Le 30 et 31 octobre dernier à l’assemblée de Corse a été adopté le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC).
Ce vote, présenté comme une victoire par la majorité et les nationalistes (qui ont obtenu, entre autres, la mention de peuple Corse), a recueilli 38 voix sur 51.
Mais quels sont les enjeux de ce PADDUC ?
Cette directive territoriale détermine la planification spatiale des grandes infrastructures et des équipements pour la Corse. Elle se doit de tracer sur les vingt prochaines années les grands axes de développement socio-économiques qui vont impacter les zones rurales, urbaines et littorales de notre pays mais également les politiques de protection de l’environnement et de l’utilisation des ressources énergétiques.
Ce document imposé par le législateur lors de l’obtention de son deuxième statut particulier (2002) est composé de 3000 pages enrichies de 184 amendements portant sur les enjeux de la Corse pour les décennies à venir.
Le cœur du débat a principalement porté sur la délimitation des zones constructibles à venir.
Ce PADDUC rend possible la construction jusqu’alors interdite sur des espaces remarquables, protégés, et/ou à potentialités agricoles. S’agissant des ZNIEFF de type 1(Zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique), elles sont d’un grand intérêt biologique, écologique, patrimoniale et considérées inconstructibles depuis 1992. Elles représentent 16% de la superficie totale de notre espace insulaire et 23% du littoral de l’ile. Ce sont des réservoirs de biodiversité préservés. Elles favorisent un équilibre écologique remarquable, caractéristique essentielle de notre patrimoine environnemental. Par conséquent ces zones doivent demeurer protégées. Elles sont un obstacle majeur à la spéculation dans la mesure où elles garantissent la protection de nos terres au même titre que les lois «littoral/montagne » et l’inconstructibilité sur la bande des cent mètres.
A ce jour, ces verrous institutionnels semblent être régulièrement contournés par les maires, avec l’assentiment bienveillant des autorités préfectorales.
Délivrant des permis de construire fantasques par l’intermédiaire de plans locaux d’urbanismes, les services de l’État n’assument pas leurs fonctions pour des raisons obscures et livrent ainsi la Corse aux promoteurs immobiliers et aux spéculateurs sans âme.
Régulièrement traduits en justice par des associations exemplaires (qui ont de surcroit systématiquement gain de cause), nous sommes en droit de nous demander qui fait appliquer la loi.
S’agissant de la soi-disant sanctuarisation des terres agricoles, il nous parait légitime de rappeler que la réserve de 105 000 ha correspond exactement au potentiel foncier recensé aujourd’hui par la DRAAF de Corse. Rappelons-nous que l’agriculture Corse a perdu au cours des 10 dernières années presque 50000 ha de terres et que ce nouveau chiffre annoncé à grands renforts de communiqués est très largement sous dimensionné pour envisager durablement le développement d’une agriculture moderne et orientée sur l’accroissement de ses moyens de production.
Si ce document est un premier pas positif vers la planification organisée de notre développement il convient de rappeler que les grands principes qui le guident ne permettront pas en l’état actuel des choses d’endiguer les phénomènes de spéculation et de destruction de notre patrimoine.
Rappelons aussi que ce PADDUC est structuré autour de 5 thèmes principaux, chacun reflétant l’avenir de notre société insulaire. Cependant, qu’en est-il des problématiques telles que l’emploi, la précarité ou encore le logement ? Celles-ci semblent avoir disparu du débat médiatique au profit des querelles concernant le nouveau plan des zones constructibles.
Au-delà des éléments de langage utilisés par l’ensemble de notre classe politique, il faut œuvrer collectivement à l’instauration d’une responsabilité collective face aux enjeux qui se dessinent à court et moyen terme. Les déclarations d’intention comme les promesses de circonstance ne font pas des majorités durables. Au contraire elles renforcent le sentiment de défiance qu’ont les jeunes générations face à une classe politique versatile, toujours plus prompt à défendre les intérêts individuels de quelques-uns plutôt que les intérêts du plus grand nombre.