Le 3 juin, l’Assemblée Nationale française a adopté, dans l’indifférence quasi-générale, la « loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme ». Ces mesures augmentent considérablement les pouvoirs du Parquet et des services de renseignements français.
Le Parquet pourra dorénavant installer, là où il le décide, sans aucun contrôle, des dispositifs de sonorisation, de captation des communications et des courriers électroniques…
Ces mesures destinées à lutter contre le terrorisme djihadiste (dont la Corse elle-même ne semble plus hélas désormais à l’abri) seront bien entendu, par un amalgame plus que douteux, voire insupportable, étendues et utilisées à l’encontre de patriotes corses, ouvrant la porte aux abus en tous genres et au placement sur écoutes de militants nationalistes ou supposés tels au simple fait de leur proximité ou d fait de leurs liens familiaux ou amicaux avec des militants, la lutte anti-nationaliste corse s’est accoutumée du fait depuis des décennies de telles dérves liberticides.
Depuis des mois, la France s’est engagée sur la voie d’une répression à l’encontre de la jeunesse corse.
La société corse dans son ensemble doit s’inquiétar de l’impact que pourrait avoir cette loi sur nombre de jeunes corses, sur leurs familles, leurs amis, leurs proches voire leurs simples connaissances. Après la multiplication des interpellations de 6h le matin, il faut s’attendre à la multiplication des micros au domicile ou à la sonorisation de la voiture familiale ! Où ces mesures répressives vont-elles s’arrêter ?
Au plan judiciaire, ce texte crée un grand déséquilibre entre la Défense et le Parquet, lequel bénéficiera de pouvoirs suppléméntaites au détriment de ceux dévolus à la Défense.
Pourtant l’Etat français dispose déjà de l’arsenal législatif le plus répressif d’Europe.Avec cette nouvelle loi répressive, les Droits de l’Homme et les principes les plus élémentaires de liberté seront un peu plus bafoués désormais.
A méditer : Pour rappel : Extrait de ma thèse en Science politique- Aix en Provence: “Irlande-Pays Basque-Corse, analyse comparative” ; 2011
La lutte “anti-terroriste”
Avec les évolutions du contexte international des années 2000, les approches des Etats vis-à-vis de ces méthodes de luttes (la violence comme mode d’action politique) ont évolué depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux USA[1], à Madrid[2] ou à Londres (7 juillet 2005)[3]. Les attentats islamistes de 2001 et ceux qui s’en sont suivis en Europe, avec la montée de l’intégrisme violent islamiste, ont changé la donne. L’actualité internationale affichant quotidiennement les images terrifiantes des actes de violence des multiples groupes djihadistes, l’usage de toute violence progressivement amalgamée, ne pouvait que desservir un nationalisme corse, basque ou irlandais, très soucieux de visibilité médiatique, poussant tôt ou tard à se démarquer de cette vision des choses pour ne pas courir le risque d’être rejetés par les peuples qu’ils sont censés défendre.
Par ailleurs, avec la montée en puissance du « terrorisme islamiste » et la diffusion d’images choquantes dans les médias par ces nombreux groupes djihadistes, le romantisme des années de l’avant 2000 entourant ces luttes en Europe s’est estompé, et elles ne sont plus dès lors regardées avec la même sympathie. D’où la réticence, voire le refus de ces Etats de toute discussion, par crainte notamment des réactions de leur opinion « nationale ».
Les gouvernements vont donc adopter une ligne plus dure et refuser toute négociation avec les adeptes de cette violence politique. . Ces Etats, sous couvert de “lutte anti-terroriste » ont donc durci leur arsenal judiciaire et policier (gardes à vue plus longues, écoutes, droits de la défense ignorées ou bafouées, condamnations lourdes..), menaçant les libertés publiques, atteintes à la vie privée, mais facilement acceptées par une opinion mise en condition par la publicité donnée aux groupes djihadistes et à leurs actions. En parallèle, la notion de terrorisme va être étendue peu à peu à toute forme de contestation non légale amalgamant de facto tous ceux qui contestent l’ordre établi et luttent à divers niveaux y compris pour des revendications légitimes, justifiant ainsi des réponses qui ne peuvent être que répressives. Ainsi la répression a suivi, surfant sur les progrès de la nanotechnologie (ADN, écoutes, vidéo-caméras..) causant de terribles ravages au sein des clandestins, les interpellations et arrestations n’ayant jamais cessé L’Europe elle aussi a renforcé son arsenal répressif : inscription des mouvements basques sur la liste des organisations terroristes, Mandat d’Arrêt Européen, MAE, pour les extraditions de militants recherchés… Dans ce nouveau contexte international, l’usage d’une violence armée, même nullement comparable, devenait assurément plus problématique et contre-productive pour ces mouvements de contestation. En France, suite aux massacres du 7 janvier 2015[4] perpétrés par les frères Kouachi ni Amedy Coulibaly (Ile-de-France), certains politiques agitent le le spectre de l’Internet, et plus précisément des réseaux sociaux appelant de leurs vœux un « Patriot Act » à la française, du nom de ces lois d’exception votées aux Etats-Unis à la suite du 11-Septembre. Celles-ci ont notamment permis, par le renforcement du pouvoir des agences de renseignement, des écoutes téléphoniques et collectes de données massives auprès de la population civile. A l’Assemblée Nationale (13 janvier), Manuel Valls annonçait que Bernard Cazeneuve devait faire des propositions sur le contrôle d’Internet et des réseaux sociaux[5]. Une loi allant dans ce sens sera votée par l‘Assemblée nationale à une forte majorité.
[1] Les attentats du 11 septembre 2001 : Quatre attentats-suicides perpétrés le même jour aux USA, à quelques heures d’intervalle, par Al-Qaïda, visant des bâtiments symboliques du nord-est du pays. Au matin du mardi 11 septembre 2001, dix-neuf membres du réseau djihadiste islamiste détournent quatre avions de ligne. Deux avions sont lancés sur les tours jumelles du World Trade Center (WTC) à Manhattan (New York) et un troisième sur le Pentagone, siège du Département de la Défense, à Washington DC, tuant toutes les personnes à bord et de nombreuses autres travaillant dans ces immeubles. Les deux tours – dont les toits culminent à un peu plus de 415 m de hauteur – s’effondrent moins de deux heures plus tard, provoquant l’anéantissement de deux autres immeubles. Le quatrième avion, volant en direction de Washington, s’écrase en rase campagne à Shanksville, en Pennsylvanie, après que des passagers et membres d’équipage ont essayé d’en reprendre le contrôle. Plusieurs milliers de personnes blessées et 2 977 personnes tuées. D’autres décèderont par la suite.
[2] Attentats de Madrid, causés par des islamistes marocains le matin du 11 mars 2004 ( près de 200 morts et 1400 blessés). Dix bombes sur treize ont explosé dans des trains de banlieue, deux ans et demi après les attentats du 11 septembre 2001
[3] Quatre explosions visent les transports publics à Londres, (56 morts-700 blessés)
[4] Puis ceux du 13 novembre 2015 à Paris
[5] Des « techniques spéciales » de recueil du renseignement : Un projet de loi, présenté le 19 mars 2015 en Conseil des ministres donnera de nouveaux droits aux services de renseignement, notamment en matière d’écoute de conversations téléphoniques et d’interception des courriels dans la lutte contre le terrorisme, révèle Le Figaro mardi. Selon le projet de loi, dont Le Figaro dévoile le contenu, les services pourront désormais infiltrer et surveiller les terroristes potentiels grâce à des autorisations administratives, sans passer par la case judiciaire. Ils pourront effectuer en toute légalité des « interceptions de sécurité » portant sur les contenus électroniques des mails et des conversations téléphoniques, dès lors qu’ils seront en lien direct avec l’enquête. Par ailleurs, le projet de loi prévoit aussi le « recours à des appareils enregistrant les paroles et les images de personnes ou à des logiciels captant les données informatiques ». Ce qui permettra aux agents de renseignement de poser des micros et des caméras espions, précise Le Figaro. Le projet de loi prévoit également l’emploi de balises « permettant de localiser en temps réel un véhicule ou un objet » et permet « l’utilisation de dispositifs mobiles de proximité », à savoir des appareils espions. Ils ne pourront en aucun cas, cependant, capter le contenu des conversations et des métadonnées. D’autre part, les agents des services spécialisés ne devraient plus être exposés à des risques pénaux injustifiés puisque pour la première fois en France, le projet vise à « offrir un cadre légal général à des activités (…) susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances », selon le quotidien. Pour la première fois aussi, le législateur dresse la liste « limitative » des motifs pour lesquels les services peuvent avoir l’autorisation de recourir aux « techniques spéciales » de recueil du renseignement. Outre la « défense nationale, les intérêts de politiques étrangères, les intérêts économiques ou scientifiques majeurs », figurent aussi « la prévention du terrorisme, de la prolifération des armes de destruction massive ainsi que des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique”.