#Corse – Charly Lendo devant la justice, un dossier quasiment vide

Dans un climat de tension sociale, le 24 janvier dernier s’est tenu, devant le tribunal correctionnel de Point-à-Pitre, le procès de Charly Lendo, l’un des dirigeants de l’UGTG-branche hôtellerie. Il devait répondre d’homicide involontaire ayant entraîné la mort d’un jeune motard de 23 ans, Stevens Fiston. La Fondation Frantz Fanon était présente.

UGTGSa moto, dans la nuit du 21 février 2009, au plus fort de la mobilisation du mouvement du LKP contre la « pwofitasyon » avait heurté un barrage mis en place par des habitants de la commune de Saint François où habite Charly Lendo. L’amalgame entre responsabilité syndicale, représentant connu et proximité de l’habitation de la famille Lendo du lieu de la mise en place du barrage a permis de trouver le coupable idéal, au détriment de l’étude rigoureuse des faits et des preuves.

Charly Lendo est aussi poursuivi pour mise en danger d’autrui, d’entrave à la circulation auxquelles s’ajoute l’accusation de blessures involontaires ; la veille un automobiliste –dont la voiture n’était pas assurée- avait heurté le même barrage, blessé il a prétendu avoir dû cesser son activité professionnelle. Malgré les nombreuses demandes, ni la défense ni l’accusation n’ont pu obtenir le fameux certificat pour incapacité de travail inférieur à trois mois. De plus, pour l’heure, il a été impossible de retrouver ce fameux blessé !

Ces différents éléments, totalement subjectifs, ont réussi, en quelques coups de passe-passe et par une volonté politique, à en découdre avec un tel mouvement et à rendre responsable Charly Lendo de ne pas avoir assuré la sécurité dans un espace public mais aussi d’avoir pris, seul, la décision et l’installation de barrages.

Ce curieux procès marque la volonté du pouvoir politique de délégitimer, en le criminalisant, le mouvement contre la pwofitasyon soutenu par l’UGTG. La prochaine étape ne sera-t-elle pas de les considérer comme des terroristes ?

Depuis 2011, c’est une dizaine de syndicalistes [1] qui se sont retrouvés devant la justice, condamnés en raison de la grève générale qu’ils ont menée. Tous ces procès ont en commun d’une part, d’être émaillés de contre-vérités, les témoins sont, la plupart du temps, absents et d’autre part, d’illustrer la volonté politique d’en découdre avec ce que le mouvement de 2009 avait acquis.

Il s’agit de criminaliser le mouvement syndical pour cacher que l’ensemble des accords obtenus, après le mouvement de 2009, n’ont pratiquement jamais été appliqués et qu’au règne de la pwofitasyon, seuls les multinationales, les distributeurs et les patrons sont toujours gagnants.

En définitive, les lois et les décrets Penchard-Lurel n’ont été pensés qu’au profit de ceux qui dominent le secteur et ce, sur l’ensemble des territoires et départements d’Outre-mer.

Ce procès pose plusieurs questions.
Pourquoi Charly Lendo est-il le seul à comparaître alors qu’initialement 17 personnes étaient mises en examen ?

La présidente du tribunal n’est pas sans rappeler que si Charly Lendo est renvoyé devant les juges, c’est uniquement parce que des juges d’instruction ont émis une ordonnance de renvoi, alors que le parquet avait requis un non-lieu pour l’ensemble des personnes.

L’absence d’un des témoins a à peine été soulignée par le Ministère public ou par la juge du tribunal, pourtant leur présence n’est-elle pas requise afin d’assurer un procès juste et équitable ? Dès lors qu’il y a une absence inexpliquée et que le témoin reste introuvable, n’est-il pas légitime de s’interroger sur l’impartialité du processus juridique ?

Charly Lendo peut-il être tenu pour responsable de l’installation du barrage et avait-il la capacité d’en assurer la sécurisation ?

Ajoutons à ces éléments qu’il a été demandé, en 2010, à Charly Lendo de se soumettre à un test ADN, ce qu’il a fort justement refusé ; ce qui lui est reproché ne rentrant pas dans le cadre des crimes autorisant ce prélèvement [2].

Cet acharnement contre les responsables syndicaux, et particulièrement contre Charly Lendo, vise à obstruer, à limiter, voire à éliminer, l’exercice des droits fondamentaux, assimilé à une forme de criminalité à partir du moment où il a pour fondement la motivation politique.

Au-delà des aspects juridiques qui semblent reposés sur de bien faibles preuves, voire même un dossier d’accusation vide, ce procès marque la prégnance de la colonialité du pouvoir qui ne cesse de s’exprimer à travers la classification sociale basée sur la « race » et qui continue de s’exprimer particulièrement dans les territoires et départements d’Outre-mer, dès lors que les classes sociales discriminées, racialisées, marginalisées cherchent à faire entendre leurs voix pour que leurs droits soient pleinement reconnus.

Le délibéré est attendu dans quelques jours, le mardi 3 mars.
Notes
[1] Voir le site de l’UGTG, http://ugtg.org/article_2030.html?l…
[2] Article 706-54 du code de procédure pénale

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