Après les élections législatives au Royaume Uni marquées par le résultat triomphal du SNP en Ecosse, les élections municipales espagnoles ont confirmé la progression des démarches d’autodétermination, notamment en Catalogne et en Euskadi.
Les voyants sont au vert pour les partis de l’ALE, particulièrement en Catalogne où ERC double le nombre de ses voix entre 2011 (257.600 voix, 9,37%), et 2015 (508.800 voix, 16,65%). ERC -la Gauche Républicaine de Catalogne/Esquerra Repùblicana di Catalunya- a ainsi largement conforté sa position en faisant jeu égal avec le PS alors que, il y a quatre ans, presque 500.000 voix les séparaient ! Dans le même temps, Convergencia i Uniò, le parti nationaliste de centre droit, fort de ses bilans municipaux, est conforté comme le premier parti catalan avec 668.000 voix et 21,85% des suffrages. Une troisième force indépendantiste, la CUP (Candidature d’Unité Populaire), a bondi de 2,25% en 2011 à 7,25% en 2015. Ainsi, le total des trois partis qui ont passé un accord politique en vue de faire voter la déclaration d’indépendance de la Catalogne par la Generalitat dès le lendemain des élections autonomiques qui auront lieu en septembre 2015 est passé de 40% en 2011 à 45,75% en 2015, soit une progression sensible et de très bon augure.
Ces résultats probants des forces indépendantistes en Catalogne ont été totalement occultés dans les médias français par le score réalisé par « Barcelona en comù » la déclinaison barcelonaise de Podemos, le mouvement contestataire espagnol inspiré par Syriza en Grèce. Mais seule Barcelona a été impactée par ce phénomène politique. Podemos, dans l’ensemble de la Catalogne, est 150.000 voix derrière ERC, et le jeu des alliances en vue d’élire les maires dans les différentes communes est loin d’être fait, y compris dans la capitale catalane.
En Euskadi, dans la Communauté Autonome Basque, le score global nationaliste reste très élevé, 56,54%, très proche de celui de 2011 (56,30%), score cumulé du PNV, parti nationaliste de centre droit, proche de Convergencia (ils font régulièrement liste commune aux européennes), et de la coalition EH-Bildu, positionnée à la gauche de l’échiquier politique, qui regroupe Sortu, le parti issu de Herri Batasuna, et deux partis membres de l’ALE, Euzko Alkartasuna et Aralar. Contrairement à la Catalogne où des rapprochements sont intervenus entre ERC et Convergencia pour partager un processus d’autodétermination, le Pays Basque, au sortir d’une longue période de violence politique qui a fait des centaines de victimes, n’a pas encore construit une démarche nationale concertée.
En 2011, le score de Bildu, enfin légalisée après des années d’interdiction de se présenter aux élections pour motif de liens avec l’ETA, avait surpris par son ampleur. L’électorat nationaliste avait ainsi apporté son soutien à la décision d’arrêt définitif de la violence par ETA. Quatre ans plus tard, le PNV a retourné les équilibres internes à son avantage, en Biscaye où il renforce encore sa domination à la tête de la capitale économique basque et de la province la plus peuplée, et surtout en Guipuzkoa, où il ravit la province et la capitale Donostia/San Sebastian à EH-Bildu.
Quant à l’Araba, la troisième province de la Communauté Autonome Basque jusqu’à présent gouvernée par le Parti Populaire, elle devrait elle aussi passer sous contrôle du PNV, la droite espagnoliste ayant perdu un quart de ses sièges. Enfin, en Navarre, le vote abertzale s’est renforcé (25,3% contre 23% en 2011) essentiellement grâce à la poussée obtenue par EH-Bildu.
Ces résultats vont probablement amener une réflexion en profondeur au sein des mouvements abertzale. Le PNV a bénéficié d’une expérience de gestion qui a fait défaut à EH-Bildu dans l’exercice des responsabilités. EH-Bildu subit aussi le contrecoup du maintien en détention de son principal leader, Arnaldo Otegi, qui est depuis cinq ans et demi emprisonné pour « apologie du terrorisme », alors même que tous les attentats ont cessé depuis quatre ans désormais. Sa détention scandaleuse forme manifestement un délit d’opinion au sein de l’Union Européenne, et la mobilisation va redoubler, au Pays Basque comme à Paris* et Bruxelles, pour que cela cesse.
Dans les autres nations au sein de l’Etat espagnol, les résultats ont aussi été favorables aux partis de l’ALE. En Galice, le Benegà (Bloque Nacionalista Gallego) retrouve sa place après la scission très difficile qui l’avait affecté en 2013. En pays valencien, la coalition Compromis à laquelle participe le Bloque Nacionalisto Valenciana de Jordi Sebastià, député européen ALE, a réuni 15,27% contre 7,23% quatre ans auparavant.
Après le Royaume Uni, les Nations sans Etat montrent en Espagne que l’avenir démocratique de l’Europe ne pourra se faire sans qu’elles soient enfin reconnues comme Nations d’Europe.