Session de l’Assemblée de Corse Le 6 septembre 2016, Discours du Président Gilles Simeoni
Sgiò
Presidente,
Care
culleghe,
cari
culleghi,
Hè un piacè tamantu di ritruvà vi oghje dopu à iss’estate. È ancu se no ci simu visti qualchi volte, l’uni è l’altri, ritruvà ci di manera cullettiva hè di sicuru un piace.
Il est d’usage que le Président du Conseil exécutif de Corse dresse, à l’occasion de la première session ordinaire de rentrée, un bilan des mois écoulés et trace des perspectives sur l’année à venir.
Je
ne
me
prêterai
pas
aujourd’hui
à
cet
exercice,
le
reportant
à
une
prochaine
session.
Nous
avons
en
effet
une
séance
particulièrement
chargée,
avec
à
l’ordre
du
jour
deux
dossiers
dont
la
réussite
conditionne
largement
notre
avenir
collectif
:
Celui des transports maritimes, dans lequel le rapport présenté par Jean‐Félix Acquaviva, Président de l’Office des transports, peut permettre à la Corse de rompre avec un système qui, pendant des décennies, a été synonyme de dépendance économique, de gaspillage d’argent public et d’opacité. Pour ouvrir une nouvelle ère qui doit permettre à la Corse de maîtriser ses transports maritimes, en conciliant service public, efficacité économique, respect du droit, maîtrise de l’argent public, respect des droits sociaux, avec pour finalité supérieure l’intérêt général et les intérêts collectifs du peuple corse
Celui de la création de la collectivité dite « unique », en fait la nouvelle Collectivité de Corse, au 1er janvier 2018. Un outil au service de l’émancipation politique, économique et sociale notre île. Un outil que nous devons construire plus que jamais en étroite concertation entre les trois collectivités concernées par la fusion, avec leurs élus, leurs personnels, et avec les territoires qui doivent y trouver la garantie d’une action de proximité renforcée, d’un équilibre territorial assuré, d’une solidarité et d’une cohésion concrètes et effectives entre toutes les régions et pieve de Corse.
Je souhaite donc laisser toute la place à ce débat mais je voudrais simplement tirer quelques enseignements rapides d’évènements marquants survenus cet été :
1) D’abord le drame récurrent des accidents de la route, qui fauchent et brisent de trop nombreuses vies, et endeuillent autant de familles. Nous avons engagé des actions de fond sur certaines causes. La disparition cruelle de notre ami et frère de lutte Claude Cesari qui nous a conduits à initier une réflexion et une action de fond sur la divagation animale. Les efforts d’investissement en matière routière intégreront également mieux qu’ils ne le faisaient jusque‐là la sécurisation prioritaire des axes délaissés ou accidentogènes. Reste un terrible constat : notre jeunesse paie un lourd tribut à ce moloch des temps modernes. Là aussi, la Collectivité Territoriale de Corse, en charge des intérêts matériels et moraux de ce peuple corse, et au premier chef de ceux de la jeunesse, doit avoir une action volontariste renforcée sur les multiples facteurs à l’origine de ces drames : la vitesse, l’alcool, sans doute aussi le mal‐être… Cet axe d’intervention fera l’objet de développements spécifiques dans le cadre du Pacte en faveur de la jeunesse que le Conseil exécutif proposera à votre Assemblée dans les prochaines semaines.
2) Deuxième élément marquant de l’été : le retour des incendies, souvent d’origine criminelle, aux effets ravageurs. Il suffit de quelques séquences comme celle qu’a vécue la Conca d’Oru pour anéantir des années d’efforts et transformer un paradis en désert lunaire. Je tiens d’abord à rendre un hommage public appuyé à toutes celles et tous ceux qui combattent les incendies : les pompiers, les sapeurs forestiers, l’ensemble des personnels civils et militaires, mais aussi les élus, agriculteurs, citoyens, dont l’action a permis de limiter les dégâts matériels et de préserver les vies. Je réaffirme ensuite que la Collectivité territoriale de Corse sera aux côtés des territoires impactés par les incendies, pour en réparer les conséquences ruineuses. Et je pense enfin que ce qui s’est passé cet été doit impérativement nous conduire à une réflexion renouvelée en matière de prévention, d’installation d’agriculteurs, de gestion des massifs, de déploiement et de renforcement des moyens de lutte pour nous donner les moyens de combattre efficacement un fléau que les effets du réchauffement climatique risquent d’aggraver.
3) Après les incendies, et sans lien de cause à effet, la visite de deux ministres : M. Baylet, à qui nous avons formulé des propositions précises sur le détail desquels je ne reviens pas, et M. Urvoas, devant lequel nous avons à nouveau insisté, avec d’ailleurs les autres élus de tendances différentes, sur l’urgence à conforter, par des gestes forts concernant les prisonniers politiques, la volonté et la logique d’apaisement irréversible mises en œuvre par toutes les forces politiques corses et par l’ensemble de notre société. Là encore, le temps des réponses est venu. Leur contenu permettra de savoir si le Gouvernement et l’Etat ont la volonté de s’inscrire dans la recherche loyale d’une solution politique.
4) En cette rentrée, comment également ne pas évoquer le rapport de l’Insee, en date de juillet 2016, qui confirme la progression de la précarité et de la pauvreté dans l’île. Un chiffre objectif et désormais officiel, permet de prendre la mesure de la gravité de la situation : 1 habitant sur 5, soit 60.000 personnes, vit en Corse avec moins de 970 € mensuels, et parmi ces personnes, la moitié vit avec moins de 760 € mensuels. Il ne s’agit pas simplement d’un problème économique ou social. Il s’agit là d’un problème politique majeur, qui ébranle les fondements même de notre société, en accentuant l’isolement et l’exclusion, en portant les germes de la révolte sociale, en provoquant le développement réactionnel d’une économie parallèle, en condamnant toute une partie de notre jeunesse à un avenir incertain et douloureux. Ce diagnostic implacable impose une réponse politique de fond, et d’envergure. Le Conseil exécutif proposera, dès la prochaine session, un rapport proposant à votre Assemblée d’ériger la lutte contre la précarité et la pauvreté, il faut nommer les choses, en priorité politique, et soumettant à votre réflexion, à votre avis et je l’espère à votre approbation un plan de lutte contre la précarité.
5) Il faut enfin rappeler d’autres évènements qui sont les symptômes de problèmes profonds qui, là encore, menacent la cohésion et le vivre‐ensemble de notre société : les évènements des Jardins de l’Empereur en décembre, les évènements de Siscu cet été, à un autre niveau tensions au moment de la rentrée hier à Bonifaziu, désamorcées grâce à l’intervention équilibrée de notre collègue et ami, le Maire Jean‐Charles Orsucci, mais aussi une kyrielle d’incidents au quotidien, qui reflètent quelquefois des difficultés objectives, mais, qui plus sûrement encore, témoignent d’un malaise profond et d’un vécu perçu comme anxiogène. Et ce d’autant plus que ces incidents s’inscrivent dans un contexte global de tension internationale, marqué par la progression du fanatisme et de l’intégrisme, et leur expression dramatique, les attaques terroristes. Là encore, les principes qui guident notre action sont clairs : rejet absolu de tous les communautarismes, de tous les fanatismes, et de tous les intégrismes ; refus tout aussi absolu de tout amalgame raciste ou xénophobe ; réaffirmation de notre volonté de construire un modèle de société où l’appartenance au peuple corse ne découle ni de l’origine, ni de la couleur de peau, ni de la religion, mais de la volonté de s’intégrer à notre communauté, en en adoptant la langue, la culture, les valeurs, le projet collectif. Comment construire ce modèle ? Comment donner à celles et ceux qui ont choisi de vivre sur cette terre et qui le désirent les moyens de devenir des citoyens corses à part entière, à égalité de droits et de devoirs ? Comment faire vivre concrètement le principe de tolérance religieuse, tout en construisant une laïcité qui prenne en compte l’histoire et la culture de notre île, profondément imprégnée de culture catholique, bien au‐delà de la stricte sphère religieuse ? Comment redonner à la Corse les moyens institutionnels, politiques, culturels, linguistiques, de fabriquer des Corses ? Le dialogue et les travaux, qui associeront l’ensemble de la société et les représentants des différents cultes religieux, dont le principe a été acté dans notre résolution du 28 juillet dernier (« En Corse : quel modèle de société et d’appartenance citoyenne ? »), devront nous permettre d’apporter une réponse collective à ces questions, et de construire un pacte social fort et partagé.
6) Enfin et pour finir par une note plus optimiste. Rappelons que dans cette nouvelle donne, la Corse a des atouts irremplaçables. Parmi ces atouts, la part la plus précieuse de son capital est sans nul doute son capital humain. Dans ce capital humain nous devons pouvoir compter sur les centaines de milliers de Corses de la diaspora, auxquels nous devons donner les moyens politiques et institutionnels de s’impliquer dans notre projet collectif. Là encore, le Conseil exécutif soumettra à votre Assemblée des propositions précises dans les semaines à venir.
Président Gilles Simeoni