On a souvent collé le mot « mafia », a minima l’expression « méthodes mafieuses », à Marseille. Oui mais voilà. Laurent Mucchieli, directeur de la recherche au CNRS et directeur de l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux, et ses comparses assurent – dans un numéro spécial de la revue Faire Savoirs intitulé « Délinquance, criminalité et banditisme dans la région marseillaise » – que la mafia n’a jamais existé dans la cité phocéenne. Il évoque ici l’imagerie de « capitale du crime » qui entoure Marseille, et l’impact engendré sur sa réputation. Entretien.
On parle depuis des décennies de « mafia » à Marseille, notamment corse. Vous affirmez pourtant que les caractéristiques essentielles d’une mafia n’ont jamais été rassemblées à Marseille…
Laurent Mucchielli :Mon collègue Cesare Mattina, dans son article, rappelle que la mafia, telle qu’elle s’est développée en Italie à partir de la fin du 19e siècle, peut se définir à partir de trois critères : 1) c’est une entreprise capitaliste à dimension internationale (une multinationale à multi-activités), 2) cette organisation exerce sur un vaste territoire une autorité au moins partiellement légitimée par les pouvoirs publics, par le biais notamment de la corruption, 3) elle est enracinée socialement dans des territoires où une partie de la population reconnaît son autorité. J’en ajoute un quatrième : elle fait un usage radical de la violence physique et détient une puissance de feu qui en fait un véritable adversaire des États. Or rien de tel n’existe, et n’a jamais existé, à Marseille, pas plus qu’en Corse.