« Je dois dire que je suis à la fois surpris et flatté de l’importance prise par cet amendement. Il s’agissait à l’origine d’un amendement du Gouvernement, voté par le Sénat. Mais l’article ainsi créé a ensuite été contesté. Il l’a été en raison de sa rédaction, et certainement pas sur le fond, car il n’avait pas la signification qu’on lui a prêtée.
De quoi s’agit-il, en substance ? La loi permet à l’Assemblée de Corse de proposer un certain nombre de modifications législatives et réglementaires au Gouvernement et au Parlement. Dans ce cadre, il s’agissait de permettre à l’Assemblée de Corse d’instituer une taxe de mouillage dans les aires marines protégées de Corse, celles qui – j’y insiste – sont gérées par la collectivité territoriale de Corse, c’est-à-dire Scandola et Bonifacio.
M. Marc Le Fur. Je croyais que la collectivité territoriale de Corse ne pouvait pas lever l’impôt ?
M. Paul Giacobbi. Permettez, monsieur Le Fur, que je poursuive. Je rappelle que cette mesure a fait l’unanimité à l’Assemblée de Corse, et que M. Camille de Rocca Serra a déposé un amendement très proche du mien – même s’il ne sera pas présent pour le défendre. Je répète que l’Assemblée de Corse s’est unanimement déclarée favorable à ces dispositions – y compris M. de Rocca Serra et les membres de son groupe.
Comme d’habitude, par la suite, on nous a dit : « vous comprenez, il ne faut pas que cela ne concerne que la Corse. » Nous considérons, pour notre part, que cela ne doit concerner que la Corse, et certainement pas l’ensemble des aires marines protégées – que je connais un peu par ailleurs.
Si on interprète à l’extrême l’amendement déposé initialement par le Gouvernement – et déposé à nouveau par votre serviteur – le dispositif pourrait éventuellement être appliqué ailleurs. Encore que ! D’abord, pour en déduire cela, il faut vraiment solliciter le texte de cet amendement, puisqu’il concerne « les collectivités territoriales ou les établissements publics ». Des sous-amendements ont été déposés pour modifier cette formulation. Ensuite, cet amendement ne concerne que les seules collectivités territoriales « qui contribuent à la gestion d’une aire marine protégée ». Il s’agit donc de la collectivité territoriale de Corse et – je l’ai appris récemment : voyez qu’on en apprend toujours, et à tout âge – le département des Pyrénées-Orientales, qui gère la réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls. Sous réserve que les sous-amendements que j’ai évoqués soient adoptés, ce sont là les seules collectivités qui seraient susceptibles d’instituer cette redevance.
Puisque les sous-amendements visent à limiter le dispositif à la Corse et à une réserve des Pyrénées-Orientales, quelle est la situation en Corse ? Il suffit d’y aller, au lieu d’en parler : le sud de l’île, notamment, connaît une prolifération de très gros navires – je parle ici, non de bateaux de dix à vingt mètres, mais de bâtiments mesurant jusqu’à cinquante mètres, voire davantage – qui, pour éviter d’être taxés en Sardaigne, viennent dans nos eaux, ce qui crée un problème ingérable.
M. François Pupponi. Des navires loués 700 000 euros la semaine !
M. Paul Giacobbi. Comment le régler avec des moyens relativement limités ? Soit vous interdisez tout, ce qui serait une erreur profonde, car cela remettrait en cause une forme de tourisme et nous n’avons pas dans nos zones portuaires – tant s’en faut – et même ailleurs la capacité de recevoir l’ensemble de ces navires. Soit nous essayons d’instituer une redevance. Tel est l’objet du débat. Nous n’avons jamais eu l’intention, ni de près ni de loin, de créer un impôt nouveau applicable à l’ensemble de la France, comme cela a été prétendu. En tout cas, le risque est écarté par les modifications apportées à la rédaction de l’amendement et par celles proposées par les sous-amendements.
Si Mme la présidente fait preuve d’une certaine indulgence à mon égard, ce qui me paraît illégitime mais appellerait néanmoins ma gratitude, je profiterai de cette intervention pour préciser qu’au-delà de la limitation du dispositif à la seule Corse et aux collectivités qui gèrent directement une aire marine protégée, nous avons également la possibilité de renvoyer à un décret, pris après concertation, la fixation du tarif de la redevance – de manière à ce que personne n’ait rien à craindre.
Il ne s’agit donc pas de taxer la plaisance dans toutes les aires marines protégées, mais de permettre (Exclamations sur certains bancs)…
Nous avons déposé des sous-amendements pour restreindre le champ du dispositif ! Si vous ne les lisez pas, permettez que je les présente ! Il est difficile d’accepter un procès d’intention de la part de ceux qui n’ont pas lus nos propositions.
Mes chers collègues, ce débat me ravit mais, en même temps, m’inquiète. Je ferai donc quelques rappels précis. Chacun d’entre nous peut se sentir des ailes, se sentir pousser magnifiquement par le vent arrière… (Sourires.)
Je voudrais tout d’abord préciser à nos collègues du groupe UMP que cet amendement est une initiative d’élus de leur tendance à l’Assemblée de Corse ; Mme Santoni-Brunelli, parfaitement estimable, a toutes les qualités sauf celle de me soutenir. Elle sera par conséquent ravie de constater demain dans Corse-Matin la solidarité qui s’est manifestée.
Je signale d’ailleurs à nos collègues qu’un amendement identique à celui que j’ai déposé, qui n’était d’ailleurs jamais que la reprise d’un amendement du Gouvernement, a été déposé par Camille de Rocca Serra ; je laisse chacun régler ses problèmes en famille.
Concernant le périmètre, j’ai entendu M. Tian nous parler du parc national. Monsieur Tian, je vous rappelle que, comme disait M. de La Palisse, qui n’a pas été député mais qui avait du bon sens, un parc national est un parc national, ce qui signifie qu’il est géré par l’État. Pouvez-vous donc m’expliquer comment un parc national peut entrer dans le champ de ce texte, qui renvoie aux seules collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ?
On me parle également des parcs naturels marins, qui ne sont pas des parcs nationaux. Les parcs naturels marins, et ce sera le cas de celui du cap Corse, sont gérés par l’agence des aires marines protégées, que je connais un peu puisque j’en préside le conseil d’administration. Puisque c’est un établissement public de l’État, il est hors du champ de ce texte.
On peut m’opposer que, compte tenu de la rédaction de l’amendement, on va taxer la terre entière, et probablement la mer de Chine du Sud, qui est d’ailleurs très convoitée.
Sur le périmètre actuel, compte tenu des modifications qui ont été apportées, puisqu’il y a eu une campagne et que l’amendement a été sous-amendé – on peut d’ailleurs sous-amender encore autant que vous le souhaitez –, jamais nous n’avons voulu que cette redevance concerne un autre territoire que la Corse. Cependant, nous nous trouvons face à un dilemme : soit on précise dans un texte de loi ou une proposition d’amendement que la disposition ne concerne que la Corse, et alors on nous oppose qu’il s’agit de la spécialité fiscale et que nous n’en avons pas le droit, soit on essaie de trouver un biais. Nous l’avons trouvé : en France, la seule collectivité territoriale qui gère une aire marine protégée au sens propre du mot c’est la Corse. En cherchant bien, nous en avons trouvé une autre : le département des Pyrénées-Orientales. Par conséquent, la réserve de Cerbère-Banyuls est également concernée, mais ce n’était pas voulu, nous n’en savions d’ailleurs rien, puisque nous ne l’avons constaté qu’après vérification.
Concernant les objections sur l’absence de service rendu, mes chers collègues, je vous invite à observer la réalité avant de faire des affirmations. Quand des bateaux de 40 ou 50 mètres de long sont à Bonifacio, ne croyez-vous pas qu’il faut ramasser un certain nombre de déchets ? Voulez-vous que je vous détaille les budgets pour payer les équipes présentes en permanence au service des plaisanciers ?
Quant à l’idée qu’un bateau au mouillage à un ou à trois kilomètres des côtes dans une aire marine protégée, c’est-à-dire dans une zone inoccupée en général à terre par la population, est nécessairement celui qui va rapporter de l’argent… Il me semble que pour cela il faut généralement que le bateau se rende dans un port et dans les commerces. Dans les criques des îles Lavezzi, vous pouvez difficilement vous rendre dans un commerce quand vous mouillez à 50 mètres du rivage.
Je passe sur d’autres arguments. Un bateau de 8 mètres de long paiera 160 euros la nuit, c’est-à-dire le tarif d’un quatre-étoiles ; je ne savais pas que les quatre-étoiles pour quatre ou cinq personnes coûtaient si peu cher… (Sourires.) Voilà une nouvelle intéressante. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Dans le cas d’espèce, un décret fixera les choses, comme cela a été proposé dans un sous-amendement. Je veux bien recevoir toutes les critiques du monde, et je suis extrêmement à l’aise avec cela, puisque cette proposition vient de cet autre côté de l’hémicycle, qu’elle y est contestée et l’est peut-être de ce côté aussi. Le débat public sera tout de même extraordinairement amusant.
Nous sommes bien sûr ouverts à tous les sous-amendements. Je signale que la plupart des objections qui ont été soulevées quant au périmètre tombent dès lors qu’on accepterait, si l’on veut bien en discuter de bonne foi, un des sous-amendements qui est déposé par mon groupe et qui consiste précisément à limiter la liquidation de la redevance aux seules collectivités territoriales et à leurs établissements publics assurant la gestion, la préservation et la protection d’une aire marine protégée, le cas échéant sur délégation de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.) »
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants
77
Nombre de suffrages exprimés
75
Majorité absolue
38
Pour l’adoption
48
contre
27
(L’amendement no 1878 rectifié est adopté et l’article 18 A est ainsi rédigé.)