« Les serpents de mer qui menacent l’Europe »
En Grèce, un an après, la crise refait parler d’elle. Face à la Turquie, le problème des migrants met l’Europe en position de faiblesse. La Grande Bretagne hésite sur le Brexit. Un terrorisme rampant se développe sans faiblir de Bruxelles à Bamako, en passant par Tunis ou Tripoli. Face à ces fronts multiples, l’Europe reste la seule réponse possible. Mais elle peine à la formuler !
Plus que jamais, tout ou presque repose sur l’Allemagne. Elle seule regroupe encore ce qui est indispensable en politique : une volonté, une capacité et un leadership.
La volonté européenne est encore là outre-Rhin, quand elle est disparue en Grande Bretagne qui, même si elle votait non au Brexit, camperait durablement aux marges de l’action communautaire. Elle défaille vertigineusement dans plusieurs pays du Nord –Danemark, Suède, Finlande-, tentés par l’illusion d’un désengagement européen pour préserver leur prospérité face à la crise du sud méditerranéen, et elle déraille dans plusieurs pays de l’Est qui, face à la crise ukrainienne et sur fond de résurgence d’un nationalisme xénophobe, décrochent sensiblement du socle des valeurs démocratiques.
La seconde économie d’Europe, la France, a encore une volonté européenne certaine. Mais qu’en est-il de sa capacité et de son leadership ? A la veille de la campagne présidentielle 2017, les agences de notation viennent de donner une « perspective négative » à son « double A ». En 2011, c’est le « triple A + » de Nicolas Sarkozy qui avait été ainsi mis sous pression, puis perdu six mois plus tard. La descente continue, la crise est toujours là, tapie dans les comptes d’EDF, d’Air France ou d’Areva, dans une courbe du chômage que rien ne fait se redresser, ou dans des comptes publics qui ne se rétablissent toujours pas. Quant aux autres « poids lourds » -Italie, Espagne- ils sont devenus des « poids morts » pour cause d’endettement et de chômage.
Le leadership d’Angela Merkel est donc sans rival. L’évaporation de l’influence française est d’ailleurs sidérante : qui aurait pu l’imaginer ainsi du temps de De Gaulle, Mitterrand ou Jacques Delors ?
Angela Merkel va donc seule en Turquie pour « recadrer » l’inquiétant Recip Erdoggan qui joue des flots de réfugiés comme d’une arme de pression massive sur l’Union Européenne. La négociation est difficile car l’apprenti-dictateur installe un régime d’exception au motif d’écraser les forces politiques Kurdes. Va-t-on l’aider dans cette ignominie pour soulager la pression migratoire ? C‘est en tous les cas le chantage qu’il exerce. La seule réponse européenne serait d’aider la Grèce à gérer par elle-même une frontière qui, sinon, est livrée au bon vouloir d’Erdoggan. Mais comment pourrait-on y parvenir si l’Etat grec s’effondrait économiquement ?
Aussi, dans le même temps, c’est le Ministre allemand de l’Economie qui est à Athènes pour la « phase II » des négociations avec le gouvernement grec, un an après la crise du printemps 2015, l’éclatement de Syriza et le ralliement négocié par Alexis Tsipras à un accord qui a permis à l’économie grecque de respirer un peu. Mais la dette ancienne est toujours là, trop imposante pour être remboursée, et il faut négocier sa redéfinition quoiqu’il en coûte, aux créanciers comme au peuple grec, et plutôt aux premiers car le peuple grec est au bout de sa capacité. Le bras de fer ne fait que commencer, mais l’accord est une ardente obligation pour les deux parties.
Puis les échéances vont s’enchaîner : le vote britannique, lourd de conséquences potentielles, les suites de la lutte anti-Daech, en Syrie ou en Lybie comme sur le continent européen, les soubresauts de l’économie mondiale qui, chaque fois que les prévisions sont actualisées, n’en finit pas de chuter.
Pour l’essentiel, quoiqu’ils fassent, les Européens seront durablement tributaires de la politique d’Angela Merkel. Qu’on l’apprécie ou non, force est de constater que l’Allemagne est le seul pays d’Europe qui conserve une volonté européenne, une capacité d’action et un leadership reconnu au sein de son peuple.