En Corse, dire que la loi Littoral n’est pas appliquée n’est pas l’expression d’une opinion mais le constat objectif d’une réalité incontestable. Si elle n’est pas appliquée par un grand nombre de maires, elle n’est pas non plus, et c’est plus grave, appliquée par les Préfets puisqu’ils ne défèrent pas certains documents d’urbanisme illégaux au tribunal administratif. Et de manière absolument délibérée car, forts de leur impunité, les Préfets le disent ouvertement. Des preuves ?
Le 2 octobre 2013, au cours d’une réunion en préfecture, le Préfet de Corse du Sud reconnaît délivrer des permis de construire (pour des résidences secondaires) sur des zonages déclarés illégaux par la justice et affirme « Je ne suis pas lié par les décisions du TA ». Cauchemardesque.
Le 9 décembre 2014, au cours d’une réunion en préfecture, le préfet de Haute Corse « justifie » la non application des lois d’urbanisme (et ce sur l’ensemble du département) par sa propre vision de l’« aménagement du territoire ». Le fait du prince donc. Ahurissant mais réel.
Ainsi, selon le Préfet, la doctrine de l’Etat en Haute Corse est de ne pas revenir sur des zonages illégaux de POS ou de PLU en révision (Venzolasca, U Viscuvatu, San Niculaiu …). Donnant ainsi une prime à l’illégalité. Atterrant.
Ainsi, par exemple, à Belgudè, il a approuvé et approuve l’urbanisation en arrière de la plage de L’Osari : « par un souci de préserver l’activité économique, il faut y développer l’urbanité ». Même si, au passage, la loi sur les terres agricoles protégées, plusieurs articles de la loi Littoral et le Schéma d’aménagement de la Corse sont bafoués…
Belgudè , Palasca, deux communes où le taux de résidences secondaires est déjà vertigineux, où la création de ces zones résidentielles entraine le sous développement des villages historiques. Décidément, en Corse, les plus hauts représentants de l’Etat se succèdent et se ressemblent. Les lois d’urbanisme ne sont pas appliquées et les résidences secondaires se multiplient parce que le Préfets le veulent.
Les PLU n’étant pas suspendus par les Préfets, qui en ont le pouvoir, le BTP, les spéculateurs de tout poil, les organisations criminelles qui règnent en maîtres peuvent se réjouir : les 18 mois écoulés entre l’approbation des PLU et leur annulation permet la délivrance de nombreux PC. Et d’autres PC pourront être accordés sur des zonages illégaux puisque les Préfets le permettent. Les résidences secondaires sortiront encore de terre en déni de l’équilibre des populations pourtant inscrit dans la loi, en déni de la nécessité de protéger les terres agricoles, en déni de l’obligation de construire en continuité de l’existant…
Comme l’a dit le Président du tribunal administratif le 5 décembre au cours du minicolloque sur le thème « Sécurité juridique et Droit de l’urbanisme » « Tous les PLU ou cartes communales déférés en Corse ont été annulés (un PLU partiellement). … Le premier responsable des annulations est l’auteur du document. … Appliquer la loi est une manière de sécuriser les documents d’urbanisme.” Oui! En précisant que 16 d’entre eux n’ont été déférés que par les associations (tableau ci-dessous).
Or le rôle fondamental de l’Etat est d’être garant de l’application des lois (article 72 de la constitution de la cinquième république française : “le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois”. En Corse les Préfets, délibérement, ne font pas appliquer les lois d’urbanisme. De leur propre initiative ou sur ordre du gouvernement? Les roitelets, les féodaux et les gouverneurs ont de beaux jours devant eux.
Ce déni des lois auquel la Corse est confrontée ne peut que creuser, chaque jour un peu plus, le fossé entre l’Etat et la Corse.
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