L’actualité des blogs politiques : François Alfonsi « Terrorisme Paris dans l’œil du cyclone »
L’Etat Islamique est en guerre, et Paris est au cœur de la campagne terroriste lancée depuis le Moyen Orient. Près de 130 morts : le bilan de l’attaque du vendredi 13 novembre est effroyable.
Après les 224 tués de l’avion civil russe abattu dans le Sinai, le terrorisme islamiste veut effrayer les opinions publiques dans les pays qui soutiennent ceux qui les combattent à Damas, au Kurdistan ou à Alep. Avec un objectif : que ces pays retirent leurs forces aériennes de la zone de combat au moment où, grâce à elles, les Kurdes à Sinjar ou les troupes syriennes à l’aéroport d’Alep leur reprennent des sites stratégiques militaires.
L’Etat Islamiste veut faire plier Paris et intimider tous les autres pays européens. C’est pourquoi, 10 mois après l’attentat de Charlie Hebdo, Daesch a décidé de s’attaquer à nouveau, et encore plus violemment, à la France. L’objectif du terrorisme de guerre qui est à l’œuvre à Paris est simple : obtenir que les opinions publiques terrorisées empêchent leurs gouvernements de suivre la France dans son engagement militaire, et, en faisant se succéder les drames, obtenir que la France elle-même se désengage. Pour cela il faut faire craindre des conséquences très lourdes aux chefs d’Etat concernés, et Paris sert de démonstration de ce pouvoir effroyable de nuisance.
Les signes avant-coureurs de cette stratégie n’ont pas manqué durant ces derniers mois. Par chance, quand le soldat perdu de l’islamisme s’est tiré lui-même une balle dans le pied à Villejuif avant de faire irruption dans une église pour y massacrer des fidèles, ou -peut-être ?- par efficacité, quand un autre « soldat » de Daesch a été maîtrisé par des militaires américains dans le Thalys Bruxelles-Paris juste avant qu’il n’arrose à l’arme automatique les passagers vissés sur leurs sièges, les avertissements ont été « sans frais » ou presque. De même quand un autre terroriste en région lyonnaise a cherché, sans y parvenir, à faire exploser un site industriel Seveso après avoir égorgé son patron.
A l’évidence une démarche concertée est mise en œuvre. La similitude des attitudes de défense de ceux qui sont arrêtés vivants en est un signe quand, malgré l’évidence de leurs liens avec Daesch, ils persistent à avancer des explications farfelues –« je voulais faire un hold-up dans le Thalys » pour l’un, « je m’étais disputé avec mon patron pour l’autre »- afin d’opposer une cloison étanche à l’enquête policière. Rien n’est improvisé, tout est préparé soigneusement, et Paris est au centre de cette stratégie macabre.
Comment cela peut-il évoluer ? Tout dépendra en fait de l’issue du conflit en Syrie et en Irak. Si l’Etat Islamique est défait sur son terrain syro-irakien, au cœur des populations sunnites dont il a réussi à prendre le contrôle, les ramifications externes, en Europe et ailleurs, resteront sans lendemain. Tant que la tension et la guerre persisteront là-bas, le risque sera permanent, notamment en France.
Daesch peut-il conforter son « Etat Islamique », et résister à la coalition internationale qui s’oppose à lui ? Sur le long terme, cela semble improbable, et ne pourrait survenir qu’à la condition de faire se retirer ceux qui soutiennent leurs ennemis sur le terrain. C’est le but des opérations terroristes telles que celle de Paris ou l’attentat contre l’avion russe. François Hollande recevra, à un moment ou un autre, une proposition de « trêve terroriste » en échange de son arrêt des bombardements qui soutiennent les Kurdes et les forces de l’Armée Syrienne Libre qui combattent sur le terrain. Peut-être est-ce déjà le cas. Mais l’option « marche arrière » est-elle seulement possible ? Et quel sera le « monde d’après » si l’intégrisme islamiste s’installait sur la scène internationale de façon définitive ? De toutes façons François Hollande vient d’apporter sa réponse en déclenchant une nouvelle vague de bombardements, 48 heures après les attentats, sur Rakka, la « capitale » de l’Etat Islamiste.
L’alternative c’est d’accélérer le tempo de l’offensive anti-Daesch. Elle vient d’obtenir ses premiers réels succès depuis la résistance opposée par les Kurdes à Kobané, avec la prise de la ville de Sinjar par les Kurdes et celle de l’aéroport d’Alep par l’armée syrienne appuyée par la Russie.
Mais venir à bout de l’Etat Islamiste demandera de longs efforts, et rien ne sera possible sans coaliser les forces qui se battent concrètement sur le terrain : la résistance démocratique au sein des populations sunnites, dont la principale composante est l’Armée Syrienne Libre fortement soutenue par les USA, la résistance kurde qu’il faut libérer de l’agression du pouvoir turc qui continue, encore et toujours, les forces chiites comme le Hezbollah libanais, lui aussi visé par un attentat meurtrier à Beyrouth, et les populations qui soutiennent encore le pouvoir syrien.
Pour cela, il faudra une véritable coordination des Nations Unies, ce qui, entre les dérives turques d’un pouvoir fascisant, les responsabilités historiques américaines en Irak et les calculs intéressés de la Russie en Syrie, ne sera pas facile à obtenir.