Lors de la 1ère session ordinaire du 13 mars 2015 le rapport du Président du Conseil Exécutif sur le « Rapprochements des détenus insulaires incarcérés en France Continentale » a été amendé et voté à l’unanimité.
Voici le texte du rapport :
« La délicate question des détenus insulaires incarcérés en France continentale et de leur rapprochement se pose toujours avec une acuité particulièrement soutenue. Maintes fois abordées par la représentation politique corse avec les différents gouvernements depuis quasiment deux décennies, elle n’a jamais été résolue, même si des progrès notables sont intervenus.
Ce sujet sensible concerne tous les prisonniers, sans aucune distinction sur la forme et la nature des délits pour lesquels ils ont été condamnés ou placés en détention préventive. Leur éloignement génère des difficultés financières pour les familles, les contraint à limiter les visites et constitue une source de détresse morale tant pour les prisonniers que pour les proches, et notamment les enfants. Le terme de « double peine » trouve ici tout son sens, les principes élémentaires de respect des droits humains et d’application équitable de la loi ne sont pas respectés. Il y a une inégalité constitutionnelle entre les personnes qui n’est pas acceptable.
C’est là mon intime conviction et je n’ai pas manqué d’intervenir et de faire adopter des voeux et motions sur la problématique du rapprochement alors que j’occupais la présidence du Conseil Général de la Haute-Corse. J’avais notamment saisi Dominique PERBEN qui, je le rappelle, a été Garde des Sceaux de mai 2002 à juin 2005. L’intéressé avait ainsi pris des engagements fermes s’agissant de la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire, moderne et fonctionnel, sur la commune de Sarrola-Carcopino. Cette initiative, si elle avait connu une expression concrète, aurait incontestablement permis de mettre, en grande partie, un terme à cet épineux dossier qui constitue une injustice et une rupture d’égalité devant la loi.
Ce projet a été depuis abandonné même si l’Etat avait procédé à l’acquisition d’un ensemble foncier sur la commune considérée. En lieu et place, une opération de substitution a consisté à rénover la maison d’arrêt d’Ajaccio. Cette réfection n’a pas permis, loin s’en faut, d’apporter un règlement à un problème sur lequel tous les élus corses, quelle que soit leur appartenance politique, ont manifesté une position commune. Dès ma prise de fonction en qualité de Président du Conseil Exécutif de Corse, j’ai pris des initiatives pour convaincre le pouvoir central du bien fondé de cette démarche. Avec le Président de l’Assemblée de Corse et les présidents des groupes politiques qui siègent dans l’hémicycle, nous avons rencontré Mme Michèle ALLIOT-MARIE, M. Michel MERCIER et l’actuelle ministre de la Justice, Mme Christiane TAUBIRA.
Votre Assemblée a adopté une délibération consensuelle sur la base d’une motion déposée par M. Jean-Guy TALAMONI au nom du groupe « Corsica Libera », lors de la séance du 27 mai 2010. Il y a lieu de noter que celle-ci intervenait après l’adoption d’autres délibérations dont la première, sauf erreur ou omission de ma part, a été prise le 18 décembre 2003 (NDLR : mobilisations lien 1, lien 2, lien 3, lien 4)
Il m’appartient d’attirer l’attention de chacun d’entre vous mais surtout celle du gouvernement, sur le fait que cette demande n’a rien d’extravagant, ni d’exceptionnel. Elle relève désormais d’une simple application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, et notamment de son article 34 qui stipule que : « Les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d’un rapprochement familial jusqu’à leur comparution devant la juridiction de jugement ».
Cette disposition législative a fait l’objet d’un décret d’application n° 2010-1634 du 23 décembre 2010. En préambule du présent rapport, j’insistais sur les progrès accomplis en matière de rapprochement. Ainsi, une trentaine de détenus a fait l’objet de transfèrement en Corse depuis 2012.
Ces avancées demeurent néanmoins insuffisantes et dans le cadre du dialogue que nous avons engagé avec les gouvernements AYRAULT, puis VALLS, je vous propose de solliciter un entretien solennel auprès de la Garde des Sceaux auquel participeraient outre moi-même, le Président de l’Assemblée de Corse, les présidents de groupes et où j’entends associer un représentant local de la Ligue des Droits de l’Homme ainsi qu’un représentant d’Aiutu Sulidarità.
Je vous prie de bien vouloir en délibérer. »
Voici la délibération :
L’An deux mille quinze et le , l’Assemblée de Corse, régulièrement convoquée s’est réunie au nombre prescrit par la loi, dans le lieu habituel de ses séances, sous la présidence de M. Dominique BUCCHINI, Président de l’Assemblée de Corse.
L’ASSEMBLEE DE CORSE
VU la Constitution,
VU le Code Général des Collectivités Territoriales, Titre II, Livre IV, IVème partie,
VU la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, notamment l’article 34,
VU le décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le code de procédure pénale,
VU la délibération n° 03/362 AC de l’Assemblée de Corse du 18 décembre 2003 portant adoption d’une motion relative au rapprochement des détenus originaires de Corse de leurs familles,
VU la délibération n° 10/075 AC de l’Assemblée de Corse du 27 mai 2010 portant adoption d’une motion relative à une demande de rapprochement des détenus corses,
CONSIDERANT qu’il y a lieu de mettre un terme à la délicate et récurrente question des prisonniers insulaires détenus en France continentale ; qu’il s’agit là d’une exigence de justice et d’équité,
CONSIDERANT qu’il convient dans le cadre d’une concertation avec le gouvernement de remédier à cette situation qui relève d’une inégalité constitutionnelle entre les personnes.
SUR rapport du Président du Conseil Exécutif de Corse,
APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
ARTICLE PREMIER :
REAFFIRME sa volonté d’aboutir à une solution pérenne et définitive s’agissant du rapprochement et du transfèrement au sein des centres de détention 5 situés en Corse des prisonniers insulaires incarcérés en France continentale dont l’instruction est achevée, quelles que soient la forme et la nature des délits pour lesquels ils ont été condamnés ou placés en détention provisoire.
ARTICLE 2 :
SOLLICITE dans cet esprit auprès de Mme la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, un entretien solennel.
ARTICLE 3 :
DIT que la délégation sera composée du Président du Conseil Exécutif de Corse, du Président de l’Assemblée de Corse, des présidents des groupes politiques, à laquelle seront associés un représentant local de la Ligue des Droits de l’Homme et un représentant d’Aiutu Sulidarità.
ARTICLE 4 : La présente délibération fera l’objet d’une publication au recueil des actes administratifs de la Collectivité Territoriale de Corse.
Le Président de l’Assemblée de Corse, Dominique BUCCHINI