L’affrontement d’intérêts privés n’en finit plus de fragiliser la desserte de continuité territoriale ouverte à la concurrence déloyale en 2002.
Le fait générateur de la situation lamentable qui se met en place en ce moment c’est bien cela et non les travailleurs qui ont vu au fil des années leur entreprise et leurs emplois détruits par cette politique de dumping social et commercial subventionnée par l’aide sociale.
La relance de la procédure d’appel d’offres pour une attribution de la délégation de service public (DSP) au premier octobre 2016 aiguise férocement les appétits. Il y a ceux qui n’ont pas été retenus par le Tribunal de commerce de Marseille (TC) dans la piteuse mascarade du redressement judiciaire de la SNCM et puis, poussée par la Chambre de commerce de Bastia très en pointe dans la déréglementation low cost tous modes de transports confondus, la Moby line qui assurera des le mois de juin une ligne au départ de Nice vers Bastia à l’année.
Pour desservir la Corse il devrait y avoir une pléthore de compagnies. La CMN avec 3 navires, Corsica Linéa (Berrebi Padrona) 2 navires, MCM (Rocca) 5 navires, Corsica Ferries 4 navires, Moby line 1 navire. Cela fait 15 navires dont ceux des derniers entrants positionnés sur les lignes les plus rentables. Inutile de dire qu’une telle suroffre devrait avoir quelques effets dévastateurs supplémentaires. Ainsi tout ce beau monde soucieux des intérêts de la Corse se préparent pour le prochain appel d’offres au ligne par ligne ou encore au système totalement débridé des obligations de service public généralisées (OSPG).
Dans une interview à Corse Matin du 27 01 2016 le patron de Moby Corsica souligne l’incongruité de la situation tout en reprenant l’argumentation fallacieuse qui consiste à rendre les travailleurs responsable du malheur qui les accable pour mieux dédouaner les patrons et les politiques qui ont fait ces choix de la déréglementation poussée à l’extrême. Monsieur Paoli qui fut longtemps membre du Conseil d’administration de l’Office des transports sait de quoi il parle. Il est de ceux qui furent les plus écoutés quand il s’agissait de définir les fréquences et les capacités de la DSP maritime pour le transport du fret notamment.
Sa connaissance des choses nourrit son scepticisme sur l’avenir même de la DSP comme des opérateurs : « Quand on partage des marchés déficitaires et que les subventions fondent comme neige au soleil on ne peut pas faire preuve d’optimisme » dit-il avant de craindre pour la qualité de la desserte notamment des ports secondaires et plus largement pour le dispositif et la dotation de continuité territoriale elle-même « si les opérateurs font la démonstration qu’il est possible de transporter toute l’année des personnes et des marchandises sans argent public, la DSP est naturellement en danger ».
Dans ce contexte, identique à celui qui fragilise la desserte de la Sardaigne après la liquidation de la Saremar, l’Exécutif nationaliste de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) entend piloter un projet de compagnie régionale semi publique sous la forme d’une SEM siamoise avec une entité dédiée à l’exploitation et une autre à l’investissement avec l’objectif que la CTC devienne propriétaire des navires.
Cela devrait intervenir dans les deux mois. Un protocole d’accord CTC CMN Corsica Maritima STC et CFDT Corsica a été, nous dit-on, signé pour ce faire laissant par ailleurs la possibilité à d’autres d’entrer dans la danse. Il a été question de transparence on peut douter dans cette précipitation que la limpidité des choses ressurgissent pour lever l’inquiétude palpable face à une désorganisation totale pilotée désormais par le patronat insulaire sous la houlette de la CCI de Haute Corse.
Il n’est donc pas surprenant de constater que ce protocole d’accord n’ait pas été soumis à d’autres acteurs syndicaux comme la CGT, le SAMM, la CFE CGC, la CFDT voire au nouveau dirigeant de l’ex-SNCM devenue Maritima Ferries MCM (groupe Rocca).
Sans être sortie du TC, l’ex-SNCM, presque offerte au transporteur Patrick Rocca, se retrouve ainsi confrontée à cette volonté de la CTC de créer une compagnie régionale appuyée sur les assauts hostiles d’une concurrence qui d’ores et déjà impacte sa trésorerie pour entraver sa pérennité. Dans ce scénario destinait à effacer définitivement les bases du service public sous pavillon premier registre français, les personnels de l’ex-SNCM craignent à juste raison une deuxième vague de licenciements.
Sous le coup d’une DSP à minima, après avoir honoré le paiement des créanciers, Maritima Ferries MCM a donc été placée devant l’obligation d’accepter une fusion avec son concurrent Corsica Maritima afin d’éviter un dépôt de bilan fin janvier. Ce protocole prévoit l’entrée de Maritima Ferries MCM au capital de la holding de Corsica Maritima, en échange du fonds de commerce et des contrats de location des navires dont Maritima Ferries MCM ne sera propriétaire que fin mars au terme de la procédure de cession conduite par le TC.
Cette réplique, si elle se confirmait, rendrait encore plus incertain l’objectif de créer dans les deux mois une compagnie régionale indépendamment de la crédibilité d’un tel objectif sur un projet aussi complexe aux plans technique, financier et social. Pour autant la manœuvre aboutira à ce que la déréglementation totale, favorisée par le gouvernement, puisse encore avancer pour occuper toute le champ de la desserte de la Corse. Sans régulation publique du marché les opérateurs privés sont entrain de faire main basse sur la desserte au détriment de l’intérêt général bien compris.