L’actualité me rejoint. Au moment où je rédige cet article sur le sujet – destructeur – du feu, un incendie se déclare sur la commune de Corti … Encore une fois notre terre, notre nature subissent la destruction. Notre patrimoine, la vie végétale, animale et parfois humaine sont victimes d’un mal dévastateur aux origines diverses et parfois conséquence d’un choix économico – criminel qui laisse très peu de place à l’accident et au hasard… Pourtant à l’évidence le feu – nous le disons depuis des dizaines d’années – n’est pas une fatalité…
L’actualité continue de nous atteindre. Il y a peu, à Lumiu, une cérémonie regroupant les autorités en place et la municipalité, rendait hommage à un jeune militaire dont la vie fut arrachée par les flammes en portant secours à une personne piégée par le feu…La piste criminelle sera retenue mais jamais personne ne sera inquiété…Un exemple parmi tant d’autres qui en Corse, illustrent les dégâts trop souvent meurtriers … Bien des personnes ont payé de leur engagement et dévouement en combattant ce fléau …
L’actualité, encore et toujours, nous apostrophe. Avec ces incendies qui en France, en Espagne, ou au Portugal, déciment des dizaines de milliers d’hectares réduisant en cendre bien des richesses de ce que la nature peut nous offrir et exposer en Méditerranée…
Le climat actuel, le réchauffement climatique – avec ses effets particuliers sur notre environnement – sont certes pointés du doigt mais n’expliquent certainement pas tout. Au delà du geste -souvent – criminel, l’orientation et le choix d’un certain développement économique peuvent constituer des terrains de prédilection pour des flammes parfois pas si éloignées du béton anarchique …
J’aborde ici cette question à l’échelle de ma commune porto – vecchiaise, avec ce souci moral que nous confère notre engagement politique. Sans polémique, sans contestation primaire. Avec surtout la préoccupation première que les prérogatives propres aux corps concernés dans ce cadre soient effectivement respectées, et guidées par l’automaticité d’un calendrier adéquat. La commune, en matière de gestion politique des incendies a aussi des attributions. Si les services d’incendie et de secours sont confiés au Département ( notamment avec le Service Départemental d’Incendie et de Secours – SDIS ), le maire a autorité pour s’assurer de l’existence et de la suffisance des moyens de lutte. Il a également autorité sur le corps du « SDIS » lorsque celui ci intervient sur sa commune. Enfin en cas de danger imminent – Dieu sait si le feu peut en être un – le maire a droit de réquisition sur les personnes et les biens, soit directement, soit par délégation ( pompiers, gendarmerie,etc…).
Il serait intéressant – compte tenu de l’importance de notre commune – de connaitre la réalité des intiatives régulières prises par la municipalité en la matière. N’oublions pas que la commune a déjà été gravement affectée par des incendies dévastateurs et que certains manquements, à certaines occasions avaient pu être constatés (défaut de fonctionnement de borne incendie, inadaptation du réseau, etc…). La municipalité a-t-elle ainsi tiré leçon du catastrophique incendie d’août 1994 qui ravagea une partie de la forêt de » U Spidali » et de nombreux hameaux de la commune ? Quelle est la réalité de son Plan de Prévention des Incendies ?
Au delà, on ne peut s’empêcher de penser – comme l’a déjà signalé U Riacquistu di Portivecchju – qu’une certaine orientation stratégique en matière de développement peut atténuer les risques d’incendie. La municipalité porte là aussi une responsabilité, en délaissant les atouts que constituent la gestion forestière, l’élevage et l’agriculture sur notre territoire (80 % de l’espace communal serait en zone naturelle et agricole ) alors qu’elle peut très bien mener une toute autre politique dans ces domaines. Le Plan d’Occupation Pastorale ( déjà proposé par U Riacquistu di Portivechju) est à cet égard un outil municipal.
En privilégiant les résidences secondaires, en négligeant pendant des années les hameaux et le foncier, en consentant une politique spéculative de dépossession, la municipalité de Portivechju, à l’instar de nombreuses autres municipalités en Corse, a favorisé un terreau propice aux incendies. Il est encore temps d’inverser la tendance pour promouvoir notre espace, ses richesses et sa diversité au profit des femmes et des hommes qui l’habitent.
Parce que le feu n’est pas une fatalité. Parce que notre terre appartient à celles et ceux qui en sont naturellement issus. Parce que notre territoire est histoire, patrimoine et culture. Comme le dit cette citation de Hazrat Ali: » Qui apaise la colère éteint un feu ; qui attise la colère, sera le premier à périr dans les flammes.”
Ulivieru Sauli
Acqua lontana, non ispegne il fuoco vicino (Proverbe italien )