(Unità Naziunale Publié le 19 juillet à 12h00) Je connais bien, cet organe de presse puisque, par nécessité, il me permet de suivre au long cours, son évolution en fonction de la politique locale et hexagonale. Il y a eu un changement important et notable, de manière récente, dans les orientations du quotidien.
Il y a 40 ans, la presse régionale était représentée par Nice-Matin Corse et par le Provençal-Corse, tandis que France3 et RCFM n’existaient pas. C’est dire le poids énorme des deux quotidiens dans la vie publique et aussi dans le rapport avec l’Etat.
Corse-Matin de 1960 à 1980, était un journal très conservateur épousant de manière très étroite les choix de l’Etat, des différents gouvernements et de leurs politiques en Corse. Le clanisme y avait droit de cité et comme la presse hexagonale était déjà très hostile à toute évolution en Corse,- mis à part Libération et le Nouvel Obs – , nous étions confrontés à une situation difficile.
Heureusement, que le Provençal- Corse, puis les journaux locaux ou militants (notamment Arritti), les réunions publiques, -en Corse et pour la diaspora-, les tracs, Radio Corse Internationale (RCI), de façon éphémère pour cause de plastiquage, remédiaient, de façon insuffisante, à ce monopole de fait de la parole publique. Le Provençal- Corse, était très ouvert aux idées d’identité, de décentralisation. Cette tendance s’est accentuée avec la prévision de la victoire de François Mitterrand en 1981 ; il a joué un rôle très important dans l’information de la population corse et extra insulaire où il comptait de très nombreux lecteurs. Sa contribution a été importante pour lutter contre la répression et les polices parallèles de Francia ; bien, entendu ce journal de gauche, était un journal d’opposition à la droite.
Mitterrand a neutralisé les polices parallèles, dissout la Cour de Sûreté de l’Etat, libéralisé l’information (création de FR3 Corse et de RCFM), renforcé la création de l’Université de Corse, réalisé le premier Statut particulier en 1982 – trop frileux – de la Corse, avec Michel Rocard. Depuis cette date, Corse-Matin est devenu un journal progressivement plus impartial, mais est resté profondément conservateur.
Il y a quelques années, lors d’une réforme interne, il avait décidé de ne plus vendre en kiosque le quotidien sur le continent, laissant un grand vide dans la diaspora. Je m’étais alors impliqué, avec la Fédération des groupements corses de Marseille, pour faire rétablir ce service.
Il y a eu cette aujourd’hui, un changement majeur dans le capital de Corse-Matin, cédé par étapes, par Bernard Tapie, à un groupe d’entrepreneurs corses. Il ne me vient pas à l’idée de contester la liberté – que j’ai toujours défendue- de l’information qui est une conquête, un droit pour les Pays démocratiques ; et est un marqueur sérieux du type du régime politique où il s‘exerce. Ou pas.
Le constat est clair : le quotidien – nous ne parlons pas de Settimana, qui poursuit une démarche intéressante- a modifié ses orientations, infléchi sa ligne éditoriale, ce qui est parfaitement son droit. Nous avons constaté que les thèmes nationalistes inspiraient des papiers réservés ou franchement critiques. C’est encore le droit des propriétaires ; mais le quotidien trouve des accents partisans ; notamment quand il dit que peu de choses sont faites par la majorité territoriale, en dehors du verbe et des symboles ; que la crise des déchets – très ancienne et relevant de différentes responsabilités, dont l’Etat et le SYVADEC, – n’est pas encore résolue, que la réunion de la CRPM ( Conférence des Régions Périphériques Maritimes) à Bastia a été médiocre sur le changement climatique – un sujet très facile comme chacun sait- ; il insiste sur le goût du Conseil Exécutif pour les présidences; il craint les concentrations de pouvoir -et c’est légitime-mais il ne manque que la référence au «parti unique » pour s’interroger avec perplexité sur les futures orientations du journal.
Nous comptons trop d’amis dans de nombreuses rédactions, ici, sur le continent et en Europe, pour ne pas nourrir un procès en sorcellerie ou en une démarche totalitaire. La démocratie que la Corse, exsangue, a ignorée depuis deux siècles, a des exigences impérieuses et la liberté de presse est un de ses fondements essentiels. C’est certainement le moyen majeur pour s’émanciper de la tutelle coloniale et construire notre Pays.
Chacun choisit librement son chemin. Depuis très longtemps, nous avons choisi le nôtre.
Lozzi le 18 juillet 2018
EDMOND SIMEONI, décrouvrir son compte FACEBOOK
Corse Matin Evolutions? ( suite)
Mon post sur ce thème donne lieu à des commentaires enrichissants le débat, mais aussi à des sottises dont les auteurs ne doivent pas trop s’inquiéter car ils ne passeront jamais à la postérité.
La dernière accusation me fait le procès d’être un ennemi de la liberté de la presse et de la démocratie. Je ne dresserai pas la liste de tout ce qui, dans ma vie, s’inscrit contre cette ineptie. Dès 1956, je m’étais insurgé contre l’envahissement de la Hongrie par l’union Soviétique et depuis cette date, j’ai toujours participé à la défense des libertés, dont celle de la presse. Notamment, j’avais mis en cause François Mitterrand pour le sabotage du Rainbow Warrior dans le port d’Auckland ; j’ai toujours soutenu les journalistes victimes d’enlèvements. J’ai une forte admiration pour Nelson Mandela, pour Gandhi, le pasteur Luther King et tous les chantres du droit, de la démocratie dans le monde.
Par contre, je connais bien les contraintes de la presse en milieu colonial pour avoir subi et combattu ce système depuis 1960, en Corse ; ses exactions ont culminé avec la destruction de l’imprimerie d’ARRITTI, par les barbouzes de Francia en 1977,- qui nous ont infligé plus de 60 attentats – ; rééditant ainsi le système nazi qui avait déclaré la guerre au livre.
Je pense que personne ne peut contester que j’ai combattu l’Etat français et son associé le clanisme dans toutes leurs atteintes aux libertés et à la démocratie (fraudes…) ; j’ai combattu aussi contre la domination culturelle dans toutes leurs atteintes, contre la répression, contre la mainmise sur l’information de 1960 à 1980.
Aujourd’hui, je ne me suis pas converti aux pratiques scandaleuses que j’ai combattues pendant toute mon existence ; ma volonté reste intacte de lutter pour l’émancipation du Peuple Corse dans et par la démocratie, pour l’éthique ; de lutter aussi pour le respect des droits universels qui fondent les sociétés.
Ce credo n’est pas conjoncturel, il est la base de tous mes engagements.
Je terminerai par quelques citations très éclairantes, pour les gens sensés :
* Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant »
* Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur. »
* « Sans liberté de critiquer, il n’est ni démocratie, ni liberté de la presse ».
* Alain Van Kerckhoven : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais me battrais-je pour que vous puissiez le dire ? »