(article du 7 mars) La « Coordination pour une voie politique » organisait ce vendredi soir à Ajaccio, une réunion publique (meeting) pour demander l’application des décisions de l’Assemblée de Corse ainsi que la mise en place d’une loi d’amnistie pour les prisonniers politiques et pour les recherchés.
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Devant plus de 500 personnes, des élus du Peuple Corse et de la société civile se sont exprimés en soutien à tous les patriotes incarcérés, recherchés, d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Tour à tour se sont exprimés à la tribune:
–Jean Guy Talamoni, élu territorial de Corsica Libera,Jean Christophe Angelini au nom du PNC (élu territorial Femu a Corsica),Jean Marie Poli Président de Sulidarità et élu Territorial de Corsica Libera,Antone Colombani au nom de Ghjuventù Indipendentista et du Collectif Simu Di Stu Paese,Gilles Simeoni au nom d’Inseme per a Corsica (élu territorial Femu a Corsica),François Sargentini membre de l’exécutif de Corsica Libera,Paul Jo Caitucoli élu au Conseil Général,André Paccou pour la Ligue des Droits de l’Homme,Norbert Laredo pour I Verdi Corsi,Jean Toussaint Poli pour le STC,Jean Biancucci pour A Chjama Naziunali (élu Femu a Corsica),Jean Baptiste Luccioni président du groupe Corse Social Démocrate à l’Assemblée de Corse, maire de Pietrosella, Paul Leonetti, membre de l’exécutif de Corsica Libera, Jean Charles Orsucci, élu de la majorité Territoriale et Nationale, maire de Bunifaziu.
Paul Leonetti a préféré laisser de cotés le discours qu’il avait préparé afin de parler avec son coeur et ses tripes, voici la vidéo de son intervention :
Voici le discours initial de Paul Leonetti
Qu’est-ce que l’amnistie ?
L’amnistie que nous réclamons ce n’est pas la victoire, ce n’est pas le pardon. L’amnistie, c’est la paix. Après un conflit, il n’y a que deux issues : la loi du vainqueur, qui peut se montrer clément, ou la transition négociée, qui repose sur une amnistie. En Corse, après quarante ans de lutte armée, il n’y a pas eu de vainqueur sur le plan militaire. Mais la transition a commencé, puisque le dialogue s’est instauré. Les armes peuvent se taire et le temps de l’amnistie venir.
C’est l’initiative historique que le FLNC a prise en juin 2014. Les Athéniens, après s’être déchirés, ont été les premiers à voter une loi d’amnistie, il y a presque deux mille cinq cent ans. Pour oublier, c’est d’ailleurs cela que veut dire amnistie : oubli. L’oubli comme une page blanche sur un passé qui attendra le jugement de l’Histoire. Car les contemporains ne s’entendent pas sur les causes du conflit, mais sont déterminés à reconstruire la Cité. Non pas qu’il faille en avoir honte du passé. En ce qui me concerne, je ne renie rien. Je pense que la lutte armée était nécessaire, qu’elle a permis à la Corse d’avancer. Mais je sais que nombreux sont les Corses à penser autrement. Et le temps n’est plus de les convaincre, mais de passer à autre chose.
Car on n’entre pas dans un combat en espérant qu’il ne finisse jamais. Sauf à être un chef de guerre. Sauf à tirer un profit personnel d’une situation que la paix viendrait compromettre. Or, je vous le demande, qui est aujourd’hui dans cette situation ? Le FLNC ? Ou l’État ? Ou certains secteurs de l’État, celui des fonctionnaires de la répression, des petits juges de la galerie Saint Eloi en mal de reconnaissance ? L’unité que nous construisons sur cette terre les inquiéteraient tant qu’ils préfèreraient encore la reprise de la lutte armée ? Cette hypothèse est glaçante. J’espère que le doute sera bientôt levé. Depuis que la lutte armée existe, les gouvernements estiment qu’elle est le principal obstacle au règlement de ce qu’il est convenu d’appeler, à Paris, le problème corse. Pourtant, il y en a eu des avancées en dépit des attentats, et sans doute grâce aux attentats. La position qui était celle des gouvernants d’exiger en préalable à toute discussion l’arrêt de la violence politique n’a été qu’une posture, au regard de l’histoire de ces trente dernières années. Sinon comment expliquer que lorsque le FLNC annonce sa volonté d’y mettre un terme définitif, Paris ne réagit pas ? Aucune initiative en direction de la Corse, aucun geste pour les clandestins. La question est donc posée : est-ce réellement ce qu’ils souhaitaient ? Ils nous parlent de paix, mais ils continuent à nous traiter en ennemis, à nous faire la guerre.
Ce cycle infernal provocation/répression, cette dialectique armée qui a structuré les rapports du centre et de la périphérie, serait donc indépassable ? Dans l’usage de la violence, la rébellion a illustré sa détermination. Et dans l’usage de la force, de la force brutale, l’État a pour sa part fondé son autorité. Alors oui, la perspective de voir disparaître l’Ennemi est gênante. Il faudra tenir un autre discours. Promettre la sécurité qu’on ne peut pas garantir, c’est bien là le paradoxe, ne suffira plus. Il faudra de vraies propositions, sur le développement, sur le social, autant de choses que l’Etat n’est plus en mesure d’assumer. Voilà tout leur problème, toute leur impuissance. Mais leurs manigances ne peuvent justifier nos souffrances ! Car de ce jeu cynique, de cette hypocrisie c’est la Corse qui fait les frais, ce sont nos prisonniers, ce sont leurs familles. Ce sont nos amis que nous voyons partir pour garnir leurs prisons. Nous pensions que l’heure était enfin venue de la libération pour ceux qui l’attendent. Nous étions fiers de l’initiative du FLNC, que nous approuvions, que nous soutenions. Nous étions impatients d’en voir les résultats. C’est l’Histoire que nous écrivions. C’est l’espoir que nous défendions.
Et puis, non. Après le silence, après le constat de l’incapacité à saisir ce moment, d’être à la hauteur de l’enjeu, comme surent le faire les Anglais dans un contexte autrement plus tendu il y a quinze ans en Irlande, la réponse est venue, brutale, stupide. Encore une fois, la déportation. C’est Pierre qu’ils sont venus prendre cette fois-ci. Pierre, mon ami, mon frère. Pierre, que j’ai accompagné dans toutes les démarches de reconstruction du mouvement. Pierre, qui a d’abord voulu la paix entre les nationalistes, pour faire la paix en Corse. Pierre que l’on emprisonne, que l’on retire de cette terre, alors qu’il y bâtit l’avenir. Pierre, que l’on punit pour l’exemple. Qu’on veut briser. Qu’on soumet à l’isolement, cette torture blanche. […] Ce que nous ressentons aujourd’hui va au-delà de la déception. C’est de la colère, c’est de la rage. Nous le savons d’expérience, le chemin de la paix est difficile. Mais qu’ils ne se trompent pas, ce n’est pas le chemin de la résignation. Le temps est compté à partir de ce soir pour une solution politique et pour une loi d’amnistie.
Nous ne serons pas patients.
Nous sommes exigeants.
Nous avons fait notre part, qu’ils fassent la leur !
Paul Leonetti