Les élus nationalistes, enfin réunis sur une position commune (engageant l’avenir de l’île), à l’Assemblée de Corse, ont repoussé les propositions de l’Exécutif concernant la mise en chantier d’une compagnie corse de transports maritimes (étude promise depuis 2010 !).
Cette proposition arrive après des mois d’attente, alors que le serpent de mer SNCM, malgré le soutien de l’Etat se rapproche de plus en plus de la liquidation. La Corse a besoin d’une compagnie de service public (SEM ou GIE en forme de SEM) contrôlée par les institutions de l’ïle, aux côtés d’opérateurs privés mais à condition que ceux-ci n’aient pas la majorité des actions pour ne pas peser sur les décisions et orienter cette politique des transports en privilégiant leurs intérêts particuliers (transporteurs ou autres) au détriment des intérêts collectifs des habitants de l’île et des usagers, tout en tenant compte des droits des salariés de la future compagnie.. et en privilégiant toujours la desserte de service public des transports maritimes durant toute l’année et pas seulement durant la période estivale pour transporter les touristes
Quelques rappels
Juin 2014 : La bonne surprise de Paul Giacobbi
Toujours en attente de l’étude de faisabilité d’une telle compagnie promise à l’automne 2010 et mise en route avec un certain retard par le Président de l’Office des transports, sans préjuger de ses futures conclusions, nous avons été agréablement surpris par le dernier rebondissement sur fond de « crise finale » de la SNCM. Alors que durant de longs mois, les élus corses restaient plutôt silencieux ou complices des diverses manœuvres se multipliant pour « sauver la SNCM », et alors que l’Etat, les propriétaires de la SNCM, les marins et les salariés CGT et les élus de la Région Paca n’accordaient pas grand crédit à ce que pouvaient dire ou faire nos élus sur le dossier des transports, le Président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse[7], semblant enfin se ranger derrière les idées défendues par les nationalistes depuis des années[8], a surpris par ces dernières déclarations … en faveur d’une Société d’économie Mixte, SEM.
Cela constitue à tout le moins un grand pas. Cependant cela ne veut pas pour l’heure dire que l’Exécutif de la CTC s’aligne totalement sur les positions nationalistes, notamment par le montage technique qu’il propose avec la mise en place d’une structure financière et en faisant appel à des privés. La solution juridique proposée permettrait ainsi à une structure financière d’être délégataire du service des transports maritimes, la CTC participant financièrement en grande partie à la concrétisation de ce montage technique et financier.
La structure Financière proposée par Paul Giacobbi
Selon Paul Giacobbi trois raisons l’amènent à privilégier l’option d’une structure financière[9]. D’abord, la nécessité de renouveler une flotte (7 navires) obsolète, qui ne satisfait plus aux nouvelles normes européennes de pollution.
Mais avons-nous dans un premier temps réellement besoin de ce renouvellement, et de sept navires ? Daniel Biribi de Baja Ferries lui, considère dans son projet de reprise qu’il faut garder ces bateaux citant la Corsica Ferries qui n’a guère renouvelé sa flotte.
Ensuite, « le seul moyen de financer le renouvellement de la flotte passe par une structure intermédiaire de type SEM ou Société Publique Locale, SPL, car aucune banque au monde n’acceptera de le faire. Nous pouvons disposer de crédits de la Caisse des dépôts par un recours à l’emprunt type livret A ». Enfin, invoquant le coût actuel de la DSP (Délégation de service public) : « Payer 100 millions € par an, soit 1 milliard € en 10 ans et n’être pas propriétaire des navires ! C’est exorbitant ! », il écarte l’option Société Publique Locale en s’appuyant sur le refus des autres régions, PACA et Rhône-Alpes, d’y participer.
Mais ne serait-il pas temps de dire que s’agissant de ses transports, que la Corse décide et non pas Marseille ?
Au sujet de la compagnie régionale, il faut, selon lui, rester très prudent : « On ne sait pas de quoi demain sera fait ! La DSP est fragile, attaquée de toutes parts devant les juridictions françaises et européennes. La situation actuelle, vu le poids cumulé des pertes et des dettes qui s’élèvent à 650 millions €, est telle que toute reprise de la Délégation de Service Publique par une SEM industrielle[10] pose un problème financier insurmontable ».
Il réaffirme qu’aucune solution concernant la SNCM ne saurait être prise sans l’accord de la CTC, du Conseil exécutif et sans le vote des élus territoriaux. « L’urgence est de sauver le service public maritime corse et le maximum d’emplois que l’on peut. Nous privilégierons les solutions et le repreneur qui prendront en compte la sauvegarde de l’emploi la plus large possible. » Il explique que les décisions interviendront dans deux ou trois mois.
Mais avec une réelle volonté politique et le soutien de la majorité des élus territoriaux de la Corse, cela est-il réellement impossible ? D’autant que la CTC devra avoir, pour contrôler la structure SEM, un minimum de 51% des actions, le reste pouvant être obtenu par l’appel à l’actionnariat de la CMN et/ou d’autres institutions ou privés intéressés par ce projet (les candidats ne manqueront sûrement pas).
De plus les navires de la SNCM ne devraient-ils pas revenir à la Corse ? N’ont-ils pas été payés avec l’argent de la Continuité territoriale, octroyée à la Corse pour «compenser le handicap de l’insularité » ? Et puis ce que l’Etat a fait, en offrant quasi-gratuitement la SNCM à Beucler-Veolia puis Transdev, n’impose-t-il pas par un juste retour des choses, à savoir de rendre à la Corse ce qui lui appartient sans chercher à réaliser de plus-value sur des navires qui ont coûté somme toute peu aux actuels propriétaires.
Il insiste sur la priorité qui est de sauver le maximum d’emplois !
D’accord, mais encore faut-il s’entendre sur quels emplois ? Ceux des Corses ou de l’ensemble de la SNCM ? Les chiffres sont d’ailleurs là aussi à géométrie variable.
Selon le STC marins, une compagnie maritime corse embauchera en priorité tous les salariés corses actuels de la SNCM. Selon Alain Mosconi responsable STC marins : « Je crois savoir que nous sommes moins de 500 résidents corses à travailler à la SNCM. Cette solution, c’est déjà une solution pour la quasi-totalité, si ce n’est la totalité des résidents corses ». On est loin des 1500 emplois[11] mis en avant par ceux qui s’opposent à la fin de la SNCM et qui veulent la sauver à tout prix, sans se préoccuper des intérêts de l’île.
L’exemple de la Compagnie aérienne corse
Paul Giacobbi reprend aujourd’hui de facto les mêmes propositions faites dans les années 80 par l’Exécutif d’alors de l’Assemblée de Corse (droite et gauche réunies) à propos de la création de la Compagnie aérienne corse, CCM, aujourd’hui Air Corsica.
Quelques rappels sur la compagnie aérienne corse Air Corsica
Créée le 1er janvier 1889, elle a débuté ses services en juin 1990. Elle change son nom Compagnie Corse Méditerranée en CCM Airlines (nov. 2000), puis en Air Corsica (oct.2010). Son partenariat avec Air France a été développé et le réseau a été étendu (s’éloignant de ses « missions de bord à bord » assignées au départ ayant prévalu à sa création). Elle est gérée par la CTC (66,84 %), Air France (13,19 %), Crédit Agricole (5,19 %), SNCM (4,67 %), Caisse Dépôts et Consignation (3,27%), Chambres de Commerce Corse (2,33%), TAT S.A (2,88%), Autres (1,63%). 669 employés (en mars 2012). Elle partage 66 millions d’euros annuels d’aide d’état avec Air France en échange de vols réguliers vers le continent toute l’année.
Le rôle des élus Nationalistes lors de la création de la CCM
« Nous soutenons à l’Assemblée le projet de création d’une compagnie aérienne corse. Sans doute, ce soutien a pesé beaucoup, car si à l’époque, les nationalistes avaient dit non au projet, je pense que celui-ci aurait sans doute eu du plomb dans l’aile. Mais nous avons jugé cette idée très intéressante et nous lui avons toujours apporté notre soutien total, sans attendre rien en retour et sans marchandages comme cela était notre position constante à l’époque sur tous les sujets.
Le projet initial ne nous agrée pas, car reposant sur un montage double par lequel le conseil d’administration représentant l’Assemblée, cédait la concession à une deuxième société, privée elle, qui devait gérer la compagnie, utilisant les recettes comme bon lui semblait et faisant appel sans retenue aux aides de la Collectivité pour combler les déficits éventuels.
Par notre intervention, nous imposons la création par l’Assemblée d’une société d’économie-mixte représentée par un conseil d’administration où sont présents tous les groupes politiques de l’Assemblée. Seul le PCF refuse cette représentation, étant opposé à la création de la CCM. Par la suite, malgré les dispositions de l’Europe peu propices à ce genre d’initiative, la CCM a poursuivi sa route et s’est maintenue malgré les fortes turbulences dans le milieu aérien et les nombreuses liquidations de compagnies…»[12].
Les élus nationalistes ont donc appliqué les orientations majoritaires au sein du mouvement nationaliste dans son ensemble depuis des années
Seule stratégie de survie : Une compagnie corse au service de la Corse et des Corses
La Situation de la SNCM est désormais catastrophique, même si l’on peut légitiment contester les chiffres avancés par la Direction actuelle. Cette situation découle d’une mauvaise gestion des finances de la société frisant souvent la gabegie, d’une utilisation orientée des fonds de la continuité territoriale, et de la confusion voulue des résultats financiers, souvent déficitaires, du réseau privé « dit libre » de la SNCM et des lignes du Maghreb avec les comptes des lignes corses, alors que l’argent de la continuité territoriale est dévolu explicitement à la Corse.
Cette enveloppe de continuité territoriale est décomptée officiellement comme une subvention attribuée à notre île au titre de la « solidarité nationale française ». Or la lecture des chiffres démontre bien que cette aide est détournée au profit d’intérêts extérieurs à l’île, que seuls les importateurs extérieurs en profitent, et que notre île ne recueille que la portion congrue en matière d’emplois et de retombées économiques.
Aujourd’hui, pour ce qui concerne l’avenir de la compagnie, l’Etat voulant liquider le service public, il y a danger de laisser le service des transports de l’île aux mains des privés et la concurrence sauvage étouffer le service public.
C’est pour cela que la CTC doit se donner les moyens de décider :
– de la gestion et de l’emploi de la dotation de la continuité territoriale (des évolutions en perspective au vu des positions des divers groupes politiques)
– d’une véritable politique des transports privilégiant les intérêts de la Corse et des Corses (usagers des transports et exportations de nos produits, priorité aux résidents et non aux touristes) en matière d‘aide sociale et de DSP. Elle doit refuser le monopole de destination via Marseille et continent français imposée à la Corse en matière de DSP des transports (fret et passagers).
Une compagnie publique corse en charge du service public est la seule solution pour que la Corse ait enfin la maîtrise de ses transports maritimes, et ce au bénéfice tant des salariés, des usagers et de l’économie de l’île.
Le choix d’une compagnie corse s’impose
La Collectivité de Corse se doit en conséquence d’accélérer la création d’une Compagnie corse sous forme de société d’économie mixte (1ère motion déposée par les élus nationalistes à l’Office des transports sur cette compagnie en 1985).
La CTC devra exiger de reprendre possession des navires qu’elle a payé et que les actionnaires de la SNCM, bien en cour au gouvernement à l’époque, ont quasiment « acquis pour le franc symbolique », et cela sans que nos chers élus émettent de protestation. Ce choix s’impose car une compagnie maritime corse dont les priorités seraient les intérêts de la Corse et des Corses.
La CTC devra y être actionnaire majoritaire en capital (CMN, SNCM et autres actionnaires privés éventuels minoritaires). Son Conseil d’administration serait composé entre-autres de représentants de tous les groupes politiques de l’Assemblée (la Collectivité territoriale étant toujours majoritaire) appliquant sa politique des transports définie pour la Corse, et gèrerait l’enveloppe de la Continuité territoriale.
Cette compagnie devra :
-Appliquer une politique décidée en Corse et pour les Corses (achats et dépenses majoritairement réalisées dans l’île avec des répercussions bénéfiques pour les usagers des transports, sur le fret et le panier de la ménagère, en atténuant ainsi la cherté de la vie en Corse, et les exportations).
-Recruter prioritairement les marins et salariés corses des compagnies actuelles de la SNCM puis de la CMN. Donner des perspectives aux jeunes corses qui veulent devenir marins (école de la marine marchande de Bastia).
-Avoir son siège social dans l’île
– Mettre fin au monopole de destination (Marseille) en rayonnant sur tout le pourtour méditerranéen avec l’ouverture de lignes pérennes, dans le cadre d’un Service Public international et Communautaire (autoroute de la mer en partenariats avec d’autres compagnies d’autres îles) avec la Sardaigne, l’Italie, la Catalogne et les différentes îles de la méditerranée.
Tout en sauvegardant une véritable mission de service public des transports, la Collectivité de Corse pourrait exiger de Bruxelles l’ouverture de lignes entre la Corse et tout le pourtours méditerranéen, contrairement à aujourd’hui où le service public, assuré surtout sur Marseille, coupe notre île du monde méditerranéen.
Cela n’interdit pas la présence de compagnies privées chargées du transport des touristes (sur toute l’année et non pas qu’aux périodes de pointe de juillet-août) mais sans aucune aide publique, dans le cadre d’une concurrence entre-elles au vu de leurs prestations.