Vous êtes en ce moment à l’écart de l’effervescence politique à droite. Maintenez-vous votre candidature aux territoriales ?
Je le confirme, et aujourd’hui plus encore à la faveur de toutes les tribulations récentes auxquelles vous faites allusion. Je à l crois plus que jamais que ma famille politique a besoin d’une grande respiration et de méthodes radicalement nouvelles. J’assume avec fierté ce courant régionaliste émancipé qui doit porter les valeurs traditionnelles de mérite et d’effort. Et assumer, c’est aller devant les électeurs.
Mais qui sera à vos côtés pour porter le message ? Il se murmure, par exemple, que Marie-Antoinette Santoni-Brunelli pourrait finalement vous faire faux bond…
Vous le savez très bien par expérience, toute aventure politique est faite de reniements et de ralliements. Je me prépare aux uns et me consacre aux autres. Qui sera avec qui ? Personne ne le sait vraiment aujourd’hui, et la droite n’est pas la seule concernée par cette incertitude. Pour ma part, au moment où je vous parle, je ne connais pas de gens qui étaient au départ avec moi et qui ne le seraient plus. Depuis 2010, année de mon dernier combat électoral, je ne me sens ni plus fort ni plus affaibli , mais certainement plus déterminé. Avec Marie-Antoinette, nous partageons les mêmes valeurs politiques, nous avons créé Une Nouvelle Corse ensemble. Je sais qu’elle fait partie de la garde rapprochée de Laurent Marcangeli et qu’elle est sans doute très sollicitée, mais rien aujourd’hui ne m’autorise à penser qu’elle ne sera pas à mes côtés.
Que pensez-vous justement du feuilleton qui s’est joué à l’UMP pour tenter d’investir son candidat en Corse ? Anachronique et suranné sont les premiers mots qui me viennent à l’esprit. Ça me fait penser à l’imprimatur que l’on quémandait au Moyen âge auprès du censeur de l’église catholique romaine. Cette commission est une sorte de conclave réunissant 65 hommes et femmes qui ne connaissent rien ou si peu à la Corse et qui décident arbitrairement de celui qui doit conduire les espoirs d’une famille politique. Sur la base de quelles influences, de quelles enquêtes, de quels réseaux, de quels critères ? Je défie quiconque d’y répondre. Pourquoi la Corse serait-elle la seule région à échapper à cet exercice ? D’abord, la Corse n’est justement pas une région comme une autre et Paris, on l’a vu, a dû se résoudre à l’admettre. Ensuite, après 2010, les épisodes rocambolesques comme celui des chocolats, on nous avait promis « plus jamais ça » à grands renforts d’élans identitaires. Et voilà que l’on reprend les mêmes ou presque et que l’on recommence, avec le résultat que l’on connaît. Je m’honore d’être le seul à avoir résisté. Une investiture pour des élections législatives, d’accord, c’est dans l’esprit des institutions. Mais pour une élection locale, la droite devrait se passer d’investiture parisienne, et garder en mémoire cette réplique, toujours d’actualité à mon sens, de Jean-Paul de Rocca-Serra : « Ce n’est pas moi qui ait besoin du RPR, c’est le RPR qui a besoin de moi ».
En définitive, la commission d’investiture vous renvoie la patate chaude..
J’avais proposé dans vos colonnes des primaires citoyennes pour permettre aux militants de Corse et de nulle part ailleurs de départager ceux qui ambitionnent de conduire les espoirs de toute la famille libérale. En vain Des lors qu on circonscrit l exercice à une seule UMP hégémonique, la démarche est réductrice et donc en partie est illégitime. Qui des élus représentatifs de droite qui n adhérent pas à L’UMP ? Tout ce tohu-bohu va laisser des traces indélébiles selon vous ? Quand on se bat comme des chiffonniers, ça laisse forcément des traces. Ce qui me désole davantage encore, c’est le spectacle invisible et silencieux de ceux qui attendaient le verdict parisien pour faire allégeance. Devant une opinion publique qui a bien d’autres attentes, tout a été ramené à un bras de fer dans des coulisses pour convaincre une commission occulte, alors que c’est sur le terrain que tout le monde devrait être, à nourrir des idées pour convaincre des électeurs.
Avec qui, de José Rossi ou de Camille de Rocca-Serra, vous vous entendez le mieux ?
José ferait un meilleur président, Camille un meilleur rassembleur. De toute façon, l’un comme l’autre souffre du pêché originel de la droite : elle ne s’est pas renouvelée, elle n’a pas créé ce mouvement circulaire qui lui aurait donné de l’oxygène pour se régénérer. Au plan national, la gauche l’a fait, l’UMP aussi, Nicolas Sarkozy s’est entouré de trentenaires. En Corse, les nationalistes l’ont fait également. Quand on se laisse ainsi enkyster, non seulement on insulte l’avenir, mais on s’expose à des psychodrames singuliers du type de celui qu’on a vécu au conseil général de la Corse-du-Sud.
Voilà encore un épisode qui a dû vous décevoir..
. C’est d’abord un gâchis humain considérable et vous me donnez ici l’occasion de réaffirmer ma solidarité et mon respect à Jean-Jacques Panunzi. C’est ensuite politiquement ravageur par le message renvoyé : « Monsieur Panunzi, vous êtes un bon président, vous êtes méritant et légitime, votre institution est saine, mais Ajaccio doit reprendre la main ! Le « pousse-toi que je m’y mette », quand il ne sert qu’une ambition personnelle, sonne faux et finalement perdant. Ceux qui, par leur influence souterraine ou leur silence complice, ont été les acteurs de cette combinaison, portent la responsabilité de réactiver de vieux démons.
Contre toute attente, ce fut beaucoup plus simple en Haute-Corse…
Politique et arithmétique ne font pas bon ménage, dit-on. Il faut le croire. En Corse-du-Sud, 11 plus 11, ça ne fait pas 22. En Haute-Corse, 11 plus 11, ça aurait fait 23. Voilà toute la différence.
Au milieu de tout ce fatras, quel discours allez-vous porter aux élections territoriales ?
En juillet dernier, au cours de ce fameux repas organisé par Camille, on avait tous convenu de faire passer le projet avant les hommes. On peut au moins me donner acte aujourd’hui d’avoir été le seul à porter depuis plusieurs mois un projet qui s’appuie sur le trépied « économie, formation, santé ». Ce n’est peut-être pas très vendeur aux yeux de certains, mais ça touche de très près les préoccupations quotidiennes des Corses… On a trop brûlé d’énergie dans des débats qui relèvent du symbolique. La question de la résidence méritait d’être posée même s’il y a d’autres solutions que l’option du statut. Je suis en revanche engagé en faveur de l’officialisation de la langue corse. Enfin, je suis favorable à la collectivité unique bien que la perspective d’une concentration du pouvoir me tracasse un peu. Mais je suis opposé à une chambre des territoires qui tiendrait lieu de recyclerie pour les laissés pour compte de la réforme. La logique d’une simplification, c’est d’aller au bout de la simplification. La superposition de trois échelons permettra de rationaliser les politiques publiques et de les inscrire dans la proximité : la commune, l’intercommunalité et la collectivité unique. C’est, à mes yeux, l’architecture institutionnelle la plus pertinente.
Au final, quelle serait la meilleure stratégie pour la droite ?
J’ai toujours soutenu qu’il fallait privilégier la force des rapports sur les rapports de force. Les querelles d’ego doivent maintenant céder la place à des discussions constructives et fertiles. La stratégie gagnante, c’est que José Rossi et Camille de Rocca Serra acceptent le vote des militants, oublient leurs chicaneries et se mettent d’accord sur un programme d’alternance. Pour ma part, j’ai refusé de m’immiscer dans cette bipolarité et j’entends miser sur le caractère original de ma démarche en incarnant le renouvellement, en défendant un projet qui sort des sentiers battus et en rassemblant celles et ceux qui, de la famille libérale, ne se reconnaissent pas ou plus dans l’UMP. Chacun fait sa vie de son côté avec l’objectif de se retrouver entre les deux tours sur nos valeurs et nos idées communes. Dans le jargon familier électoral, c’est ce qu’on appelle « ratisser large ». Les natios l’ont compris. La gauche aussi . À nous de ne plus feindre de ne pas le comprendre.
Après ce qui s’est passé, vous croyez encore possible des discussions, comme vous dites, fertiles ?
Je crois que sous l’autorité d’hommes d’expérience comme Jean Baggioni, il est temps que nous nous attelions à bâtir dans la transparence cette stratégie gagnante dans le respect des idées et des ambitions de chacun. Sur l’échiquier politique corse, il y a de la place pour une droite traditionnelle et gaulliste et pour une droite régionaliste émancipée.
À la lumière de ses prises de position, on peut dire de Laurent Marcangeli qu’il incarne, lui aussi, la droite régionaliste…
Oui même si comme tout député UMP il est parfois contraint au grand écart. Je pense et je le lui ai dit qu’il aurait mis tout le monde d’accord en conduisant lui-même la liste aux territoriales. Sauf qu’en 2017, il sera frappé par le cumul des mandats… Comme Paul Giacobbi, comme Camille de Rocca Serra, comme Gilles Simeoni mais ceux-là veulent y aller quand même. Là-dessus, rien à dire, Laurent Marcangeli a fait preuve d’honnêteté.
Vous évoquiez tout à l’heure la sagesse d’un Jean Baggioni. Il dit vous concernant qu’il faut faire preuve de réalisme en terme de résultat électoral…
Ses conseils m’aiguilonnent et m obligent. Décider c est regarder le réel, envisager le souhaitable et déduire le possible . J’ai mûri, j’ai pris mes distances pour ne pas dire de la hauteur avec les turpitudes qui alimentent régulièrement la chronique politique, je ne suis pas dispose à n importe quelle concession et ne suis pas en quête d un strapontin. J’y vais donc librement, en permettant à la droite d’assumer sa diversité à travers deux grands courants. Le premier, je l’ai dit, légitimiste, porté par les partis nationaux ; le second, régionaliste, plus autonome et plus innovant que j’aspire à incarner avec d’autres. Mon ambition, c’est de faire gagner ma famille mais pas à n’importe quel prix.
Vous espérez atteindre le seuil des 5 % pour pouvoir fusionner ?
C’est un objectif. Réaliste, je crois. Ce qui m’intéresse, c’est la victoire de la Corse. À titre personnel, je n’ai rien à perdre.
Vous êtes favorable à une loi d’amnistie ?
On ne peut pas partager des idées et accepter de maintenir en prison ceux qui dans l avant garde et la résistance sont responsables de l avènement. Je trouve donc raisonnable l idée d’une amnistie des lors qu elle n ouvre pas le champ à l impunité et qu elle ne couvre pas les crimes de sang. Mais une fois encore la droite court après les idées des autres. Le temps est venu de renverser la table.
JEAN MARTIN MONDOLONI dans le CORSE MATIN DU 15 mai