Il est des débats sous-jacents qui soudain s’accélèrent et deviennent des débats bien réels et bien concrets à la faveur d’une situation nouvelle. Femu a Corsica ne peut y échapper, qui, quand le peuple corse lui a donné sa confiance, a vu sa mission changer de nature. Notre union était un espoir. Elle est devenue une responsabilité. Le peuple corse a fait son choix : Femu a Corsica est désormais un parti de gouvernement, et il doit se penser comme tel.
C’est d’abord dans les têtes que cette « révolution culturelle » doit s’opérer. Nous avons été des militants qui avons connu le temps où le mouvement nationaliste était marginal, puis celui où il était minoritaire. Depuis que nous sommes majoritaires, nous découvrons un nouvel état, un peu comme quand la glace devient eau liquide. C’est un « changement de phase », plus rien n’est, ni ne sera, comme avant. Il faut prendre acte de cette réalité nouvelle, car c’est notre responsabilité de le faire.
Comment passer d’une culture militante à l’autre, de force contestataire à force majoritaire, et cela sans perdre de temps car le calendrier est contraint ?
Cette « pression du calendrier », il faut qu’on l’ait bien en tête, à l’Exécutif bien sûr, mais aussi dans chaque compartiment de la force collective que nous sommes. Voilà six mois que les nationalistes sont à la tête des institutions de la Corse, Exécutif et Assemblée. Encore six mois et nous serons en campagne, d’abord pour les législatives, puis pour renouveler l’Assemblée de Corse. Je ne connais pas d’exemple où le temps disponible a été si court pour installer un fait majoritaire. Le précédent dont on se rapproche le plus, celui du SNP en Ecosse, a laissé quatre années avant de passer de leur très courte majorité relative de 2007 à une situation largement majoritaire aux élections de 2011, situation encore confirmée tout récemment début mai 2016.
Pour nous, gagner les élections de décembre 2017 est vital. Pour deux raisons : la première tient à la Collectivité Unique et à l’importance de ne pas laisser le leadership de ce nouvel outil institutionnel nettement plus puissant que l’actuelle Assemblée de Corse à des forces politiques qui n’auront d’autre priorité que de nous faire rentrer dans le rang. La deuxième tient au rapport de forces avec l’Etat qui aura alors à sa tête un nouvel Exécutif dans la foulée de l’élection présidentielle. Confirmer, et même consolider la victoire de décembre 2015, c’est ouvrir un créneau politique historique pour négocier l’autonomie de la Corse. Echouer nous reporterait de dix ou quinze ans, à condition que ceux qui nous succèderont trouvent à leur tour l’énergie pour y parvenir. Ce serait un terrible gâchis. L’enjeu est très grand. Il ne faut surtout pas le sous-estimer.
La question qui est posée aujourd’hui est celle de constituer un parti de gouvernement. Elle est posée à Inseme, au PNC et à Chjama. Ils doivent y répondre favorablement. Inseme vient de la faire de façon claire. Le PNC ne peut se déjuger, lui qui durant toutes ces années a voulu anticiper, AG après AG, en appelant à la création d’une seule force politique autour de Femu a Corsica.
Chjama Naziunale, Inseme pè a Corsica et u Partitu di a Nazione Corsa ont écrit, de janvier 2010 à décembre 2015, une page nouvelle de l’Histoire du nationalisme corse, celle dont la conclusion a été la victoire de décembre dernier, et le serment que nos élus ont prononcé au nom du peuple corse.
Depuis c’est une nouvelle page qui s’écrit, et Femu a Corsica est la force politique qui peut, et doit l’écrire. Comme tout changement cela suscite des interrogations, des inquiétudes, des précautions, des négociations. Mais il faut avoir confiance en l’avenir, et avoir conscience que le temps se compte en semaines désormais.
Après tout, le peuple corse a déjà décidé pour nous.