« L’Assemblée Générale Extraordinaire 2015 de Femu Quì, tenue le 5 décembre dernier, a officiellement lancé une « nouvelle saison » de l’aventure engagée en 1992 par l’appel à souscription lancé dans les colonnes d’Arritti.
Ce renouvellement des structures, des objectifs et des Hommes était nécessaire. Les années passent, les contextes économiques et financiers évoluent régulièrement, et le modèle de Femu Quì devait être repensé. Jean Nicolas Antoniotti, Jean François Stefani et plusieurs des administrateurs sortants se sont attelés à la tâche pour définir un nouveau projet, lui permettre de recevoir les agréments nécessaires, notamment de l’Autorité des Marchés Financiers, et le faire partager aux actionnaires de la société de capital-risque fondée il y a vingt-cinq ans bientôt.
Jean Nicolas Antoniotti a décidé de passer le flambeau, qui est repris par Sebastien Simoni, nouveau Président du Conseil de surveillance. Une page est tournée. Une nouvelle va s’écrire.
Il y a 25 ans, les débuts de Femu Quì
Femu Quì « première saison » a été celle des pionniers, ceux qui ont relevé le défi technique et politique insensé de lancer de toutes pièces une société solidaire de capital-risque pour mettre l’épargne corse au service de l’économie corse. Il s’agissait de créer, comme nous l’écrivions dans Arritti à l’époque, une dynamique de type associatif dans le champ de l’action économique comme elle existait déjà largement dans le champ culturel du « riacquistu ». Et, pour ce faire, nous avons entrepris de rassembler 3 millions de francs (450.000 €), soit 4.000 actions à 750 francs (113 €) réparties sur plus d’un millier de souscripteurs qui se sont portés volontaires en faisant des promesses de souscription, puis en honorant ces promesses de façon concrète le jour venu. Femu Quì 1992 c’était à la fois l’innovation (le crowdfunding avant l’heure), la rigueur économique car il fallait respecter un cahier des charges très strict pour recevoir l’agrément de l’Autorité des Marchés Financiers pour collecter l’épargne, et l’élargissement car, très rapidement, l’initiative a débordé le cadre d’Arritti et mobilisé des acteurs économiques de tous horizons. Femu Quì a ainsi été la première réalisation concrète du « riacquistu ecunòmicu » que tous prônent désormais.
Nous avons alors vaincu une montagne de scepticisme, et surmonté tous les obstacles. 18 mois après le lancement de l’initiative, Femu Quì est devenu réalité concrète, sonnante et trébuchante. Les premiers dossiers traités ont été dans le sillage de la démarche engagée, à chaque fois des paris audacieux sur l’avenir, à l’image du plus emblématique d’entre eux, aux côtés des promoteurs de la bière Pietra, dont Femu Quì a été un des premiers actionnaires. L’apport financier de Femu Quì a été fondamental en cette période de lancement durant laquelle personne ou presque ne croyait à la pertinence de fabriquer une « bière à la châtaigne » en Corse. Et quelle réussite, vingt plus tard ! A elle seule, elle justifierait d’avoir engagé l’aventure, même si, fort heureusement, elle n’est pas restée isolée.
De cette première période, on touchera vite les limites de son succès. Femu Quì devait se professionnaliser, et donc trouver des fonds pour recruter une équipe compétente. Et, dossier après dossier, son maigre capital de départ s’épuisait, tandis que les premières entreprises aidées n’avaient pas encore franchi le cap de rembourser l’argent engagé auprès d’elles. Au bout de quelques années, Femu Quì se retrouvait donc dans l’impasse.
2000-2015 : l’institutionnalisation de l’outil Femu Quì
Femu Quì « deuxième saison » a été lancé pour sortir de cette impasse. En lançant un nouvel appel à l’épargne pour augmenter son capital, ce qui a permis de monter à 2.000 actionnaires, et de recruter parmi eux des « institutionnels » intéressés par nos premiers succès comme la Caisse des Dépôts et Consignations, la Caisse d’Epargne et bien d’autres, ainsi que de mobiliser la CTC et l’ADEC dont les projets en matière de capital-risque, contractualisés avec l’Europe, étaient menacés d’échouer en raison de la déconfiture de la CADEC (Caisse de Développement de la Corse tombée en faillite). En prenant pied sur le terrain institutionnel, par l’accès à des fonds publics, Femu Quì a réussi à pérenniser son modèle économique. Il a contractualisé la gestion des fonds européens du FEDER en sus de ses fonds propres qui, dans le même temps, ont été accrus par de nouvelles augmentations de capital. Et cette « masse critique » atteinte en fonds mis au service des entreprises insulaires a permis d’installer un modèle économique pérenne pour la structure durant deux périodes de programmation budgétaire, depuis les années 2.000 jusqu’à aujourd’hui.
Au bout de ce parcours Femu Quì dispose d’un capital de 4.562.320 €, dix fois plus que les 450.000 € de départ. Son bilan 2014 dégage un résultat positif de 387.000 € car nous avons pris nos bénéfices dans les sociétés que nous avions aidé à leurs débuts et qui ont depuis magnifiquement réussi : brasserie Pietra, Gloria Maris, désormais leader français de l’aquaculture, Performance Composite Méditerranéen, PME du secteur aéronautique forte de plusieurs dizaines d’emplois dans la vallée de la Gravona, etc… Chaque action vaut désormais 140 € contre 112 € en 1992. Cette plus-value de 28 € n’enrichira certes pas les comptes en banque de premiers souscripteurs, mais elle est riche d’un défi relevé, et d’une réponse cinglante aux cassandres qui étaient légion à l’époque : « ça ne marchera jamais », « en Corse un tel projet ne peut que se casser la gueule », etc…
2015, Femu Quì doit changer de modèle
En 2015, ce modèle économique de Femu Quì atteint à son tour ses limites. D’abord, l’environnement économique et financier a radicalement changé. Dans les premières années l’accès aux financements pour développer une entreprise étaient beaucoup plus rares. Aujourd’hui, seuls les « canards boiteux » peinent à se financer auprès des banques, les fonds mis à disposition par l’Europe et les institutions sont nombreux et diversifiés, et les taux d’intérêts sont si bas que la rémunération d’une structure d’investissement comme Femu Quì devient impossible par le seul biais du placement de ses avoirs auprès des entreprises auxquelles elle participe.
La nouvelle programmation des fonds FEDER, au demeurant notoirement négociés à la baisse pour cette nouvelle période, instaure de nouvelles règles, et la baisse des taux d’intérêt amène l’Autorité des Marchés Financiers et les fonds européens à décourager les petites structures au profit de sociétés de gestion de patrimoine importantes, aptes par leur taille à financer une structure professionnelle performante. Femu Quì devait se refonder et faire face à ces nouvelles contraintes.
Parallèlement, les FIP (Fonds d’Investissement de Proximité) mobilisent, grâce la défiscalisation des impôts sur le revenu et sur la fortune, des sommes importantes, notamment le FIP Corse qui bénéficie d’une fiscalité avantageuse. Il y a aussi les fonds institutionnels –Fonds Commun de Placement pour l’Innovation, Fonds Commun de Placement à Risques- qui représentent autant d’opportunités dont la Corse se trouverait privée si elle ne dispose pas d’un outil de gestion adapté. Or prendre sa place dans la gestion de ces fonds suppose de remplir des conditions réglementaires, fixées par une directive européenne, que Femu Quì dans sa forme actuelle ne remplit pas. Il fallait donc transformer Femu Quì pour qu’il s’inscrive comme un outil des temps modernes.
Création de la SGP Femu Quì Ventures
Femu Quì a donc décidé de créer lors de son Assemblée Générale Extraordinaire une Société de Gestion de Portefeuille, la SGP Femu Quì Ventures. C’est à partir de son directoire actuel (Jean François Stefani, Ghjuvan Carlu Simeoni et Pierre-Jacques Patrizi) que Femu Quì crée cette structure, avec des salariés devenus actionnaires. Cette SGP gérera les fonds de Femu Quì, ce qui lui permet d’avoir un premier portefeuille, mais elle pourra aussi lever de nouveaux fonds réglementés, tant auprès du grand public (FIP) que des institutionnels (FPCI). Elle a pour cela obtenu l’agrément de l’AMF, et, en dehors d’une poignée de SGP basées à Lyon, elle sera une des très rares à ne pas avoir son siège à Paris.
Cette mutation s’accompagne de garanties. Tout d’abord, Femu Quì SA sera en tant que telle associée au sein de la SGP, à hauteur de 25%, ce qui lui garantit le droit à l’information, sans aller jusqu’à une position de contrôle qui serait alors contraire à la directive européenne. Un pacte d’associés est passé, ainsi qu’un mandat de gestion très encadré, notamment par la charte d’origine qui reste notre « code des investissements ». D’autre part la SGP créée s’appuiera pour se développer sur la marque Femu Quì, dont le contrat de licence est soumis au respect de conditions strictes garantissant la pérennité de l’œuvre entreprise en 1992.
Enfin, non écrit, mais tout aussi important, sera le contrat de confiance que nous passons avec ceux qui s’engagent dans cette SGP, en y investissant lourdement (70.000 € chacun), mais aussi, ils en sont conscients, en bénéficiant de tout l’acquis collectif de ces 25 années Femu Quì sans lequel l’agrément de l’AMF n’aurait jamais pu être obtenu.
Le projet Femu Quì 3.0 de Sébastien Simoni
Tous le « business » usuel de Femu Quì sera poursuivi. Mais l’ambition de la nouvelle équipe est aussi de porter un projet ambitieux dans le numérique avec l’engagement du nouveau président, Sébastien Simoni.
Depuis 1999, Sébastien Simoni et son associé Jérôme Pietri ont créé une activité pleinement engagée dans la révolution de l’internet. Au commencement, ils ont créé Webzine, outil de publication de blogs sur le net, puis Campusplex où travaillent 40 informaticiens, en plein cœur d’Aiacciu, sur des activités diverses autour d’internet comme la création d’applications pour les mobiles (GoodBarber désormais n°5 mondial dans son secteur). A Campusplex travaillent 40 personnes de 30 ans d’âge moyen, pour beaucoup issus de l’Université de Corse, qui traitent 5.000 clients dans 25 pays différents, faisant 95% de leur chiffre d’affaires (2M€) hors de Corse, avec des perspectives de développement très porteuses. Ayant créé une école de robotique pour enfants des écoles de la ville, Sébastien et Jérôme, jeunes parents d’élèves, ont reçu le premier prix de la Fondazione Mondo Digitale basée à Rome et financée par Google.
Pour Sébastien Simoni, Femu Quì est la base d’un grand projet numérique, pour mettre la Corse à l’heure de l’intelligence artificielle, et Femu Quì au cœur d’une stratégie participative grâce à l’internet, ses formes de financement participatif, en créant des liens structurés avec sa diaspora qui pourront lui permettre de résoudre son problème permanent de « masse critique ».