La création de cet outil permet d’élargir un peu la réflexion concernant le problème du foncier en Corse. « Persu a tarra, persu u populu. » C’est certainement l’enjeu central, avec la démographie, de la lutte d’émancipation.
L’Office Foncier est né récemment après 20 ans … de réflexion et d’attente !!! Dans notre Pays où la question foncière reste une des plus épineuses et suscite de vifs conflits, d’usage, de propriété ; domaine où l’anxiété sur le devenir de la terre corse est omniprésente.
En attestent la lutte chronique des Corses pour garder les Arrêtés Miot rénovés comme l’opposition totale de l’Etat à la préservation de ceux-ci. Ils sont pourtant un des derniers remparts contre la spéculation et la dépossession ; puisque l’Etat favorise la non-application de l’Etat dans le domaine de l’urbanisation littorale. Malgré les efforts remarquables du Levante et du Collectif Loi Littorale mais aussi du TA de Bastia qui invalide les PLU, illégaux à tour de bras. Paris s’en moque et contourne la loi qu’il ridiculise cyniquement. Insupportable.
Si on y ajoute que le Padduc en cours de confection a rogné les espaces agricoles, on mesure l’importance du challenge.
Ce n’est pas la France qui nous démentira elle, Pays autoproclamé de l’excellence dans tous les domaines, qui a laissé notre cadastre se dégrader depuis plus d’un siècle et nous le livre dans un état digne d’un pays sous-développé ; le Girtec que nous avons arraché peut apprécier , à l’usage, l’étendue du désastre et l’immensité de la tâche qui l’attend pour aider à établir et à sécuriser les titres de propriété !!!
Nous avons eu droit à un concert d’autosatisfaction lors de l’annonce de la création du Conseil d’Administration de l’Office Foncier de la Corse, dans les locaux de la Collectivité Territoriale. Maria Giudicelli, Présidente, désignée par Paul Giaccobi, a déclaré « Après des mois de travail, le nouvel outil visant à mettre en œuvre des stratégies foncières au service des collectivités locales va pouvoir débuter ses travaux dès les prochaines semaines »
Office Foncier de la Corse. Oui…mais.
. Elle a ajouté que « l’Office va fonctionner fort d’un conseil d’administration de 51 membres très représentatifs des différentes parties prenantes». 51 membres, parmi lesquels on comptera 27 représentants des collectivités locales, à savoir communautés de communes, intercommunalité, conseils généraux et bien sur CTC , qui auront voix délibérative, tandis que les 24 autres représenteront les établissements publics et consulaires et membres de l’administration, et auront, eux, voix consultative » (fin de citation).
A l’aube de débuter les travaux de l’OFC, sa présidente a rappelé que celui-ci s’annonce comme un « outil unique sur l’ensemble du territoire français » qui « servira la mise en œuvre de stratégies foncières des collectivités locales et permettra le développement d’activités économiques ».
Nul ne contestera la création en Corse, même tardive, d’un outil de régulation foncière, capital dans l’architecture de ce domaine, la définition et l’application de ses fonctionnalités. Le débat méritait autre chose qu’une querelle sur le siège de l’institution, choisie pour les 6 prochains mois : Ajaccio ! Alors que le rééquilibrage territorial des institutions aurait pu, juste retour des choses, conduire au choix de Corti ou de Bastia.
Fait plus grave, est-il normal que le monde économique, les forces vives de l’île, celles qui connaissent l’économie, la font vivre, soient exclues une fois de plus, les instances de décision étant réservées aux seuls élus de la Collectivité territoriale ? Malheureusement, le CESC, pertinent, judicieux, voulu par le législateur en 1982, a été privé de tout moyen d’existence donc d’efficacité, par la CTC et réduit à un rôle de figurant. Injuste et stupide car inutile.
Dans la situation grave que nous vivons, la Corse nouvelle ne pourra pas se construire avec les seuls élus de la CTC ; il faut désormais, par des procédures novatrices comme les Etats Généraux par exemple, et dont les modalités seraient définies en commun, donner impérativement la parole aux autres élus, au peuple, à la diaspora, et à toutes les forces vives qui doivent apporter, institutionnellement, leur intelligence, leur compétences, leurs ressources à la création et au fonctionnement du Nouveau Statut . L’exigence, modeste actuellement deviendra importante et récurrente.
Il nous faut l’Autonomie Interne – avec tous les pouvoirs sauf ceux d’essence régalienne- dans le cadre de l’Union Européenne ; cette autonomie doit, simultanément, mettre un terme, au pouvoir de la domination du couple, unilatérale et coloniale de l’Etat et inefficace du clan ; la société corse doit être irriguée à tous les échelons par une démocratie, vivante, la fin de l’opacité, des privilèges, des passe-droits, la primauté de l’intérêt général, l’exercice de la responsabilité et de la solidarité. Nous devons extirper le terreau de toutes les injustices, sources de violences, et le réensemencer avec un seul antidote : la démocratie. Le système claniste n’est pas soluble dans la démocratie. Il doit disparaître dans la gestion de l’île.
Le peuple corse a un besoin urgent de l’Autonomie ; il l’attend, même confusément. Il a payé chèrement son exigence de liberté, le droit – historique et international- à choisir son destin. La voie de la mobilisation élargie, de l’action non-violente sont les seuls moyens de sortir de l’impasse dangereuse et de recouvrer notre dignité collective et notre liberté, avec le concours aussi des consciences et de l’opinion publique internationales. L’heure des choix inévitables s’approche. Je pense que le peuple corse sera à la hauteur du défi.
Le 25 mai 2015
Docteur Edmond Simeoni
Chjama naziunale