Pourquoi peuvent 1.000 fascistes marcher à Berlin-Kreuzberg ni vu ni connu de la gauche allemande ?
Samedi, 12 août 2015, 16 h : De la station de métro Kottbusser Tor, au cœur de Kreuzberg, quartier supposément antifasciste, sortent 60 fascistes. Brandissant les drapeaux de leurs partis, ils chassent les personnes qu’ils trouvent désagréables. À peu près 1.000 de leurs camarades sont à Hermannplatz, à quelque dix minutes de marche. La police est débordée, elle n’est pas capable d’arrêter leur progrès. Entre temps, à « Kotti », quelques dizaines d’antifascistes attendent. En effet, ces mêmes fascistes étaient à Hanovre samedi dernier, où ils ont poignardé un antifasciste au cou mettant sa vie au péril ; à Berne, ils ont écrasé en auto 10 personnes.
Vous n’avez pas compris ? On vous explique : il s’agit des fascistes turcs, des sympathisants des « Loups Gris » (« Bozkurtlar ») racistes, du parti nationaliste MHP (Parti du mouvement nationaliste) et du parti au gouvernement, l’AKP (Parti du progrès et de la justice), qui s’en prend aux Kurdes. « Ce qu’ils veulent est très simple », dit un ami kurde. « Ils veulent tuer les Kurdes ». En Turquie, pendant leurs manifs, ils scandent « nous ne voulons pas leur emprisonnement, nous voulons un massacre », et de cette manière ils sollicitent l’État de résoudre le « problème kurde » à la manière traditionnelle turque.
À 20 h on attend avec une centaine de camarades kurdes à Kottbusser Tor. Le groupuscule hurlant « Ya Allah bismillah, Allahu Ekber » est repoussé dans un premier temps. Cependant, les Kurdes se sentent toute chose. La plupart des activistes antifascistes sont à Hambourg. Au-delà des groupes antifa organisés, Kreuzberg est depuis un bout de temps tant dépolitisé, qu’il ne vaut pas la peine attendre qu’un passant intervienne. Le Kreuzberg « multicolore » se détend en buvant la bière au Landwehrkanal, à Heinrichplatz se déroule un concert « alternatif » de hip-hop, la queue devant le SO 36 est aussi longue comme toujours au weekend. Tout cela alors que juste à côté un affrontement se prépare. Les Kreuzbergois hips fixent la bataille qui s’orchestre comme si c’était une espèce de « conflit culturel », qui n’aurait absolument rien à voir avec eux. Ils passent à côté. Dans le cas extraordinaire, certains s’étonnent : « qu’est-ce qui ne vas pas de nouveau ? », mais du coup sont envahis par leurs plans pour la soirée – saluer la fin de semaine avec bière et pilule.