Perversion par le clientélisme, prévalence absolue de l’économie touristique : les fondamentaux de l’économie grecque font écho à ceux de l’économie corse. Et les déboires de la Grèce en disent long sur le chemin à parcourir, en Corse aussi, pour bénéficier enfin d’une économie productive.
La faillite économique de la Grèce vient de loin, de l’évolution d’un pays rural aux conditions naturelles difficiles –terrains accidentés, problèmes d’irrigation endémiques, tissu productif morcelé-, touché par un exode rural très fort dans les années 50/60, et qui a trouvé dans le tourisme et son développement massif des années 70 une planche de salut.
Mais le tourisme, s’il crée de la richesse, crée aussi des déséquilibres, à commencer par la saisonnalité, et l’angoisse de la précarité des populations rurales pauvres les a amenées à une appétence démesurée pour la fonction publique et sa légendaire sécurité de l’emploi. Le clientélisme a pris alors son envol, et est devenu une forme de gestion de la ressource humaine par une classe politique profondément claniste : Caramanlis et Papandréou sont les patronymes grecs équivalents aux Gavini/de Rocca Serra et Landry/Giacobbi de chez nous. Cette classe politique a trouvé, en 1981 en rejoignant l’Union Européenne, une manne financière providentielle pour financer ses excès dans un premier temps, puis pour les dissimuler des années durant, jusqu’à arriver à l’explosion de la « bulle clientéliste » avec la crise de 2008. Les déficits publics colossaux qui ont provoqué l’endettement actuel de la Grèce en découlent directement.
Parallèlement le tourisme a rempli son rôle en donnant de l’activité aux plus entreprenants au sein de la société grecque. Mais cette activité, qui prend une ampleur tout à fait autre au tournant des années 60/70 avec une croissance à deux chiffres, recèle des effets pervers pour le reste de l’économie. Elle fonctionne comme un « aspirateur » qui concentre l’essentiel des potentialités économiques du pays, capitaux et ressources humaines, au détriment de toutes les autres activités. Pour illustrer simplement, il suffit d’observer la chaîne de trois générations depuis 1960 : la première génération voit l’agriculteur, un oléiculteur par exemple, compléter son revenu en ouvrant un restaurant, la génération suivante ouvre un hôtel en plus du restaurant et délaisse l’oliveraie, puis la troisième construit dans l’oliveraie qui n’est plus alors que décorative une résidence de tourisme dénommée … l’Alivetu ! Finie la production agricole ! Même processus pour l’artisan –menuisier, ferronnier, ou autre- dont l’échoppe devient in fine un magasin de souvenirs alimenté par les chaînes de production de souvenirs de l’extrême Orient.
La rentabilité immédiate du tourisme dans sa forme spéculative « aspire » ainsi tout ou presque ce que le pays compte de ressources et le reste de l’économie décline alors dramatiquement faute d’investissements et de managers performants pour se moderniser. Quarante ans plus tard, la « bulle touristique » finit par tourner à vide à son tour.
« Bulle clientéliste » et « bulle touristique » : voilà les deux fléaux de l’économie grecque. Qui peut ignorer qu’ils menacent aussi l’économie corse ? Le débat autour du Padduc a amené une prise de conscience avec une orientation « économie productive » en rupture avec « l’économie résidentielle » promue par la précédente majorité de droite. Encore faudra-t-il tenir les engagements pris. Pour la « bulle clientéliste » par contre, tous les indicateurs restent au rouge, et c’est la première priorité de la « gestion nouvelle » que doivent promouvoir les nationalistes quand ils arrivent aux responsabilités. C’est sans doute le point essentiel qu’il faut retenir du premier bilan de mandature donné à la presse par Gilles Simeoni après 500 jours à la tête de la municipalité de Bastia : les efforts faits contre le clientélisme sont essentiels à sa crédibilité. On ne peut que l’approuver et l’encourager à persévérer !