Le drame de Nice constitue un nouveau traumatisme majeur. Il interpelle les pouvoirs publics français et étrangers ; il blesse les consciences, apeure la population et doit susciter des réflexions
Quand Vendredi matin 15 juillet 2017, j’ai appris la tragédie de Nice, j’ai pensé à un attentat par une bombe puis, rapidement le scénario funeste s’est inscrit sur les écrans : l’arme du massacre – 84 morts, des dizaines de blessés graves,- était un banal camion lancé volontairement contre la foule en liesse, rassemblée pour célébrer le 14 Juillet !!! J’ai été ému, traumatisé et perplexe.
J’ai eu le premier réflexe de me joindre, par les réseaux sociaux et les media, au chœur des protestations contre l’horreur, l’indicible, aux larges manifestations de solidarité, à l’échelle du monde. Il est sain et encourageant que cette expression hexagonale et internationale de soutien témoigne de la réprobation totale et de l’émotion partagée.
J’ai préféré, pour ma part et sans aucune prétention, essayer de réfléchir à cet acte inédit, d’essayer de comprendre ses motivations et son contexte, de prévoir les développements prévisibles et enfin de chercher à entrevoir, modestement et à ma place, les pistes de solution d’un problème qui est posé en fait au monde entier ; et dont la gravité et la complexité ne peuvent échapper à quiconque. J’ai beaucoup lu, écouté, vu et mes interrogations, immenses, demeurent.
Conjoncture
Une seule logique dans les affaires de ce type : un groupe minoritaire mais très important et déterminé a repris, amplifié, radicalisé, le djihad, improprement appelé « guerre sainte » des musulmans, contre tous les autres », les mécréants » ; il se réfère à la parole d’ Allah, se proclame porte- parole des intérêts matériels et moraux des musulmans du monde dont le chiffre, en 2003, tournait autour d’environ 1,3 milliard ( Ralph Stehly) ; ce groupe brandit le Coran, interprété souvent de manière partisane par les protagonistes de tout bord, dans le but évident de provoquer la confrontation, la fracture, puis la rupture entre les musulmans et le reste du monde, les « mécréants ». Il utilise la guerre,- en Syrie, les attentats, au Moyen Orient, en Europe, aux Etats Unis- la communication mondiale par les réseaux. Les djihadistes son très minoritaires chez les musulmans. Leur but est manifestement inaccessible certes mais le trouble porté à la paix publique est majeur ( guerres, attentats, exodes massifs de populations) ; la résonance en Islam et dans l’UE est forte et ailleurs dans le monde aussi.
Voici quelques éléments de réflexion :
*L’analyse historique montre que les relations entre les musulmans et le monde occidental ont été mouvementées – les Croisades, l’Inquisition- : monde qui a, à son passif, agressions, colonisation, répression.
*L’exploitation des ressources naturelles par le monde occidental a été spoliatrice ; l’exemple du pétrole est le plus probant, nourrissant un sentiment populaire d’injustice dans le monde arabe et chez les autres peuples dominés ou pauvres.
* Il existe une opposition totale entre Chiites et Sunnites ainsi que de multiples autres plans de clivage dans le monde arabe. ( les monarchies, les régimes…).
*La confusion entre musulmans et terroristes est fréquente et sert l’islam radical; le rejet des musulmans en France et dans l’UE va crescendo et est aggravée par le drame de vagues ininterrompues de migrants pathétiques ; la contestation et les oppositions augmentent ( limitation ou interdiction de déplacements, construction de murs, refoulement….)
*Israel constitue un facteur aggravant de la situation ; il focalise les haines et sert souvent de prétexte ou d’exutoire.
* Les conflits en Irak, Syrie, Pakistan sont gravement déstabilisateurs par leurs conséquences tragiques dont des dizaines de milliers de morts, des millions de déracinés, de réfugiés, d’internés.
L’extrême difficulté de la problématique djihadiste réside dans leur détermination, leur poids, leur recherche du sacrifice avec les attentats-suicides, leur guerre tout terrain ; ils agissent fréquemment hors-structures ; – ils sont donc difficilement repérables, avec un seul objectif : faire régner la terreur pour imposer un islam de combat.
Que faut-il faire ?
-La France, l’Europe, les Etats Unis ont-ils une bonne politique de sécurité ? Je ne sais pas mais, pour l’heure, les résultats ne sont pas probants. En France, après le drame de Nice, la « désunion nationale » a culminé, aggravée par les enjeux de l’élection présidentielle de 2017. En Europe et dans le monde, les dirigeants et les populations sont désemparés, hésitants, incapables de dégager une stratégie ; mais existe-t-elle et si oui, est-elle possible à court terme ?
-Les véritables choix de la Russie, de l’Iran, de la Chine notamment et dont le concours doit être déterminant pour la solution du problème, sont inconnus. Quelle est leur opinion réelle sur le problème de l’islamisme radical et surtout quels sont leurs buts ? avec quelle stratégie ? Seraient-ils partie prenante d’une solution concertée ?
Naturellement, je n’ai pas la prétention de formuler la moindre proposition ; ce serait grotesque ; les analyses et la recherche de solutions appartiennent à tous les pouvoirs décisionnaires, à toutes les instances habilitées ( les Etats, l’ONU, l’UE, le Conseil de Sécurité, etc.). Mais cela n’interdit pas d’avoir quelques réflexions de bon sens.
Il faut dissiper clairement les illusions et respecter certains principes :
-une victoire militaire et/ou une répression éradicatrice sont impossibles par souci de démocratie surtout et impossibilité matérielle de surcroît.
– le racisme, le rejet, les amalgames, la rupture avec le monde musulman, sont à proscrire totalement. L’ordre public et la paix doivent être préservés dans le cadre du droit.
– les migrants doivent bénéficier en Europe d’un traitement humanitaire et digne, en accord avec nos valeurs.
– l’affolement, la suppression ou la restriction abusive – nature et durée- des libertés ne facilitent pas la recherche d’une solution.
-il faut beaucoup de précautions dans l’emploi des termes et des propos publics, le choix des attitudes ; il faut essayer de vivre normalement et sans crainte car la crise actuelle peut s’aggraver, durer, se compliquer. Nous sommes appelés à vivre dans des sociétés multiculturelles et multiethniques, en paix et en harmonie, respectueuse des différences.
– Le dialogue doit aboutir à une paix solide, équitable en Israël, entre les Juifs et les Palestiniens
– Quelques évidences semblent s’imposer ; tous les efforts doivent être consentis par les responsables pour arrêter les guerres effectives ou larvées ; en Syrie, en Irak, au Pakistan, en Afrique. Elles produisent, accompagnent et aggravent les confrontations.
-Des efforts considérables doivent être fournis partout, dans le monde, pour la démocratie, l’éducation et la formation, le développement durable, la justice, la solidarité, la non-violence ; dans la volonté et dans l’espoir de préparer les nouvelles générations à un avenir plus souriant, plus prometteur et plus fraternel.
Il n’y a sûrement pas de panacée mails il y a des solutions, peut-être incomplètes, peut-être pas définitives mais utiles pour rompre la spirale infernale de la violence et déboucher sur un monde plus apaisé.
Aiacciu U 21 di Lugliu 2016