique et sociale, déjà obsolètes ou que ce soit pour véritablement approfondir l’intégration européenne.
La véritable question pour le Parlement européen, qui n’a jamais compté autant d’eurosceptiques, voire d’europhobes dans ses rangs (entre 100 et 250 sur 751 selon les critères choisis), est de savoir l’influence qu’il aura sur le processus car bien que démocratiquement légitime il pourrait bien se faire court-circuiter par le Conseil.
Les Etats, englués dans leur unanimité
Bien que le Royaume-Uni n’ait pas encore quitté l’UE, les 27 autres chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent déjà entre eux pour parler de l’avenir de l’Europe. Dernier exemple, le sommet des 27 à Bratislava en Slovaquie (pays qui préside le Conseil des Ministres pour 6 mois) ce vendredi 16 septembre dernier.
Conscients qu’ils devaient bouger, les 27 ont promis de présenter leur vision dans les 12 prochains mois. Entre temps, les sommets »informels » -car non prévus par les traités- à 27 vont se multiplier.
La réalité, c’est qu’ils n’arriveront probablement pas à présenter une vision commune ou du moins une vision qui ne soit pas limitée à des effets d’annonce ou à des sujets mineurs. Entre l’Europe du sud, engluée dans une crise économique et sociale sans fin et qui assume seule la crise des réfugiés, une Europe centrale et orientale qui refuse catégoriquement toute solidarité pour les réfugiés mais qui réclame toujours plus de soutien financier, une Europe du nord qui souhaite des accords de libre-échange à tout-va et qui est encore sous le choc du départ de Londres, l’allié libre-échangiste stratégique, une Allemagne qui se retrouve seule mais qui ne veut pas assumer son statut, une France qui rêve de grandeur mais qui est aux abonnés absents depuis 10 ans et des élections législatives en Italie, en France et en Allemagne, en 2017, le tout en parallèle des discussions sur le Brexit, on ne voit pas comment les Etats, englués dans leur unanimité anti-démocratique, pourraient bien sortir quelque chose de positif.
La construction européenne est un projet politique dont le fondement, et donc l’assentiment des peuples, est une triple promesse: la paix, la prospérité partagée et l’unité dans la diversité. Si la première est assurée, du moins au sein des frontières de l’Union, la seconde n’est plus d’actualité depuis longtemps déjà. Quant à la dernière, la façon dont les 28 capitales traitent les nations sans Etats est une preuve suffisante pour dire que cette promesse n’a jamais été tenue.
C’est pourtant par le respect de cette triple promesse que le projet européen pourra retrouver un second souffle et obtenir l’assentiment des peuples.
Roccu GAROBY
Vice Président de l’Alliance Libre Européenne Jeune