En raison des difficultés que connait le port de notre micro-région, le CULLITIVU PRUBIA PORTU VIVU a organisé un débat afin que la population prenne conscience des conséquences désastreuses de la disparition éventuelle des liaisons maritimes avec la Sardaigne.
Voici l’intervention d’Antoine Mondoloni lors de cette réunion :
1 – Le principe de la continuité territoriale
C’est un principe reconnu par les Etas qui composent l’UE pour compenser les handicaps de leurs îles, leur éloignement, leur enclavement et leur manque d’accessibilité.
Pour des raisons historiques et surtout d’une vision essentiellement nationale la continuité territoriale s’est bâtie sur des relations intra étatiques ignorant totalement la géographie.
Ce n’est pas ici que je vais convaincre que la distance qui nous relie avec nos voisins sardes ou toscans ou romains suivant que l’on se trouve à Propriano, Bastia ou Porto-Vecchio est inférieure à celle qui nous relie à Marseille.
Mais nous ne sommes pas les seuls : ainsi l’île danoise de Bornholm, qui est à 36 km à peine de la Suède n’a de liaison maritime qu’avec Copenhague, sa capitale qui est à 150 km.
Les faits me conduisent à dire est que les liaisons reliant les territoires insulaires aux autres territoires de l’UE qui leur sont les plus proches ne sont pas encore intégrées dans les politiques de l’UE.
2 – L’apport du traité de Lisbonne
L’article 174 du traité de l’UE, modifié par le traité de Lisbonne en 2010, pose le principe du renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale.
L’objectif de l’UE tel qu’énoncé par cet article est de réduire :
→l’écart de développement des diverses régions
→et le retard des régions les moins favorisées.
Le texte prend soin de préciser qu’une attention particulière est accordée à trois types de zones :
→les zones rurales,
→les zones où s’opère une transition industrielle
→et les régions qui souffrent de handicaps naturels, mentionnant explicitement les îles et les zones de montagne.
Cette politique qui représente 36 % du budget communautaire, vient en importance de moyens juste après la politique agricole commune (PAC).
Mais il n’y a rien comme enveloppe budgétaire pour les liaisons entre les îles et les continents de l’UE qui leur sont géographiquement proche.
Les faits me conduisent à dire que le renforcement de la cohésion économique des îles n’est pas encore intégré dans les politiques de l’UE.
3 – L’existant
La liaison entre Bonifacio et la Sardaigne n’est pas menacée, mais elle repose essentiellement sur du trafic passagers et ne vit véritablement qu’en été.
La liaison entre Propriano et la Sardaigne qui n’est qu’une escale de la liaison entre la Sardaigne et Marseille est en réanimation.
C’est mieux que rien, mais les réalités économiques vont à nouveau s’imposer et faute d’une action politique au niveau de la CTC, de l’Etat et de L’UE, elles conduiront au même constat car la ligne connait un déficit annuel de 500 000 €.
Je vous laisse comparer cette somme à d’autres sommes versées pour des évènements sportifs, certes intéressants, mais qui n’ont pas l’importance vitale d’une liaison maritime continue.
De plus il faut savoir que la Sardaigne, elle, subventionne la compagnie qui assure la rotation avec Bonifacio à hauteur de 1 M€ pour lui permettre de survivre en hiver.
Sans votre mobilisation, sans celle des professionnels et sans celle des entreprises que je représente ici, je ne sais si nous aurions retrouvé cette ligne.
Mais enfin, mon but n’est pas de polémiquer, puisque la réalité est de constater qu’elle existe à nouveau.
4 – La vision de la CCIR
La Chambre régionale a bien évidemment constaté la différence de conception de la continuité territoriale des Etats et celle à laquelle doit conduire la géographie.
En clair la continuité territoriale européenne devrait permettre de relier des régions de l’UE qui sont proches, de relier la Corse à l’Italie.
Alors nous avons adhéré au réseau INSULEUR, sur la proposition de notre compatriote Henri MALOSSE, président du Conseil Economique et Social Européen.
Ce réseau qui regroupe toutes les chambres de commerce de pays de l’UE, a pour objectif :
→de faire reconnaître que l’insularité est un obstacle au développement,
→d’obtenir la mise en place d’aides financières comme il en existe tant d’autres pour les liaisons maritimes îles et continents proches n’appartenant pas au même Etat.
En qualité de Président de la CCIR mon propos ne se limite pas au Valinco, mais concerne aussi Bastia et l’extrême sud.
Nous avons donc engagé une action auprès de la commission européenne et des députés européens pour y parvenir.
5 – Ma vision
Je pense que les Etats, tous les Etats, pas que la France ont toujours et encore cette vision nationale qui les conduit à favoriser les liaisons intranationales.
Je pense que pour surmonter cet obstacle il nous faut passer par un statut des îles, depuis la Grèce jusqu’au Nord de l’UE.
Ce statut serait intégré au traité de l’UE, acterait enfin la reconnaissance des spécificités insulaires et mettrait en place des actions pour compenser leur handicap et leurs difficultés de développement.
Cette vision était en germe dans le programme de coopération transfrontalière Italie-France maritime 2007-2013.
Il préconisait la mise en œuvre d’un Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT) de gestion des liaisons Italie-France pour la période 2014-2020.
Je ne sais aujourd’hui où en est la mise en place effective de ce programme.
Mais je crois qu’il souffre d’une vision limitée!
En effet les liaisons envisagées concernaient deux lignes : Bonifacio et Santa Teresa, d’un côté et Propriano et Ajaccio avec Porto Torres d’un autre côté.
Vous me direz que c’est un bon début.
Je serai d’accord avec vous à la seule condition que ce soit le début des liaisons avec toute l’Italie, des liaisons qui ne mettent pas de côté Bastia et Porto-Vecchio.
Il est temps de sortir de nos visions micro-régionales et de se dire : « nous avons obtenu ceci ou cela et que les autres se débrouillent ! ».
Je crois que pour être crédibles il nous faut, comme nous le faisons avec le programme INSULEUR, présenter une vision globale, présenter des liaisons géographiquement et économiquement pertinentes.
C’est le seul moyen de démontrer que les îles, toutes les îles de l’UE, méritent un traitement spécifique.
Et ce traitement spécifique ne peut avoir de base juridique, donc de traduction financière que s’il repose sur un statut des îles de l’UE.
Je vous remercie de votre attention
Article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel que modifié par le traité de Lisbonne :
« Afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale. En particulier, l’Union vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées. Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s’opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne ».