En plein conflit social à propos de la loi Travail, CGT et FO viennent de s’allier à la CFDT et la CFTC.
Ensemble, les 4 confédérations syndicales ont recours au tribunal pour interdire au Sindicatu di i Travagliadori Corsi (Syndicat des Travailleurs Corses – STC) de se présenter aux élections dans les Très Petites Entreprises qui auront lieu en fin d’année. La CGT, seule, a remis ça contre la candidature de l‘Union syndicale basque Langile Abertzaleen Batzordeak (LAB).
Sollicitée, l’Union syndicale Solidaires, a refusé de s’associer à une telle entreprise.
Aux élections prud’homales, aux élections professionnelles, aux élections TPE, le STC est la première force syndicale en Corse. Au Pays basque nord, LAB était la deuxième organisation syndicale lors des élections TPE de 2012, la troisième lors des élections prud’homales de 2008 (au sud, dans l’Etat espagnol, LAB représente environ 20% lors des élections professionnelles).
Le pluralisme dérange
CGT, FO, CFDT et CFTC ont recours aux tribunaux pour tenter d’interdire à certains syndicats de se présenter aux mêmes élections qu’elles. Etrange conception du pluralisme !
La démocratie remise en cause
Que des organisations syndicales contestent les orientations d’autres collectifs syndicaux, c’est bien normal ; mais ceci doit se faire politiquement, par les débats et les pratiques syndicales. Là, il s’agit d’interdire à des milliers de travailleurs et de travailleuses de voter pour le syndicat de leur choix.
Le droit à l’autodétermination des peuples est dénoncé
Dans sa requête contre LAB, la CGT écrit : « sa revendication de la reconnaissance du peuple basque et de son droit à l’autodétermination, révèlent un objet et un projet incompatibles avec les principes essentiels de la République ». C’est la négation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et même de leur droit à seulement le revendiquer !
Le syndicalisme devrait renoncer à tout changement de société
La CGT revendique le fait que « l’action des syndicats doit comporter des objectifs professionnels et ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques ». La Charte d’Amiens est même mise à contribution pour appuyer cette exigence d’un syndicalisme qui ne fait pas de politique ! Elle en est pourtant l’exact opposé, puisqu’elle affirme la « double besogne » du syndicalisme : défense des revendications immédiates et transformation sociale passant par la fin du système capitaliste. Que la CFDT ou la CFTC revendique un syndicalisme dit « apolitique » (c’est-à-dire acceptant le capitalisme comme seul système politique et économique possible) est normal ; comment la CGT peut elle s’abaisser à cela ? C’est une insulte aux combats menés par des centaines de milliers de militants et militantes depuis des générations.
Une très dangereuse utilisation des « valeurs républicaines »
Parce qu’ils contestent certaines décisions ou l’organisation de la société, l’objet du STC et de LAB serait « contraire aux valeurs républicaines ». Ainsi, dans une parfaite similitude, à la virgule près, CGT, FO, CFDT et CFTC affirment « saisir le tribunal afin d’obtenir l’annulation de la candidature du STC aux motifs qu’elles considèrent que l’objet de ce syndicat est politique et contraire aux valeurs républicaines » Mais que diront CGT et FO quand d’autres reprendront leur argumentation pour leur dénier les droits d’une organisation syndicale au motif, par exemple, que s’opposer à une loi votée serait « politique » et « contraire aux valeurs républicaines » ?
Contester les méga-Régions serait illégal !
Un des arguments utilisés par CGT, FO, CFDT et CFTC contre le STC est qu’il se présente sur l’ensemble du territoire et non sur la seule Région Corse … Mais cela n’empêche nullement la CGT d’aller au tribunal contre LAB qui ne se présente que sur la Région qui englobe le Pays basque ! Mais il y a pire encore : la CGT demande au tribunal d’interdire la candidature du syndicat basque parce que celui-ci « se présente à des élections au niveau régional, tout en dénigrant le principe même de ces élections », LAB ayant fait part publiquement de son désaccord avec le contour des Régions mises en place depuis le 1er janvier 2016. Fautil interdire d’élections TPE toutes les organisations syndicales qui ont combattu ou dénoncé ces mégasRégions ?
La solidarité syndicale contre la répression : une faute ?
Dans les pièces à charge, la CGT mentionne un communiqué de LAB qui dénonce l’emprisonnement par l’Etat espagnol de son ex-secrétaire général, Rafael Diez ! De même, sont cités des extraits de la Plate-forme des Syndicats des Nations Sans Etat (dont STC et LAB font partie, comme l’UGTG de Guadeloupe, l’USTKE de Kanaky, l’UTG de Guyane, l’UGTM de Martinique, l’Intersindical CSC des Pays catalans, etc.). A charge aussi une déclaration de ce collectif d’organisations syndicales soutenant le processus de paix au Pays basque et notamment « la déclaration d’Aiete de 2011 » … signée aussi par CGT et CFDT (et bien d’autres) !
Hypocrisie générale !
CGT, FO, CFDT et CFTC accusent le STC de « porter atteinte à l’indépendance des conseillers prud’homaux » parce que statutairement ceux-ci « sont tenus d’assister aux réunions de l’Union Locale… et prévoir la tenue de réunions régulières avec les permanents plus particulièrement chargés du suivi et du traitement des dossiers prud’homaux ». Il est consternant, de voir ainsi des confédérations syndicales dénoncer le fait qu’un syndicat organise le lien entre ses mandaté-es et l’organisation ! Qui plus est, comme si elles-mêmes ne le faisaient pas !
Le misérable et dangereux argument du Front National
Pour appuyer leurs demandes de censure envers le STC et LAB, les 4 confédérations mettent en avant des jugements antérieurs contre de pseudo-syndicats Front National. Les statuts de LAB indiquent que cette organisation « a pour but de regrouper sans distinction d’opinion politique, philosophique, religieuse ou d’origine ethnique tous les syndicats qui veulent mener une lutte résolue contre toutes formes d’exploitation des travailleur-se-s du public comme du privé, avec ou sans emploi ». Quant au STC, il « a pour but de regrouper sans distinction d’opinions politique, philosophique et religieuse ou d’origine ethnique, les salariés, les fonctionnaires, et autres personnels, qui veulent mener une lutte résolue contre les différentes formes d’exploitation, privées ou d’Etat, liées à la domination de type colonial subie par la Corse et au mode de production Capitaliste. Le S.T.C. a pour mission la défense de tous ceux qui vivent de leur travail contre un salaire, un traitement, sans exploiter autrui, quelle que soit la fonction qu’ils occupent. Leur place dans la production déterminant une situation concrète caractérisée par un ensemble d’intérêts moraux, matériels, économiques et professionnels irréductibles à ceux du patronat, le S.T.C. affirme sa vocation à défendre exclusivement leur intérêt : en ce sens il est un Syndicat de classe ». Quel rapport avec le Front National ? Malheureusement, nous connaissons bien cette méthode : les mêmes l’ont utilisée des centaines de fois contre des syndicats Solidaires, notamment entre 1996 et 2008 pour tenter de leur interdire d’exister !
Dans toutes nos organisations syndicales, il est nécessaire de mener le débat sur la réalité du caractère colonial de l’Etat français. Les appréciations peuvent être différentes ; pour celles et ceux qui pensent qu’il existe et doit être combattu, les réponses peuvent être diverses. En aucun cas, elles ne justifient le recours aux tribunaux pour s’attaquer aux droits de certains syndicats (le STC et LAB sont bien des syndicats ; la comparaison avec les tentatives du Front National sont hors de propos).
Mais le problème posé par ces recours CGT, FO, CFDT et CFTC va au-delà de ça : Par l’argumentation développée, ils contribuent à renforcer l’arsenal antisyndical à disposition du patronat et du gouvernement. C’est inacceptable.
L’Union syndicale Solidaires souhaite que la Cour de cassation annule l’interdiction faite au STC de se présenter aux élections TPE et que le Tribunal d’Instance de Bordeaux ne donne pas suite à même demande visant LAB. L’Union syndicale Solidaires continuera à travailler avec le STC et LAB, dans le respect des positions de chacune de nos organisations, pour défendre les revendications des travailleurs et travailleuses dès aujourd’hui tout en construisant les conditions d’une rupture avec le système capitaliste, pour le respect du droit de tous les peuples à choisir leur avenir et contre toutes les discriminations.
L’Union syndicale Solidaires