Je veux remercier avec force celle et ceux, très nombreux, qui, à l’occasion de mon 81 ème anniversaire, m’ont adressé leur vœux et m’ont témoigné leur amitié ; ils ne m’en voudront pas de profiter de cette occasion pour leur parler du sujet qui nous tient à cœur,- toutes et tous-, qui nous habite : la Corse.
Sans nostalgie aucune, sans lyrisme, sans angoisse mais avec la volonté ferme, décuplée, d’échanger pour comparer les analyses et les solutions, mutualiser les compétences, additionner les passions, créer la synergie des engagements, en vue de participer à une œuvre collective urgente, majeure car salvatrice.
La Corse et son peuple sont en danger de mort de par la démographie, par l’aliénation des terres et des maisons, par une économie médiocre, par un climat moral délétère (démocratie inerte, pervertie, corruption, perte de valeurs, assassinats…), qui est aussi, il est vrai, l’apanage du monde contemporain. Le nier est une contre-vérité.
Les raisons sont simples :
* La France est un Etat-Nation – une exception rétrograde en Europe et dans le monde-. Hypercentralisé, niant les spécificités, il a choisi en Corse, une attitude dilatoire – quatre statuts, confiés au clan-, persuadé que le temps joue en sa faveur. Elle n’a pas développé l’île se bornant à y puiser femmes et hommes.
* Le clanisme – je ne parle ni des options politiques, ni des partis- est un système nocif qui vit en symbiose avec l’Etat ; il est la courroie locale, servile, de la domination française sur l’île. Il est, par essence, amoral, antidémocratique, hors du droit. Il n’a aucun sens de l‘intérêt général, ni vision ni aptitude à la gestion ; il est un agrégat d’intérêts particuliers au service exclusif d’ambitions personnelles ou familiales. Le passif de ce couple infernal ( Etat-clan) est une évidence ; il n’est sûrement pas une voie de recours, d’avenir pour notre Pays mais il est un facteur de désagrégation politique et morale.
* Le peuple corse, -Corses d’origine, ici et dans la diaspora, Corses d’adoption- est interdit de vie par la Constitution française ; il a cependant lui aussi, une part de responsabilité, non négligeable, dans le sort médiocre qui est le sien ; mais je pense qu’il prend conscience. Et qu’il est désormais attentif ; d’autant plus que la décision unilatérale du FLNC d’arrêter la violence clandestine est un facteur d’apaisement et une contribution à la recherche d’une solution collective négociée qui est l’unique moyen de sortir, dans le respect des intérêts légitimes des parties, de la situation inextricable que le colonialisme a créée depuis la conquête, initiée à Pontenovu, en 1769 !
Les problèmes, graves, sont sur la table et peu sont en voie de solution réelle ;
Crise morale et éthique,
Situation économique, difficile, chronique, aggravée par la crise (Emploi, chômage, précarité, logement)
Intérieur de l’île en retard de développement
SNCM, Miot
Xylella Fastidiosa, potentiellement redoutable où l’Etat, peu concerné, est poussif.
Padduc, déchets, énergie, revendications institutionnelles en panne.
Mais, les potentialités sont importantes ; épargne massive, ressources naturelles abondantes , ressources humaine évidentes tant dans l’île que dans la diaspora. Le divorce entre les atouts disponibles et les résultats signe la défaillance collective de la France.
La tâche qui attend les nouveaux élus est immense, complexe, conflictuelle ; elle nécessitera beaucoup de temps – le mandat sera écourté-, de la patience, des compromis, de la rigueur ; le système claniste est disqualifié pour conduire la révolution, civique, démocratique, éthique et surtout Non-violente- que la gravité de l’heure impose ; de plus, il est un système de connivence et de dépendance avec l’Etat, plus rigide que jamais. il est illusoire de croire à un homme providentiel ou de croire encore à une majorité relative – avec des conciliabules- pour redresser la Corse ou à un solo monocolore, soit de la gauche, soit de la droite, soit des nationalistes.
Il n’y a pas d’autre solution, -chaque mouvement ou parti maîtrisant son espace, ses projets, sa stratégie- qu’une concertation, publique et transparente soit organisée entre les forces politiques, la société civile, – désormais associée aux responsabilités dans notre Pays- les Corses de la diaspora, pour imposer la démocratie comme but et comme méthode, fixer les règles, analyser la situation, fixer un cadre général d’échanges avec un calendrier, souligner les priorités.
On ne pourra pas et on ne devra pas occulter les 50 ans écoués, le bilan et les responsabilités des uns et des autres et de la France.
Dès lors, des convergences pourront se dessiner, les incompatibilités apparaitre et le peuple choisira, en toute connaissance de cause, ses représentants, en fonction des projets politiques qui lui seront soumis ; dès lors, il y aura des opportunités pour les électeurs d’avoir un gouvernement régional, un programme, des engagements ; chaque tendance conservant sa liberté de choix pour les élections, présidentielles, législatives, municipales et européennes.
Il s’agit d’une modeste contribution à l’indispensable réflexion collective. Qui doit désormais s’auto organiser, se diversifier, s’imposer, sous peine de voir le clanisme s’emparer à nouveau de la direction de l’île. Alors, pour sa perte irréparable.
Aio tutte é tutti chi ghjè ora !
Dr Edmond Simeoni
Ajaccio le 7 Août 2015