Barcelone (AFP) – Le candidat désigné pour présider la Catalogne, l’indépendantiste Carles Puigdemont, a appelé dimanche au démarrage du processus de sécession devant le parlement de cette riche région d’Espagne.
« Nous devons (…) lancer le processus pour créer un Etat indépendant en Catalogne, pour que les décisions du parlement catalan soient souveraines », a-t-il dit sous les applaudissements, quelques heures avant que l’assemblée à majorité indépendantiste ne l’élise à la tête du gouvernement régional pour succéder à Artur Mas.
Dans un coup de théâtre de dernière minute, Artur Mas avait cédé samedi aux pressions de ses détracteurs et renoncé à briguer un nouveau mandat. Le retrait de sa candidature a permis la formation d’une coalition de gouvernement, qui va des conservateurs à la gauche anticapitaliste, décidée à profiter de sa majorité absolue au parlement régional pour proclamer d’ici 18 mois l’indépendance de la Catalogne.
Membre du même parti qu’Artur Mas, M. Puigdemont, 53 ans, journaliste de langue catalane, est un indépendantiste de la première heure. Depuis 2011, il est maire de Gérone, une ville de 97.000 habitants à 100 km au nord de Barcelone et, depuis 2015, il préside l’association des municipalités indépendantistes.
Sa nomination, résultat d’un compromis entre les partisans et les adversaires d’Artur Mas qui s’affrontaient depuis 100 jours, a permis aux indépendantistes d’éviter de justesse la convocation de nouvelles élections, les quatrièmes depuis 2010. Ils risquaient fort d’y perdre leur toute nouvelle majorité
A Madrid, « ils jubilaient ces dernières semaines en disant que la Catalogne s’enlisait. Depuis hier, ils sonnent de nouveau l’alarme », s’est réjoui dimanche Artur Mas devant les membres de son parti.
Les indépendantistes regroupent leurs forces alors qu’à Madrid, les élections législatives du 20 décembre ont laissé un Parlement fragmenté, où le Parti Populaire du chef du gouvernement sortant, le conservateur Mariano Rajoy, a perdu la majorité absolue et cherche en vain à former une coalition.
Face à la rébellion de la plus riche région d’Espagne, le cabinet de M. Rajoy a insisté sur la nécessité pour le « prochain gouvernement d’Espagne de compter sur une large base parlementaire qui garantisse la stabilité et la capacité (de) faire face au défi indépendantiste ».
M. Rajoy espère parvenir à un accord avec le Parti socialiste (PSOE), deuxième force politique en Espagne, et avec le parti libéral Ciudadanos, opposés comme lui à l’indépendance de la Catalogne.
Le PSOE vise en revanche une alliance avec la gauche radicale de Podemos et des partis nationalistes en Catalogne et au Pays basque. Mais la situation à Barcelone lui complique encore la tâche.
« Comment allons nous expliquer que nous arrivions au pouvoir avec l’aide de ceux qui visent l’indépendance en quelques mois ? », a confié un dirigeant socialiste au journal numérique de gauche El Diario.
Le porte-parole du PSOE, Antonio Hernando, a évité dimanche de se prononcer sur de futures coalitions mais, devant les journalistes, il a offert « son soutien au gouvernement en fonction pour faire respecter la loi ».
Fernando Martinez-Maillo, du parti conservateur, a estimé de son côté qu’il n’y avait « pas de meilleure façon de faire front à la sécession qu’une alliance entre le Parti Populaire et le Parti socialiste ».
Les indépendantistes ont remporté la majorité absolue de 72 sièges sur 135 au parlement régional, avec 47,8% des voix, le 27 septembre.
Dès novembre, ils adoptaient une résolution proclamant le début du processus de sécession et l’insoumission aux institutions de l’Etat espagnol.
Mais leur projet avait failli échouer en raison du désaccord entre les 62 députés de la coalition « Junts pel si » (Ensemble pour le oui), formée par Artur Mas, et les 10 députés anticapitalistes de la Candidature d’unité populaire (CUP). Cette petite formation d’extrême gauche refusait de reconduire Artur Mas à la tête du gouvernement, lui reprochant quatre ans de politique d’austérité et la corruption de son parti.
Le pacte conclu entre la CUP et « Junts pel si » garantit la stabilité du nouveau gouvernement régional parce que les anticapitalistes se sont engagés à ne jamais laisser la coalition seule face aux 63 députés de l’opposition.
Après son investiture dans la soirée, Carles Puigdemont devra former son cabinet. Parmi les premières lois qu’il devra présenter figurent la création d’administrations fiscale et de sécurité sociale pour la Catalogne.