Remise des prix littéraires de la Collectivité territoriale de Corse – Discours du Président Jean-Guy Talamoni
Cher Président du Conseil Exécutif,
Cher Conseiller exécutif en charge de la langue Corse
Cher Conseillère exécutive en charge de la culture,
Cher Président de l’Accademia Corsa di i vagabondi
Je suis très heureux de vous retrouver pour la première remise des prix littéraires de la Collectivité Territoriale de Corse depuis l’installation du Cunsigliu di a lingua Corsa le 08 décembre 2012.
Notre serment du 17 décembre dernier sur la Ghjustificazione di a Rivuluzione di Corsica a été un premier signe officiel de l’importance que nous accordons à notre littérature. Premier livre d’affirmation du sentiment national, il a été à l’origine de notre nation comme il a été un instant fondateur de notre littérature.
Benedict Anderson avait défendu l’idée selon laquelle l’invention de l’imprimerie aurait permis la création des Etats-nations dont les frontières littéraires deviendraient leurs frontières politiques. Notre histoire est différente puisque nous attestons d’un sentiment national avant l’apparition d’une littérature en langue corse. C’est après, avec le développement du modèle européen de la nation que nos anciens, Saveriu Poli et Ghjacumu Santu Versini, dans A Cispra, ont voulu assurer le développement de notre littérature pour que s’épanouisse notre nation. Cette idée tenace, nous la défendons encore aujourd’hui.
Je veux dire à nos amis auteurs, éditeurs, créateurs, combien nous tenons compte de leur travail, je veux dire à nos compatriotes : « Les petits peuples ont besoin de la littérature plus que les grands ».
Ces mots sont d’Ismäel Kadaré. Auteur albanais d’une petite langue, sa renommée s’est faite grâce à l’ouverture d’espaces littéraires nouveaux, grâce à la traduction que nous soutenons, avec ces prix, grâce aussi à l’ouverture d’un champ littéraire plurilingue. « A lingua st’isula l’hà fatta », écrivait Ghjacumu Fusina mais pour écrire lui aussi en Corse et en français, il sait que notre littérature est plurilingue. La diversité c’est notre sel, c’est notre façon de voir le monde. Nous sommes de la langue corse, mais aussi d’autres langues, c’est pour cela que nous avons deux prix littéraires : l’un en corse, l’autre en français. Nous avons aussi un prix pour les oeuvres scientifiques, de plus en plus nombreuses et de qualité sur la Corse. Il faut les primer aussi.
Il ne s’agit pas de laisser l’administration de la création au politique. Au contraire, il est question de laisser toute créativité aux auteurs, aux artistes, mais d’accompagner, de soutenir, de promouvoir les artistes de notre imaginaire. Vous l’aurez compris, cette remise des prix de la CTC est un moment de culture mais aussi de haute politique. Soyez assurés que nous soutiendrons toutes les politiques publiques qui permettront l’expression de la diversité et de la création.
Pour cela, je veux saluer les maisons d’édition pour leur engagement au profit de notre culture, je veux saluer les lauréats, et les services de la CTC qui accompagnent le processus toujours en marche de la création.
En septembre dernier, nous avons vu la publication de quatre livres en langue corse, quatre contre six cents en français. Rapporté à notre population, et au statut de notre langue, quatre c’est bien plus que six cents ! J’y vois un signe de réappropriation de notre littérature, un signe d’espérance pour notre institution et pour notre peuple.
Les prix :
Année 2014 :
– Prix de la création littéraire en langue corse : Da l’altra parti, Norbert Paganelli, Ed. Colonna
– Prix de la création littéraire en langue française : Orphelins de Dieu, Marcu Biancarelli, Ed. Actes Sud
– Prix de l’essai ou oeuvre scientifique : Le grand dérangement, configurations géopolitiques et culturelles en Corse (1729-1871), Didier Rey et Eugène Gherardi, Ed. Albiana/Università di Corsica
– Prix de la traduction littéraire : Ex-aequo
o Justification de la Révolution de Corse, Evelyne Luciani, Ed. Albiana
o Estru spiritosu, Ghjermana de Zerbi – Traduction Elena Bonerandi, Ed. Albiana
Année 2015 :
– Prix de la création littéraire en langue corse : Va è fatti leghja, Paulu Desanti, Ed. Albiana
– Prix de la création littéraire en langue française : Le petit soldat, Jacques Fusina, Ed. Albiana
– Prix du livre scientifique : Pascal Paoli en Angleterre, trente-trois années d’exil et d’engagement, Francis Beretti et Frances Vivian, Ed. Alain Piazzola/Université de Corse
– Prix de la traduction littéraire : Lovecraft in puesia, Cullettivu lovecraft en puesia, Ed. Materia scritta
JEAN GUY TALAMONI
PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE DE CORSE