Mr le 1er ministre, vous allez venir dans « cette chère colonie corse » et vous allez sûrement nous apporter quelques colifichets… « En signe d’amitié », à défaut de réelle compréhension de la situation corse attendue de la part de votre gouvernement !
J’aimerai bien me tromper et vous voir enfin annoncer l’amorce d’une véritable négociation politique sur le conflit opposant l’Etat et la Corse depuis que l’expérience paoliste a été balayée par les armes en 1768… avec pour perspective une véritable solution politique à la Question corse posée depuis des décennies… mais….
Si j’en juge le bilan de François Hollande depuis son accession à la Présidence française, et votre nomination, la Corse n’apparait plus sur les écrans de votre politique, ne comptant guère parmi vos soucis principaux. L’on ne peut que noter l’absence de toute volonté de s’intéresser réellement aux revendications de cette île, et ce malgré y compris l‘arrivée aux responsabilités à la Collectivité Territoriale des nationalistes que vos services de police et votre justice ont tant combattus et tant ostracisés…
Et vous n’avez même plus les excuses et prétexte fallacieux que vos prédécesseurs et vous-même mettiez toujours en avant jusqu’alors, à savoir la violence politique et le manque de résultat électoraux des mouvements nationalistes…
L’histoire retiendra qu’après les avancées obtenues avec les gouvernements de gauche depuis 1981, avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, votre gouvernance aura elle, réussi le tour de force de rendre un semblant de légitimité à la Droite en France, et par ricochet dans l’île, surtout depuis l’erreur historique des nationalistes corses de ne pas avoir pesé de tout leur poids sur le résultat du Référendum de 2003… à tel point qu’aujourd’hui la Gauche et ses soutiens dans l’île apparaissent illisibles, et leurs voix sans résonance auprès de votre gouvernement, y compris la gauche communiste-Front de gauche qui, de plus en plus en opposition aux revendications spécifiques de la Corse et des Corses, se trouve, au-delà de certaines affaires, pour le moins marginalisée aujourd’hui dans la société corse et auprès de la jeunesse.
Dans votre posture-dérive sécuritaire sur tous les terrains, dans l’île vous avez beau faire montre de vouloir réorienter votre répression vers les réseaux clientélaires ou mafieux, du moins si l’on en croit certains médias ou journalistes bien en cour à Paris, nous ne pouvons oublier d’une part, que des militants sont toujours en prison ou recherchés et que la répression continue de viser les nationalistes, et surtout les jeunes… et que d’autre part, depuis les années 70, si ces réseaux ont pu proliférer et se développer, c’est aussi grâce à la bienveillance plus ou moins officielle des différentes gouvernances à Paris qui ont toujours privilégié la chasse aux nationalistes corses comme objectif des forces de police, gendarmerie et justice,. …
Mr le 1er ministre, vous allez sûrement partir d’ici l’an prochain, récoltant les conséquences de votre politique inconsistante et si loin des préoccupations de vos concitoyens de plus en plus déprimés par les évolutions intérieures et internationales françaises dans lesquelles, avec d’autres gouvernements avant vous, vous portez une grande responsabilité… car vous aurez réussi le tour de force de faire le lit du retour de la Droite en lui donnant quasiment une nouvelle légitimité (comme en Corse pour la Droite et l’Extrême-droite) du fait de votre incapacité ou refus de prendre en compte les réels problèmes sociaux et sociétaux que les Corses inquiets pour leur identité et leur culture mettent en avant depuis des décennies..
Je terminerai en vous souhaitant un bon séjour dans « cette île bénie des dieux » où tant de gens venus d’ailleurs rêvent d’y faire ou de finir leur vie, tandis que les Corses eux sont de plus en plus minorisés et ostracisés chez eux, leurs droits de peuple sur leur terre étant toujours ignorés ou niés par vous et votre gouvernement.
Peut-être que vos déclarations contrediront mes dires, sachez qu’alors je serai avec plaisir le premier à reconnaître m’être trompé.
Avec tous les respects dus à votre charge
Pierre Poggioli