Le match était gagné un à zéro, première victoire à l’extérieur pour les Bastiais, et, pour les 200 supporters corses qui avaient fait le déplacement avec leur équipe, le programme était de rentrer par bus à Paris pour pouvoir s’envoler vers la Corse le lendemain matin. Mais soudain, dans les rues de Reims, la situation a dégénéré.
Bien sûr, la version officielle, reprise par la presse locale, est que ce sont les supporters corses qui ont tous les torts. Ainsi, à les en croire, les supporters bastiais, qui en étaient à leur énième voyage chez les clubs adverses où leur équipe avait, jusqu’à dimanche, toujours perdu, y compris la dernière fois à Guingamp suite à une flagrante erreur d’arbitrage, auraient attendu le jour tant espéré de leur première victoire à l’extérieur, qui plus est obtenue, cette fois, grâce à un incontestable coup de pouce arbitral, pour entrer en ébullition et se comporter en véritables hooligans !
S’il n’y avait un jeune de 23 ans qui a perdu un œil lors des charges policières, une telle mauvaise foi serait risible. Vu la gravité de la blessure de ce jeune, elle est devenue révoltante.
Neuf supporters ont ainsi été placés en garde à vue, et ils sont promis à une justice expédiée en comparution immédiate, sur la fois des dépositions de policiers qui manifestement, par leur comportement, ont transformé la liesse de supporters vainqueurs d’un soir en tension soudaine, puis, par l’usage des moyens répressifs les plus brutaux, fait dégénérer un face à face somme toute banal en un violent affrontement qui a entraîné la perte d’un œil pour un jeune supporter.
L’engrenage violence policière/mauvaise foi officielle est ensuite monté en puissance devant le commissariat de Bastia où les proches du blessé et des personnes retenues à Reims se sont rendues dimanche soir. Aucune réponse à leurs demandes, aucun début de commencement d’excuse pour ce qui s’était passé à Reims, aucune nouvelle de leurs proches retenus en garde à vue, la rue s’est enflammée. Le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’est cru fondé à y voir « la dérive de supporters ultras » comme pour mieux valider à l’avance les dépositions à venir des CRS responsables de la blessure infligée sans raison à un jeune de 23 ans.
Face à cette injustice, Gilles Simeoni a réagi : « Des témoignages concordants font état de comportements provocateurs et brutaux des forces de l’ordre : allusions directes à la situation politique en Corse, insultes racistes, passage à tabac de plusieurs jeunes. De même, la nature et la gravité de la blessure subie par le jeune bastiais ainsi que sa localisation à la face caractérisent d’ores et déjà un usage anormal et disproportionné de la force publique. Dans ces conditions, les poursuites pénales engagées à l’encontre des supporters du SC Bastia interpellés à l’issue de la rencontre ne présentent aucune garantie d’impartialité, puisque les enquêteurs et policiers sont juges et parties dans les incidents, et sont donc susceptibles de voir leur responsabilité pénale et civile engagée. Je demande donc des explications officielles soient, au plus haut niveau de l’Etat, données sur les comportements imputés aux forces de l’ordre par de nombreux tiers, et qu’une enquête indépendante et impartiale soit ordonnée ».
Les incidents de Reims sont révélateurs d’un état d’esprit qui règne sur le continent à l’égard de la Corse, dans la presse, dans la police, et plus généralement dans l’ensemble de l’appareil d’Etat. Celui-ci fait bloc autour de ses policiers, même pour couvrir leurs bavures. Ce n’est pas vrai qu’en Corse, mais c’est sûrement encore plus vrai pour les supporters bastiais !