Encore un dossier accablant pour l’Etat…litanie sans fin.
Il serait inexact de dire que la santé des hommes se porte mal dans l’île et que l’Etat n’a jamais agi efficacement. Les équipements sont progressivement modernisés, les plateaux techniques, publics et privés, sont satisfaisants ; prévention et dépistage fonctionnent correctement.
Certes, il a fallu de longues luttes pour maintenir un bon service d’évacuations sanitaires vers la métropole, arracher des crédits supplémentaires pour nos hôpitaux, arracher aussi des scanners et des IRM. Et nous ne pouvons pas oublier que les Américains, à la fin de la dernière mondiale, ont éradiqué le fléau du paludisme qui infestait la Côte orientale, la vallée du Golu. Par une campagne massive chimique.
Par contre, les louanges ne sont pas de mise pour ce qui concerne la santé animale. J’ai vu, dès 1950, les méfaits de la brucellose (fièvre de Malte) dans nos villages où les bergers avaient leurs troupeaux malades, peu productifs – reproduction, lait, fromages- et où la lutte menée par l’Etat contre cette affection animale a été médiocre tandis que la population était largement atteinte avec des incidences sociales et sanitaires importantes.
A un degré nettement moindre, l’hydatidose n’a pas été combattue, il y a quarante ans, mais a posé des problèmes sérieux de santé publique en Corse, très exposée – l’essentiel des patients était dirigé sur Marseille- tout simplement parce que là aussi, la prévention au niveau des ovins était inexistante et que l’Eta a laissé perdurer des pratiques d’élevage, archaïques et dangereuses.
Dès 2001-2002, nos troupeaux ont eu à affronter la fièvre catarrhale ovine ( FCO) qui a mis notre élevage ovin en danger sérieux ; née dans les années 50 en Espagne, elle s’est propagée en 1998 en Italie puis en Sardaigne ; elle devait débarquer en Corse en 2002, 2003 ; le manque de vigilance, et de prévoyance le laxisme de l’Etat, l’absence de suivi, en particulier des mutations virologiques, ont laissé se développer ce fléau. Avant que des mesures sérieuses soient enfin prises ( vaccination etc)
Les erreurs se suivent …. Et se répètent, avec une régularité de métronome. L’avant dernier prédateur insulaire est le Cynips du chataîgner, due au Fredon, venu de Chine dont le potentiel de nuisance, voire de destruction est considérable. Ici, il existe heureusement une solution avec la lutte biologique grâce au « torymus sinensis » ; cette maladie est arrivée en 2002 en Italie !!!, en 2007 dans les Alpes maritimes, en 2010 en Ardèche sans que l’Etat s’y intéresse, prenne des mesures de précaution (interdiction stricte des importations de plants), sensibilise les castanéïculteurs. Il a fallu la mobilisation insulaire de ceux-ci, l’initiative vigoureuse des professionnels dans la campagne « Salvemu i Castagni » pour expliquer, mobiliser, installer la vigilance et la surveillance dans toutes les régions de montagne potentiellement menacées, collecter des fonds ici et dans la diaspora, entamer et poursuivre la lutte.
Mais la litanie de nos malheurs et des carences n’est pas finie puis que nous voilà menacés par la « Xylella Fastidiosa », identifiée en Europe en 2013 et qui a ravagé des pans entiers de l’oliveraie des Pouilles ; il n’y a de traitement pour lutter contre cette protéobactérie. Fallait-il être un grand stratège pour prévoir que la Corse, en Méditerranée, était encore menacée par la propagation de ce fléau ? Non mais l’Etat a, ici et encore atermoyé. A telle enseigne que les écologistes, les agriculteurs, les nationalistes notamment se sont mobilisés, ont interpellé les pouvoirs publics ; et que l’ODARC a secoué, le cocotier par son Président Jean-Louis Luciani qui « demande que l’interdiction ministérielle s’étende à tous les végétaux originaires d’Italie, même porteurs sains, et que l’entrée des plants soit restreinte à deux ports en Corse avec périmètre de confinement pour faciliter les contrôles ».
IL serait temps que, dans ce domaine comme dans tant d’autres et la démonstration serait étoffée et aisée, la Corse s’extraie de la gangue de l’aliénation, de l’assistance, pour arracher ses droits ; ces méfaits, ces négligences, cette indifférence auraient-ils été possibles dans le cade de la maîtrise de notre destin et en l’espèce de la santé animale et végétale ? Non.
Sans autonomie de législation, de décision, de choix, d’exécution, de financement, dans tous les domaines non-régaliens, le pire nous attend. Car la France a d’autre souci que l’existence de notre peuple – farouchement niée- que le bien-être collectif des Corses et du respect des décisions démocratiques de ses élus. Nous ne sommes pas une préoccupation pour elle mais un ennui chronique, mineur, méprisé.
Il est temps de s’insurger pacifiquement, de réfléchir, de se concerter avec les Corses de l’île et de la diaspora, d’établir en commun une plate-forme de gouvernance, démocratique et sociale, de l’imposer à Paris et de réaliser une politique libre, dans le cadre euro-méditerranéen. C’est le chemin de la liberté, de la dignité, du Droit, de l’Histoire qui nous l’impose.
Aiacciu le 24 Avril 2015
Dr Edmond Simeoni