Les grandes manœuvres ont commencé. L’agitation autour du vote du premier budget de la majorité nationaliste n’en est que le premier signal. Face à une opposition qui cherche à revenir, face à l’Etat qui va l’y aider de toutes ses forces, nous n’avons qu’une parade : incarner une démarche politique attractive et efficace, et regrouper un maximum de Corses autour d’elle.
A droite comme à gauche, la défaite de décembre 2015 est digérée ou en passe de l’être. L’un et l’autre réfléchissent à leur redéploiement en vue de 2018, date annoncée des élections qui installeront la Collectivité Unique selon le calendrier de la loi NOTRe.
Le scénario catastrophe pour eux serait que les nationalistes s’installent durablement à la tête des institutions d’une CTC qui trusterait alors les compétences actuelles avec celles des deux départements. Où serait leur espace politique dans lequel se réfugier en cas de défaite ?
Or, sans grande collectivité à gérer, les forces politiques traditionnelles se retrouvent orphelines du pouvoir. Et sans pouvoir, l’influence claniste ne peut survivre durablement. Aussi la conjonction d’une collectivité unique et d’une majorité nationaliste confortée est un scenario qui inquiète l’ordre établi. Il faut s’attendre à ce que l’Etat aussi cherche à en éviter l’avènement.
La gauche actuellement au pouvoir à Paris va chercher à reconstruire sa démarche en Corse. Paul Giacobbi se débat dans les suites de l’audit sur le budget, et il entretient de très mauvais rapports avec celui qui, au gouvernement, est en charge du dossier corse, Jean Michel Baylet. Mais il reste à la gauche le Conseil Départemental de Haute Corse, et le relais gouvernemental comme moyen d’action. Le Président François Orlandi a esquissé dans Corse Matin sa stratégie, qui pourrait avoir l’aval de Paris : retarder le nouveau scrutin régional au prétexte que « la nouvelle collectivité ne sera jamais prête à temps ou sera bâclée ». De là il espère maintenir son pouvoir départemental plus longtemps et donner le temps à la gauche, avec ou sans Paul Giacobbi, de rebondir demain selon la suite des événements.
Même son de cloche à droite qui sent aussi que le temps peut jouer pour elle. Le Conseil départemental de Corse du Sud emboîte le pas de celui de Haute Corse.
Mais, à droite, la présidentielle occupe tous les esprits et chacun essaie d’enfourcher le meilleur cheval, celui qui gagnera la primaire, puis, car le doute n’existe pas pour eux, l’élection présidentielle. Pour prendre le leadership de la droite, il faut donc prendre la foulée du futur vainqueur de la primaire en France et, pour cela, miser juste. Marcangeli a lâché Sarkozy pour Juppé, Gandolfi-Scheit et Francisci sont restés dans la troupe sarkozyste, tandis que Camille de Rocca Serra en rejoignant Fillon s’est positionné auprès d’un potentiel « faiseur de roi », celui dont le ralliement sera décisif le jour venu. Pour tous, pas de doute : celui qui aura bien misé sera le leader de la droite corse demain.
Face à ces stratégies ressassées du clan en Corse, que l’Etat, droite ou gauche, ne manquera pas de favoriser car c’est pour lui le seul moyen de retarder l’avènement d’une Corse autonome, le mouvement nationaliste doit mettre en place sa propre stratégie, pour réussir la mandature en cours malgré les difficultés évidentes en termes de calendrier et de moyens financiers, et pour arriver en force à la prochaine échéance.
Cette stratégie ne peut être seulement celle du « bon gestionnaire » : les Corses l’attendent, mais ils espèrent bien davantage.
L’attelage du second tour Femu a Corsica/Corsica Lìbera a remporté la victoire, et il mène depuis la Collectivité Territoriale de Corse dans une bonne entente. Une des choses qu’il faudra peser, et trancher, c’est quelle sera l’option dans vingt mois : une liste unique, ou deux listes à nouveau ? Dans le deuxième cas de figure, comment l’annoncer, le préparer, le mettre en œuvre sans craindre une frustration des nombreux électeurs « unionistes » ? Et a contrario le retour aux « deux grandes composantes » n’est-elle pas la meilleure option qui préserve le potentiel de chacun ? Mais la manœuvre est délicate, elle demande que les démarches soient cohérentes et dynamiques, dans une option comme dans l’autre. Chaque composante doit mener ses débats internes avant de se lancer dans la bataille.
Pour Femu a Corsica, voilà six ans que la coalition électorale autonomiste a pris la place dans les faits des mouvements qui la composent, PNC, Inseme ou Chjama. Donner une forme pérenne et structurée à Femu a Còrsica est une nécessité largement ressentie. Le PNC a fait un courrier en ce sens en janvier et Inseme y a répondu favorablement. Arritti a souvent plaidé pour accélérer les rapprochements. Il n’y a plus aucune place pour de nouvelles tergiversations. Le calendrier l’impose : d’ici l’été, de notre côté, il ne doit plus y avoir qu’un seul sigle, Femu a Corsica.