Tout commença le dimanche 6 janvier 1980.
Le 6 Janvier 1980 : Des responsables de l’UPC, sur Ajaccio, Paul Cortinchi, Dominique Bianchi et Marcel Lorenzoni-, interpellent, de leur propre initiative, un commando de Francia qui allait assassiner à Bastelica, Marcel Lorenzoni. Le scandale est immense, les barbouzes sont démasqués ; le combat est validé et l’Etat discrédité ; les cartes du SAC sont récupérées sur les malfaiteurs.
Ce jour il y a peu monde dans les rues de Bastelica. Une voiture qui monte d’Aiacciu avec trois hommes à bord traverse au ralenti une première fois le village. Elle s’arrête en contre-bas puis effectue un retour toujours aussi lent donnant l’impression que les hommes à bord du véhicule cherchent quelque chose ou …quelqu’un.
Tout à coup, alors que la voiture s’apprête à quitter l’endroit une trentaine d’hommes, dont certains pour la plus part sont armés de fusils de chasse, surgissent et encerclent le véhicule puis en éjectent les occupants avant de les conduire dans une bergerie.
Des deux côtés il y a des faccie connus.
D’un côté, des autonomistes, membres de l’U.P.C. (Union du Peuple Corse) et quelques habitants du village, dont les frères Lorenzoni, ces derniers connus pour leur travail d’animation à Bastelica.
De l’autre, trois personnes : Alain Olliel, armurier ajaccien, 35 ans. Celui-ci ne cache pas ses sympathies pour le S.A.C. (Service d’Action Civique) et le R.P.R. et tient en sa possession deux cartes de ces deux mouvements.
Militant du FLNC infiltré à FRIANCIA
Yannick Leonelli, la trentaine. Il porte une veste kaki et une petite moustache. Le situer est difficile. Revenue en Corse depuis un an il fréquente quelques ajacciens pour leurs opinions de Droite. Dés son interception par les autonomistes il revendique son appartenance au F.L.N.C. (Front de Libération National de la Corse) et se dit infiltré à FRANCIA (A lire ici, le témoignage de Petru Poggioli)
Le troisième homme, c’est le commandant Pierre Bertolini, 55 ans, ex-inspecteur de la sécurité civile à la préfecture d’Aiacciu et ancien engagé volontaire – 26 ans sous l’uniforme. Bertolini est soupçonné par les autonomistes d’être l’un des dirigeants du groupe FRANCIA. Le 2 décembre 1978 ce dernier était victime d’une attentat, non revendiqué, dans lequel il perdit une jambe.
Bastelica encerclée : Un processus semblable à ce qui s’était passé 5 ans auparavant à ALERIA, dans la cave Depeille où Edmondu Simeoni avait convoqué la presse pour lui révéler le scandale des vins semblait se mettre en place. En Corse l’Histoire semble un éternel recommencement et le pouvoir central allait comme à ALERIA brusquer les choses.
En effet, puisque dans la soirée de lundi les premières forces de l’ordre arrivées sur place occupent les alentours du village alors que les membre du collectif et leurs prisonniers entament leur deuxième nuit ensemble dans un climat tendue.. le soir même Edmondu Simeoni leader de l’U.P.C. fait son apparition. Il ne dirige pas les opérations mais comme le collectif de Bastelica regroupe toutes les tendances du mouvement il n’en prodigue pas moins quelques conseils à ses amis : « …Surtout gardez votre sang froid. Il y a ici une chance politique à saisir. »
Pas question d’un Fort Chabrol… » lance-t-il. A la nuit tombée les forces de l’ordre desserrent leur étau permettant ainsi à quelques journalistes de s’introduire dans le village puis à 23 heure dans l’annexe de la mairie. Mais les prisonniers ont déjà été évacués ailleurs par mesure de prudence par le commando d’autonomistes.
La presse aura droit à un enregistrement effectué peu avant où en y entend Leonelli jurer qu’il est de FRANCIA et mettre en cause le directeur de cabinet du préfet, bon nombre de personnes dont un enseignant de Bastia un garagiste, un lieutenant de pompier ainsi que plusieurs inspecteurs de police.
La journée du mardi voie arriver dans l’île de nouveaux renforts de police et un durcissement du dialogue entre le collectif et le préfet Vicillecazes. Ce dernier annonce qu’il refuse de négocier : « …Avec des racketteurs et des preneurs d’otages…force doit rester à la loi…la justice devra passer... ».
Bastelica est en émoi. En effet ! A 16 heure 30 les gendarmes mobiles vêtus de gilets pare-balles entament leur progression dans le village protégés par quatre camions militaires porteurs de fusils mitrailleurs. Pierre Porri, le maire, tente sans succès de s’interposer et donnera le jour même sa démission. le dispositif policier est des plus impressionnant et des autonomistes retranchés dans des maisons sont encerclés. Neuf personnes sont arrêtées et d’autres les rejoindront plus tard dans les fourgons de police.
Les barbouzes démasqués : Dans le coffre de la voiture les autonomistes découvrent tout un arsenal : 1 Smith et Wesson magnum, 1 P38, 1 carabine Remington à lunette infra-rouge, 1 Herstal calibre 12, des jumelles, 2 postes émetteurs et pour terminer 1 paire de gants en soie noire. La veille Marcel Lorenzoni avait été prévenu par un appel téléphonique anonyme que des barbouzes préparaient un mauvais contre lui. Les autonomistes préviennent les autorités locales puis avec leurs « prise » se rendent dans une annexe de la mairie du village. C’est là que commencent, dans l’après-midi et en présence du commandant du groupe de gendarmerie d’Aiacciu, Trévisiol, les interrogatoires qui se poursuivront le lundi. Prisonniers et autonomistes auront vu défiler de nombreux officiels dont le substitut de la République et le directeur de cabinet du préfet de la Corse du Sud. les autorités prennent l’affaire très au sérieux car les évènements d’Aleria sont encore présent dans toutes les mémoires. Puis les journalistes locaux pourront un court instant s’entretenir avec les prisonniers. C’est Olliel qui est le plus bavard. Il admet être membre FRANCIA – il se rétractera plus tard accusant ses « gardiens » de lui avoir extorquer des aveux – et précise devant la presse qu’il est venu à Bastelica avec deux autres compagnons pour y prendre contact avec un autre homme en compagnie duquel ils devaient commettre une agression contre Marcellu Lorenzoni. Olliel « charge » ses deux amis. Il donne même deux exemples d’attentats perpétrés par ses coreligionnaires : l’un contre un car du foyer de montagne de Bastelica, dont s’occupe Marcellu Lorenzoni, et l’autre contre la voiture du frère de ce dernier : Christian. Leonelli, lui, reste muet quand il ne lance pas quelques phrases contradictoires. Le commandant Bertolini se montre posé et justifie sa présence à Bastelica par une soit disant partie de chasse. Mais son mutisme ne décourage pas le collectif Bastelica qui fort de des révélations d’Olliel et de la découverte des armes lance dans la journée un appel à toutes les forces démocratiques pour qu’elles viennent sur place se rendre compte de leur « prise ».
Les autonomistes annoncent également pour le lendemain la tenue d’une conférence de presse en présence des barbouzes devant les journalistes français arrivés en toute hâte du continent.
Le lundi 7 janvier 1980: La veille, une équipe corse de FR3 les rencontre sans mal. Ils tournent sur place un reportage où sont exhibées des cartes du RPR, du SAC et des armes des gros calibres. Les images envoyées à la rédaction marseillaise par l’équipe corse de FR3 ayant rencontré les preneurs d’otages corses sont coupées à la diffusion. Le reportage n’a pas plu à la direction et le rédacteur en chef a dû couper certains plans. Les journalistes corses sont écœurés.
Le mardi 8 janvier 1980 : Les forces de l’ordre ont investi le village corse de Bastelica, où Oliel et Leonelli sont retenus en otage depuis deux jours. Neuf militants de l’Union du peuple corse ont été arrêtés mais le commandant Bertolini est toujours porté disparu. Le maire de la commune a démissionné.
Ce 8 janvier 1980 : communiqué de l’U.P.C : « Depuis des années, nous annonçons que des polices parallèles cherchent à conduire ce pays à l’affrontement interne. Grâce au collectif nationaliste de Bastelica, nous en avons fait la preuve. Un commando s’apprêtait à enlever et abattre un des nôtres. Nous avons trouvé dans la voiture de Pierre Bertolini un fusil de chasse, une carabine Remington à lunettes infra-rouge, un pistolet 44 Magnum, un pistolet 38 Special, un Moser 7.65, sans parlers des émetteurs-récepteurs, des gants de soie… Les militants ont évité un drame à la Corse ».
De Bastelica à Aiacciu
Dans la confusion qui règne dans le village les autonomiste et leurs « prise » réussissent à franchir les barrages. AIACCIU, mercredi 9 Janvier 1980, 3 heure du matin, les autonomistes et leur « prises » pénètrent en douceur dans l’hôtel FESCH, situé au coeur de la ville.
Dans le corse matin du 10 janvier 1980 : Marcel Lorenzoni et Pierre Susini s’expliquent : « Nous sommes sortis d’un piège le plus naturellement du monde : pour sortir de Bastelica, nous n’avons ni rasé les murs ni rampé. Les forces de l’ordre ne sont pas à l’aise en Corse dès que l’on sort du macadam. On nous a laissé passer. »« Nous avons demandé à être hébergés à M. Wuest, propriétaire de l’hôtel Fesch, car il a une position centrale et que nous pouvions disposer d’un téléphone. Nous voulons rétablir la vérité des faits. Légalement, on ne peut pas nous expulser d’un hôtel. »
A 10h30, un drapeau corse apparaît à la fenêtre d’un militant habitant au bas de la rue Fesch. Un peu plus tard, un haut parleur (photo ci-dessous) diffuse des messages :
« Que veut le gouvernement ? L’épreuve de force ? Il n’y aura pas de deuxième Aleria. »
S’ensuit des messages destinés à l’opinion publique et le ‘Dio Vi Salvi Regina’.
A 11h40, un immense drapeau corse apparaît à une fenêtre de l’hôtel. La foule commence à s’agglutiner. Le maire se rend à l’hôtel puis va faire part des revendications du collectif à la Préfecture : des médicaments, des vivres, le rétablissement du téléphone et …Edmond Simeoni (qui arrivera en fin d’après-midi).
A 20h15, une délégation sera reçue à la Préfecture.
Le lieu est aussitôt encerclé par les gendarmes, furieux de s’être laissés bernés. Une foule grandissante vient se masser derrière les barrages invectivant les forces de l’ordre.
Trois escadrons de 85 hommes, dont un héliporté, appuyés par le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale dirigé par Christian Prouteau et plusieurs hommes de l’Office central pour la répression du banditisme.
La tension monte d’un cran, les canettes de bière volent et les incidents se multiplient. Il faut aux gendarmes mobiles s’y prendre à plusieurs reprises pour se dégager à coups de grenades lacrymogène. La journée de mercredi voie l’arrivée de renforts de police : la commissaire Honoré Givaudan et quinze de ses hommes, le commissaire Broussard et le G.I.G.N. (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale ). Des tentatives de conciliation sont tentées par Lucien Tiroloni et Roger Simoni (responsables agricole du Nord et du Sud de la Corse ) qui font le va et vient entre l’hôtel Fesch et la préfecture.
Puis c’est au tour du maire d’Aiacciu et de trois de ses adjoints de se rendre sur place, ainsi que l’évêque de la Corse Monsieur Charles Thomas qui depuis son arrivée en Corse a su se faire respecter de tous. Ce dernier estime que tout peut être réglé sans violence et que les clients de l’hôtel sont bien traités. A 20 heure une délégation de cinq personnes se rend à la préfecture : Albert Ferraci (secrétaire fédéral du Parti Communiste), Ange Pantaloni (secrétaire fédéral du Parti Socialiste), Dominique Alfonsi (responsable du mouvement autonomiste de gauche F.P.C. – Front du Peuple Corse), le docteur Antoine Buresi (de l’Association des Médecins Généralistes) et Edmondu Simeoni. Tous sont mandatés par le Collectif de quarante-quatre organisations.
Le mutisme du préfet : Le préfet sort enfin de son mutisme et accepte que la délégation se rendre auprès des hommes retranchés dans l’hôtel. Il exclut toutefois la présence d’Edmondu Simeoni que réclament les occupants et il donne des ordres aux forces de l’ordre pour qu’aux barrages ceux-ci ne laissent passer que les quatre hommes.Le Collectif des 44 décline alors et l’échec de cette démarche engendre un durcissement de la situation déjà particulièrement tendue. La nuit vient à tomber et la foule continue de se masser autour de la rue Fesch. Des cocktails Molotov et des pierres volent depuis la foule auxquels répondent les grenades lacrymogènes de la police. Autour de l’hôtel règne la confusion et les déplacements incessants des gendarmes mobiles font monter l’inquiétude à l’intérieur même de l’établissement, celui-ci étant organisé en camp retranché : des matelas sont descendus des étages, les clients sont regroupés et quelques fusils de chasse chargés. Le commando autonomiste espère toujours la venue de la délégation du Collectif des 44. Les clients seront relâchés dans la nuit et affirmeront qu’à aucun moment ils n’eurent le sentiment d’avoir été des prisonniers.
3 morts, 6 blessés
Panique dans la rue : A l’extérieur c’est la confusion. La foule harcèle les policiers et gendarmes mobiles et les tirs de grenades lacrymogènes redoublent. Vers 22 heure 30 une trentaine d’élus de Gauche ceints de leur écharpe tricolore, obtiennent d’être reçus par e préfet mais il est déjà trop tard. Quelques minutes auparavant un premier incident grave frôle la catastrophe : un garde mobile braque le canon de son arme sur la tempe d’un médecin venu en SAMU pour soigner l’un des 13 clients de l’hôtel pris d’un léger malaise. Puis quelques minutes plus tard dans l’une des ruelles menant au cours Napoléon suite à un heurt sérieux entre manifestants et forces de l’ordre un homme sort un pistolet automatique et tire sept coups. Quatres C.R.S. de la 28 tombent dont l’un mortellement blessé. (La CRS 28 se trouve à l’intersection des rues Cardinal Fesch et Dr Stéphanopoli)
Les gardiens de la paix Claude Gaston, Jean-Claude Rabat et Philippe Delsol sont très sérieusement touchés à la poitrine et aux jambes. Quant au gardien de la paix Hubert Massol, il est atteint mortellement à la poitrine.
Dans les rangs de la police l’excitation est à son comble. Des coups de feu éclatent. Un photographe du journal le Provençal est braqué.
Des groupes en uniformes courent affolés dans tous les sens tandis que le préfet semble « ignorer » ce qui se passe au dehors.
A minuit et demi, place du Diamant des policiers en civils débouchent de la préfecture l’arme au poing. Après une échauffourée avec des manifestants une voiture démarre et un policier tire à plusieurs reprises dans sa direction.
M. Jean Louis Fieschi, propriétaire de l’hôtel Impérial, se trouvait là et raconte : « Vers 1 heure du matin, nous avons vu arriver une quinzaine avec des brassards rouges portant la mention ‘police’ en lettres jaunes. Des policiers se sont mis à crier. Ils ont attrapé une jeune fille, l’ont plaqué à terre et appuyé le canon d’une arme sur sa nuque. Ils ont réapparu rue Maréchal-Ornano » (Source)
La voiture de Michelle Lenck passe par le boulevard Ramaroni et le le boulevard Lantivy pour rejoindre les Sanguinaires vers le domicile familial. Jean-Louis Fieschi poursuit : « Sans sommation la voiture a été mitraillée par derrière. Elle a butée contre un trottoir du boulevard Lantivy. Les hommes à brassard, leur instant de folie passé, avaient l’air hébétés, perdus. » En fait, une chasse à une mystérieuse femme blonde qui aurait accompagné le tueur de CRS de 23 h avait été déclenchée dans toutes les rues du centre.
La conductrice du véhicule, Michèle Lenck, 32 ans, psychologue à Aiacciu, est tuée d’une balle en plein coeur. Quand à la passagère qui se trouve à l’arrière du véhicule celle-ci est légèrement touchée. Ce mercredi, les jeunes femmes revenaient de Porticcio où elles avaient tenu compagnie à une de leurs camarades, gravement handicapée.
A 2 heure du matin aux Salines dans un barrage de police Pierre Marangani, 23 ans, complètement étranger aux évènements trouvera la mort. Ce dernier s’était sans agressivité plié aux injonctions des policiers qui lui tirent dessus lorsqu’il redémarre. Marangoni et Franck-Noel Gautho fut mitraillée par une rafale de pistolets. Mais, dans les rangs de la police personne ne veut endosser la responsabilité de cette mort. Pierre . M. Gautho fut blessé mais Marangoni est mort sur le coup.
ISULA MORTA : Au matin de ce jeudi la population se précipite dansa les kiosques à journaux pour y lire les titres relatifs aux évènements de la veuille. Le cours Napoléon ne désemplit pas et au numéro 34 de cette artère centrale siège le Collectif des 44.
Un accord sur un mot d’ordre de grève générale pour le lendemain vendredi : Isula morta/Île morte passé. Un tract est diffusé dans toutes les villes : « …En refusant la conciliation proposée par le Collectif, le préfet et le pouvoir portent l’entière responsabilité du sang versé. Nous pouvons encore réunir les conditions d’une négociation que le pouvoir doit immédiatement accepter… » Suit en cinq point la base de cette négociation : retrait du gargantuesque dispositif répressif, départ des clients de l’hôtel, remise entre les mains de la justice de tous les barbouzes, arrêt de toutes les poursuites et libération des personnes arrêtées lors des évènements démission du préfet de région.
A 11 heure ce dernier donne justement une conférence de presse. Sur un ton dur et parfois désinvolte le préfet de région annonce : « …Je ne sais pas exactement ce qui se passe… ». Il parle : « …d’actes criminels dans un pays démocratique… ». Il a une seule solution à cette situation : « …la libération des clients de l’hôtel et la reddition des preneurs d’otages… ».
Il est 13 heure. Sur une chaîne de télévision Française un étrange et poignant dialogue s’engage entre Monseigneur Thomas et le ministre de l’intérieur, Christian Bonnet. Les suppliques de Monseigneur Thomas : « …Pour éviter le risque que le sang soit encore versé rendez le dispositif du maintien de l’ordre plus distant ce soir… » Réponse du ministre : « …Les forces de l’ordre seront encore plus importantes ce soir que celles qui s’y trouvaient hier soir… »
Dans la rue Fesch les commerces ont tiré leurs volets et la foule continue de s’attrouper. Sur les vitrines on peut voir une seule affiche sur laquelle est inscrit : » Fermé pou cause de deuil et de recueillement » A 18 heure 30 alors que la nuit commence à tomber et que le Collectif des 44 exhorte la foule à la dignité et à la responsabilité, des rumeurs circulent selon lesquelles le FLNC va intervenir dans la nuit et demande donc aux Ajacciens de se retirer.
La reddition dans l’honneur : La réponse aux rumeurs quand à une éventuelle intervention du FLNC ne se fait pas attendre. A 19 heure une véritable armada de camions militaires apparaît en haut du cours Napoléon. Il faut une demi-heure aux gendarmes mobile en treillis et pistolets mitrailleurs à l’épaule pour repousser les manifestants hostiles qui les injurient sous les cris de « …assassins, assassins, assassins… ». et envahir le centre ville.
Des groupes du G.I.G.N (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale) prennent position sur les toits. A 20 heure Aiacciu subit un véritable couvre-feu et dans les rues désertes le déplacement des forces de l’ordre est impressionnant. Seuls quelques jeunes continent de « dériver » sur la place du Diamant. Quelques journalistes n’osent plus quitter les abords des trottoirs de l’hôtel pour ne pas louper le scoop de l’assaut.
Il est 1 heure 30 minutes et autour de l’hôte Fesch les C.R.S. sont en position de tir, chacun visant une fenêtre.
Les choses vont en fait se dérouler autrement et un dialogue s’ouvre entre Christian Lorenzoni et le numéro 2 du G.I.G.N. Paul Baril, entre lesquels une négociation se discute, tandis que Marcellu Lorenzoni discute lui sur le toit avec le capitaine Prouteau. « …Une négociation entre hommes d’honneurs… » dira plus tard le capitaine Prouteau qui accepte que le commando se rende la tête haute.
Nous ne sommes pas des preneurs d’otages, nous sommes des patriotes corses
Un vrai cortège s’ébranle alors de l’hôtel Fesch vers l’Hôtel de police, drapeaux Corses en tête, fusils déchargés tenus en mains, et aux trente-huit militants autonomistes vinrent se joindre les neuf derniers « otages ».
Le commando du collectif de Bastelica a remonté le cours Napoléon en chantant ‘U Colombu’ et ‘Aiuti Fratelli’.
Un des client résume la situation : « …Avant de sortir une des personnes qui nous retenait nous a dit : on a pas assez d’armes pour se battre. De plus nous ne sommes pas des preneurs d’otages. Nous sommes des patriotes Corses… »
Des manifestations de soutien s’organisent : Ce vendredi matin la nouvelle de la reddition se propage dans tout Aiacciu qui au fil des heures voit grossir le nombre des badauds autour de l’hôtel de police où les membres du commando sont interrogés. L’atmosphère est tendue et les gendarmes mobiles se font discrets tandis que la police urbaine replacée en première ligne subit insultes et injures. En guise de solidarité au commando une grève est suivie de l’avis général : cafés, commerces, entreprises, tout est fermé ce vendredi un peu partout en Corse, où seuls les kiosques à journaux ont décidé d’ouvrir quelques heures.
Un ordre de grève a été lancé, ce matin dans les lycées d’Ajaccio. Des centaines de jeunes gens et jeunes filles devaient se rassembler et défiler ensuite sur le cours Napoleon jusqu’à hauteur de la Préfecture, gardée par d’importantes forces de police. Aucun incident sérieux n’est à déplorer (photo Jospeh Peraldi)
Dans la nuit du vendredi 11 janvier 1980 au 12 janvier 1980. De son côté le FLNC libère l’agriculteur de Bravone qu’il avait enlevé la veille. Dans la matinée trente-sept hommes du commando sont transférés à Paris devant la Cour de sûreté de l’État où ils retrouveront une douzaine de militant arrêtés à Bastelica. Et pendant ce temps « Le calme reste incertain » titrait l’A.F.P. (Source Agence France Presse). Un viticulteur pied-noir de soixante-dix ans installé en Corse depuis près de vingt ans a été enlevé dans la soirée du 10 janvier 1980.
La tension monte et un bateau de guerre vient accoster dans la port d’Aiacciu.
Le Samedi 12 janvier 1980. Transférés à Paris, les trente-six autonomistes arrêtés à Ajaccio, après l’occupation de l’hôtel Fesch, sont inculpés de « participation à une bande armée » par M. Jean-Claude Thin, juge d’instruction à la Cour de sûreté de l’État, qui les a placés sous mandat de dépôt.
Dans la nuit du samedi 12 au dimanche 13 janvier 1980 le commandant Bertolini est libéré par les nationalistes à Olmetu, un petit village situé à quelques cinquante kilomètres d’Aiacciu, et livré au procureur de la République . Il sera conduit à l’hôtel de police et inculpé, ainsi que Alain Olliel, pour détention et transport d’armes.
Le dimanche 13 janvier 1980 : Après les dissensions au sein du Collectif des 44, concernant l’organisation de la manifestation, celle-ci aura bien lieu le lendemain à Aiacciu, forte de 6 000 personnes. Fabuleux succès dans une ville qui ne compte en hiver que 30 000 âmes. A Bastia aussi 3 000 personnes avaient scandé les mêmes slogans :
« …Liberté pour les patriotes, suppression des polices parallèles, retrait du dispositif répressif de l’île, démission du préfet… ».
Le Lundi 14 Janvier 1980. Les obsèques d’Hubert Massol ont lieu à la cathédral de Montauban en présence du Ministre de l’intérieur Christian Bonnet. On ne retrouvera jamais son meurtrier. Originaire de Lédergues (Aveyron), Hubert Massol était âgé de vingt-sept ans, marié et père de trois enfants.
Le mardi 15 janvier 1980 : Manifestation d’agriculteurs corses, qui ont dressé pendant deux heures une vingtaine de barrages sur les routes de l’île. Ils réclament la libération des
nationalistes interpellés à la suite des affaires de Bastelica et d’Ajaccio. Par ailleurs trois jeunes gens accusés d’avoir participé à l’enlèvement du viticulteur pied-noir ont été arrêtés.
La solidarité : Dans l’île les semaines qui vont suivre vont être animées et le peuple Corse fait montre de détermination dans sa quête de justice. La mobilisation est générale : Lycéens en grèves, barrages routiers à l’initiative du CDJA et de la FDSEA à travers toute la Corse pour demander la libération de nombreux agriculteurs emprisonné, réunions publiques du Collectif des 44 à Aiacciu, Bastia, meeting à Paris et en Corse, mais aussi à Marseille et Nice.
Le 25 janvier 1980 voit la parution d’un journal : Unione (Union ) à l’initiative du Collectif des 44. Le même jour le commando incarcéré à Paris entame une grève de la faim qui va se prolonger plusieurs semaines.
Le samedi 26 janvier 1980 : Journée « île morte » en Corse pour obtenir la libération des prisonniers corses, l’arrêt des poursuites, le démantèlement des polices parallèles ainsi que la démission du ministre de l’Intérieur et du préfet de la région Corse. Un grand rassemblement organisé par l’ensemble des mouvements nationalistes s’est tenu dans le calme à Ajaccio avec la participation de 5 000 personnes selon la police et 30 000 selon les organisateurs.
Mais l’évènement majeur restera une manifestation mémorable : 20 000 à 30 000 personnes selon les chiffres rassemblées sur le cours Napoléon ( mieux que lors de la visite du général de Gaule en 1948) avec une seule banderole en tête du cortège : LIBERTA, et de nombreux slogans scandés par tous les manifestants : LIBERTA PER TUTTI I PATRIOTI, LIBERTA PER I CORSI, CORSICA NAZIONE, I BARBUZI FORA C’est vers 16 heure 30 que le gros des manifestants se dispersent mais la nuit voie des affrontements violents opposant des petits groupes aux forces de l’ordre.
102 prisonniers politiques corses
Tout le mois de février est ponctué par une multitude d’actions de démarches, de demandes d’enquêtes publiques, des mairies dans l’île sont occupées : plus de 40, mise en place de comités de soutien au emprisonnés ou des collectifs avec une seule revendication : la libération de tous les prisonniers Corses : 102 au total avec les 36 de l’affaire Bastelica/Fesch venus s’ajouter aux 66 militants du FLNC arrêtés ces dix-huit derniers mois(dont certains s’étaient vus condamner à des peines de réclusion criminelles allant jusqu’à 15 ans).
Le mercredi 27 février 1980 : Les épouses des détenus corses emprisonnés à Paris après les événements de janvier à Ajaccio et Bastelica ont brièvement occupé les studios de FR3 à Ajaccio. Des mairies de l’île de Beauté sont toujours depuis une dizaine de jours sous le contrôle des militants du Collectif nationaliste, qui réclament également la libération des personnes incarcérées.
Le lundi 10 mars 1980 : Trois autonomistes corses arrêtés en janvier à Ajaccio lors de l’occupation de l’hôtel Fesch ont été remis en liberté.
Le lundi 17 mars 1980. Libération dans la soirée de trois autonomistes corses, emprisonnés dans la Région parisienne en janvier après les incidents de Bastelica et d’Ajaccio.
Le vendredi 6 juin 1980. Le docteur Edmond Simeoni, l’un des leaders des autonomistes corses, a adressé une mise en garde aux autorités à la veille des prochains procès de
militants corses devant la Cour de sûreté de l’Etat.
Le Mercredi 25 Juin 1980. Une douzaine de membres présumés du groupe Francia sont interpellés dans un opération d’envergure à Ajaccio, Bastia, Corte et Nice sur commission rogatoire du juge d’instruction Yves Corneloup dans le cadre d’une information judiciaire reliée à l’affaire « Bastelica-Fesch ».
Le mardi 8 juillet 1980. Chef présumé de l’organisation clandestine Francia, le commandant Bertolini a été remis en liberté sur décision de la Cour d’appel de Paris pour raisons médicales. Ennemi juré des autonomistes corses, il était emprisonné au Val-de-Grâce depuis le 13 janvier 1980.
Le 5 aout 1980 : Arrestation sur dénonciation de Jeannick Leonelli
1981
Le 14 JANVIER 1981 : Manifestation à AIACCIU à l’occasion de l’ouverture du procès des militants arrêtés dans le cadre de l’AFFAIRE BASTELICA-FESCH. 12 à 15 000 personnes manifestent à AIACCIU.
Le 29 janvier 1981: le procès connaît une audience capitale : le témoignage du commandant de gendarmerie Trévisiol. Celui-ci démolit une partie du réquisitoire du procès en démontrant qu’il n’y avait pas dans cette affaire aucune atmosphère insurrectionnelle à Bastelica, comme tentait de le démontrer la partie civile. Et Marcellu Lorenzoni rendra lui-même hommage à cet homme de terrain. Le défilé des clients de l’hôtel servira la cause des autonomistes. Mais la Cour de Sûreté de L’Etat qui jugeait les délits politiques avait elle d’autres critères d’appréciation.
L’audition de Leonelli sera révélatrice. Qui est en réalité cet homme qui avouera avoir participé à la nuit bleue de juillet 1978, pour, et selon ses dire, rendre service à des militants du FLNC qu’ils connaissait. Il niera avoir tiré sur les gendarmes avenue d’Iéna, être anti-autonomiste. Il ajoutera être venu à Bastelica avec Bertolini et ses comparses pour attenter à la vie de Marcellu Lorenzoni. Cette opération, selon lui, avait été décidé un mois plutôt et l’élimination des 3 autres frères Lorenzoni était également prévue.
L’audition d’Olliel n’avait elle rien de neuf à apporter.
D’autres témoignages dont celui du maire de Corti, Pieruci, allait être assez édifiant. Il déclara notamment : PIERUCI : « …Le chef du SAC à Ajaccio c’était Bertonoli. C’est lui qui organisait les plasticages de FRANCIA. J’ai été même convoqué un jour au Conseil Régional pour le couvrir politiquement. Tous les préfets et les sous-préfets savaient que Bertolini était l’organisateur des attentats du SAC (qui selon lui est une organisation à tendance chiraquienne composée pour une moitié de voyous et de policier. Le SAC serait particulièrement actif à Corti )… » Pieruci demande alors à être confronté au préfet Riolacci pour étayer ses propos. Peine perdue !
le 11 février 1981 : Le procès des dix-sept autonomistes corses répondant des événements de Bastelica et de l’occupation de l’hôtel Fesch, à Ajaccio, en janvier 1980 s’était ouvert le 14 janvier devant la Cour de sûreté de l’État. Le lendemain, six des détenus qui poursuivaient une grève de la faim – pour trois d’entre eux depuis novembre 1980 – acceptent de se réalimenter. Le 11 février, la Cour de sûreté de l’État rend son verdict : les principaux accusés (Marcel Lorenzoni, Dominique Bianchi et Paul Cortinchi) sont condamnés à quatre ans d’emprisonnement. Deux inculpés, eux détenus, ne comparaissent pas car ils refusent de comparaître : ce sont Dominique Bianchi et Paul Cortinchi. Ils seront jugés contradictoirement. Car, jusqu’au bout, il avait été question de ne pas aller au procès.
Dans la nuit de l’ouverture du procès BASTELICA-FESCH, des incidents se produisent à AIACCIU.
Le verdict
Pour les autonomistes : Des peines de 3 à 5 ans sont réclamées contre Marcellu Lorenzoni et quatre des principaux inculpés. Peine inférieures pour les autres dont certaines assorties de sursis et même une relaxe pour l’un d’entre eux. 2 ans pour Christian Lorenzoni et Gilbert Casanova. 18 mois pour Marc Toriloni et 1 an pour Lisu Fazi et Michele Polini. Et les barbouzes : le procès de Bertolini se termina par un non-lieu.
Quand au procès des policiers et des gendarmes mobiles responsables de 2 morts civils à Aiacciu ?? Il n’aura jamais lieu !!…
Francia
LE PROCUREUR (à un autonomiste) : « Qu’est ce qu’une barbouze ?… »
L’AUTONOMISTE (dans le box des accusés ) : « Un individu chargé d’une tâche qu’on ne peut confier à la procédure officielle… ».
Dans sa plaidoirie Maître Mattei lancera que Covacho, inspecteur des renseignements généraux avait proposé à Ollien de rentrer à FRANCIA. De même un dénommé Franceschi, lieutenant des pompiers à Bastelica, qui est selon Lorenzoni le correspondant de cette obscure organisation. Le débat sur le sujet provoque de vifs échanges à l’audience entre la défense, le Ministère Public et la Cour.Pourquoi Lorenzoni a-t-il libéré Leonelli ? Ce dernier représente un des points les plus obscures de cette affaire et Lorenzoni regrettera cette libération. Le rôle de Leonelli dans cette affaire restera assez ambiguë. Disparu depuis lors on l’arrêtera 6 mois plus tard pour avoir mitraillé les gendarmes en faction devant l’ambassade d’Iran, avenue d’Iéna. Il reconnaîtra avoir participé à 52 attentats commis par le FLNC. Les barbouzes diront ne pas faire parti du SAC ni du FLNC. Ce qui fer dire à un des avocat de la Défense qu’il ne fallait donc pas exclure là l’hypothèse d’une provocation destinée à jeter les bases d’un affrontement en Corse. Puisque ceux qui auraient tenté d’organiser une telle manipulation ne sont pas dans le box. Et ceux qui sont inculpés comme membres de FRANCIA ne sont en réalité que des exécutants membres du Service d’Action Civique.
Dans la nuit du 11 au 12, une quarantaine d’attentats par explosifs sont commis en Corse
Le 12 FEVRIER 1981 : A l’issue du verdict très lourd de BASTELICA, le F.L.N.C qui compte près de 90 patriotes en prison, organise une nuit bleue record avec 45 attentats dont 27 en Corse du Sud et 18 en haute Corse. À peine la Cour de sûreté de l’État avait-elle rendu son arrêt condamnant quinze autonomistes qu’une quarantaine d’attentats par explosifs ont été commis en Corse dans la nuit du 11 février. Ces attentats sont généralement attribués au Front de libération nationale de la Corse (F.L.N.C.), qui cherche ainsi à maintenir un climat de tension sur l’île.
VIDEO FR3Corse,
Source K7 FLNC habituel mis en ligne par Unità Naziunale 1980
Source K7 FLNC habituel mis en ligne par Unità Naziunale 1981
Vidéo 2019 de france 3 Corse
http://storiacorsa.unita-naziunale.org/H1980.htm
http://storiacorsa.unita-naziunale.org/H1981.htm
Source site Resistenza 2004 de Carl’Andria (++MEMORIAL DES CORSES) – Hier en Corse
Corsica Infurmazione/Unità Naziunale : l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques
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