Les nouveaux dirigeants de Corse, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, tous deux avocats à Bastia, incarnent le renouveau du nationalisme dans l’île, défendant depuis des décennies la culture, la langue, le patrimoine et les droits politiques et économiques des insulaires.
L’accession de M. Simeoni, 48 ans, à la présidence du conseil exécutif de la Collectivité territoriale, le mini-gouvernement de la Corse, et celle de M. Talamoni, 55 ans, au perchoir de l’Assemblée sont l’aboutissement d’un engagement sans faille des deux hommes depuis leur adolescence.
Premier maire nationaliste d’une grande ville corse depuis 2014, M. Simeoni qui conduisait la liste nationaliste « Per a Corsica » aux élections territoriales, est un militant passionné prônant le dialogue, l’ouverture et le consensus.
« Mon père ne m’a pas fait d’autre legs que son engagement pour la Corse », aime à rappeler à ceux qui évoquent un « clan Simeoni », le fils du patriarche nationaliste Edmond Simeoni, 81 ans, figure emblématique du mouvement nationaliste depuis la fin des années 1960.
Gilles Simeoni, homme d’action, athlétique et souriant, très attentif aux autres, rappelle n’avoir eu « droit pour héritage qu’aux visites au parloir de la prison de la Santé » à Paris, durant son adolescence. Son père y purgeait une peine de cinq ans de prison pour l’occupation, en 1976, d’une cave viticole dont les propriétaires pieds-noirs étaient accusés de malversations.
Né le 20 avril 1967 à Bastia, Gilles Simeoni baigne tout jeune dans une ambiance militante. Après des études de droit et de sciences politiques à Aix-en-Provence et à Corte, il devient avocat à Bastia. Il a notamment défendu Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac.
Engagé dans le mouvement nationaliste durant ses études, il s’est rapidement prononcé contre la violence politique et pour la démocratie, vivant difficilement la guerre fratricide entre factions nationalistes du milieu des années 1990.
Ce père de famille sportif (boxe, course en montagne, football), partisan d’un « nationalisme d’ouverture », se présente aux élections législatives en 2007.
Pourfendeur du clientélisme et du clanisme, tant à droite qu’à gauche, qui a mis la Corse en coupe réglée depuis des siècles, il crée la surprise en 2008, en arrivant deuxième avec 25% des voix aux municipales à Bastia.
Le dépôt des armes par les clandestins du FLNC annoncé en juin 2014 interviendra quatre mois après sa victoire aux élections municipales à Bastia, pour laquelle il n’était pas parvenu à s’entendre alors avec les indépendantistes conduits par Jean-Guy Talamoni.
– Le pouvoir par les urnes –
Le dialogue ne cesse pas entre les deux dirigeants, M. Talamoni, homme de forte conviction mais aussi de dialogue, plaidant aussi pour la prise du pouvoir par les urnes.
Ce fils d’instituteur, petit-neveu d’un résistant FTP, Louis Talamoni, qui devint sénateur communiste de Champigny (Val-de-Marne) est né le 6 mai 1960 à Saumur (Maine-et-Loire).
Lui aussi baigne très jeune dans le nationalisme, ses parents étant sympathisants de l’Action pour la renaissance de la Corse (ARC) fondée par Edmond Simeoni. A 16 ans, il adhère à l’union des lycéens corses, puis milite au sein du mouvement national durant ses études droit à Aix-en-Provence et prête serment à Bastia en 1988. Il plaidera notamment devant la cour d’assises spéciale chargée de juger les nationalistes corses.
M. Talamoni est élu en 1992 à l’Assemblée de Corse sur une liste indépendantiste Corsica Nazione. Président du groupe, il conduira les délégations négociant avec les gouvernements de droite, avec Charles Pasqua, comme de gauche sous Lionel Jospin.
Il sera aussi l’un des artisans du processus de rapprochement entre nationalistes en 1999 au terme d’une guerre fratricide qui fit plusieurs dizaines de morts.
La même année, il présida la commission des affaires européennes de l’assemblée, jusqu’en 2004, multipliant les contacts avec les instances communautaires.
Cet homme réservé mais chaleureux et animé d’un profond sens de l’humour, est un passionné de littérature. Il enseigne à l’université de Corse, à Corte, et a écrit plusieurs essais politiques.