Nous souhaitons traiter trois sujets à l’occasion de cette conférence de presse. La SNCM, le vote du PADDUC, la demande de création d’une collectivité unique.
Le service public maritime de continuité territoriale passe par la pérennité de la SNCM.
Nous avons tenu à être présents le 12 novembre avec le président de l’Assemblée de Corse à l’audience du Tribunal de commerce de Marseille pour exprimer notre soutien aux milliers de salariés menacés de perdre leur emploi en Corse comme sur le continent. Avec les élus de la région PACA nous avons demandé que le gouvernement se positionne pour :
• stopper la procédure collective
• régulariser la participation au capital de la CDC
• reprendre la réflexion en faveur d’un projet industriel de relance
• pérenniser l’emploi et le service public
• garantir l’exécution de la DSP et son attribution au groupement CMN SNCM
L’Etat, en tant qu’actionnaire de la SNCM, en tant que tutelle de la CDC elle-même actionnaire de la SNCM via Transdev, en tant qu’acteur habilité à négocier avec la Commission Européenne, est désormais le seul à pouvoir stopper la marche infernale à la liquidation alors que la réunion de la mission Bélier le 18 novembre a confirmé l’intransigeance des dirigeants de Transdev et Veolia.
Avant le 25 novembre il est encore temps d’agir pour mettre véritablement la SNCM sous protection du Tribunal de commerce comme les organisations syndicales le réclament et pour cela rendre effective l’observation sur une période de 6 mois. En affirmant cette volonté nous nous opposons aussi à toute mesure coercitive pour museler les travailleurs lesquels devraient en quelque sorte attendre docilement leur lettre de licenciement.
La Corse dispose enfin de son Plan d’aménagement et de développement durable.
Dans le prolongement de l’organisation des Assises du foncier et du logement, puis celles du littoral, au terme de trois années de travaux, les élus ont examiné 183 amendements avant de se prononcer très majoritairement sur ce dossier. La Conseillère exécutive Maria Guidicelli a piloté ce processus avec d’autant plus de mérite, que durant 30 ans, la rédaction d’un tel document s’était heurtée à de nombreux blocages accentuant la complexité du dossier. La plupart des objections ont été levés par la méthode démocratique de la concertation élargie et la bonne compréhension politique des choses.
La patience pédagogique de Maria Giudicelli aura porté ses fruits. Ce succès, qui sera au cœur de la prochaine campagne des territoriales, a déplu à la droite qui a montré toute son irritation dans une opposition improprement qualifiée de « constructive ». Pour les artisans du concept de « désanctuarisation » c’est un euphémisme. On se souvient que sous l’ancienne mandature, elle avait retiré son projet le jour même où il devait être voté. De cette façon, elle traduisait son incapacité politique, synonyme d’échec, après avoir dirigé la Corse durant 25 ans. Elle s’est donc efforcée péniblement de justifier ses vieilles options libérales, pourtant sanctionnées en 2010 par une cuisante défaite aux élections territoriales. D’emblée, ses portes parole ont demandé le retrait du dossier « très volumineux », dans une motion de renvoi, pour avoir le temps d’une analyse plus poussée et rendue nécessaire selon leurs conseils juridiques qui l’ont trouvé attaquables sur de nombreux points. Dans le débat général, la droite dénoncera sans être crédible un projet fragilisé par « l’insécurité juridique » et porteur « par son protectionnisme d’une politique de non développement ».
En réalité elle sort affaiblie de ce vote de par son enjeu. Les élus nationalistes l’ont bien compris. Il y avait de leur côte la posture médiatique et un message tenant compte de la proximité des prochaines élections territoriales : « ce document est bon parce que nous avons imposé des améliorations ». Leurs amendements étaient donc essentiellement articulés autour de la mention du peuple corse laquelle figurait au préambule du document, de l’inconstructibilité totale des ZNIEFF, de l’épaisseur du trait (2 mm) entourant la Corse pour localiser les espaces remarquables et caractéristiques (ERC) et enfin des espaces agricoles à forte potentialité au sein des espaces mutables urbains et économiques (EMUE) situés à proximité des zones urbaines.
Sur les trois premiers points rien n’a changé et les modifications de forme ont été introduites sans que cela ne nuise aux principes fondamentaux arrêtés en juillet 2012 sur les orientations politiques et en janvier 2014 sur le PADD. Sur le dernier point, un quota de 10 % de consommation des espaces agricoles à forte potentialité a été introduit. En effet, les espaces d’enjeux urbains et économiques, d’intérêt régional, couvraient une surface de plus de 10 500 ha au sein desquels la destination de moins de 4 000 ha de terres agricoles pouvait muter pour accueillir des projets d’intérêt public. Elles sont par cet amendement réduites à environ 400 ha et soumise à une évaluation annuelle.
A quoi servirait de parler de développement et d’aménagement équilibrés du territoire en perdant de vue l’urgence sociale. L’analyse du questionnaire réalisée en juillet 2012, à partir des 3 700 réponses recueillies, permet ainsi de tirer plusieurs enseignements relatifs aux attentes exprimées. L’emploi est la préoccupation qui, avec le logement, revient le plus fréquemment. Avec 20 000 demandeurs d’emplois et 8 000 demandes insatisfaites de logements sociaux cela implique non seulement de réorienter la politique économique et sociale de la CTC en faveur d’un développement productif agricole et industriel, social et solidaire, de rompre avec l’économie de la rente pour répondre aux besoins des Corses en générant des emplois stables et rémunérateurs, mais aussi de s’attaquer à la pression spéculative et aux dérives affairiste et mafieuse qui en découlent.
Telle est l’ambition de ce PADDUC. Elle doit être, dès à présent, partagée et promue par les citoyens eux-mêmes pour devenir effective dans le temps. De cette façon seulement, le lien social qui se délite dans le libéralisme et la crise qu’il génère et entretient, se renforcera dans l’épanouissement de la personne en valorisant sans exclusive son identité sa culture et son patrimoine. La charte de lutte contre la précarité représente de fait le trait d’union indispensable entre le développement économique et le développement humain au même titre que l’Economie sociale et solidaire (ESS) qui trouve toute sa place dans ce PADDUC comme le tourisme social conformément aux amendements déposés par le Groupe des élus communistes et citoyens du Front de gauche.
Opposable aux tiers, le PADDUC chapote les différents documents d’urbanisme locaux, il n’en est pas moins respectueux du principe de libre administration. Il allie à la fois développement et préservation. Cette souplesse laisse la possibilité, non pas de déraper mais de disposer d’un document de planification régionale qui doit être traduit localement. Il permettra aux collectivités locales de favoriser le développement de leur territoire et de contribuer au développement régional. Partant de là, les communes, trop souvent dépourvues de documents d’urbanisme pourront élaborer les leurs sans détour avec l’assistance technique de l’Agence d’aménagement et d’urbanisme de la Corse (AAUC) créée en partie à cet effet, et l’action de l’Office foncier de la Corse (OFC).
Par son contenu et notamment avec ces outils, le PADDUC ouvre une perspective nouvelle pour les Corses et pour la Corse.
Création de la Collectivité (unique) territoriale de Corse
Le rapport soumis au comité stratégique en juillet dernier partait du principe que, la disparition des départements ayant été prévue pour 2021, « la principale question » relative à la réforme territoriale, celle de la fusion des trois principales collectivités, ne se posait plus. Cependant, on sait que le gouvernement est revenu sur sa volonté initiale de supprimer les départements ruraux. La question de leur maintien se pose donc à nouveau.
Nous pensons –en cohérence avec notre position lors du référendum de 2003- que les quatre niveaux d’administration actuels sont utiles et compatibles avec l’architecture institutionnelle d’une nouvelle République démocratique et solidaire et qu’elle ne s’oppose nullement à la mise en œuvre efficace du statut particulier de la Corse, au demeurant perfectible.
Les départements jouent un rôle important et reconnu en matière sociale comme en matière d’aménagement du territoire, de politiques de solidarité et de qualité de la vie. Leur disparition ne supprimerait pas les besoins des habitants et marquerait un recul de la démocratie de proximité sans générer pour autant les économies escomptées. Toutefois, nous préconisons un mode de scrutin proportionnel et paritaire afin d’accroître la représentativité des Conseils généraux.
Notre positionnement nous conduit logiquement d’une part, à choisir la première des deux procédures proposées, le processus prévu par l’article L.4124-1.-I du CGCT, d’autre-part, s’agissant du calendrier, à souhaiter que les élections aux conseils départementaux se tiennent à la date prévue.
S’agissant de la Collectivité Territoriale de Corse, toute évolution devrait, selon nous, se fonder sur des principes de : – simplicité et lisibilité des processus décisionnels (en ce sens, le double collège avec des conseillers de statuts différents ne nous parait pas une bonne solution) ; représentativité des sensibilités politiques (qu’a priori ne semble pas garantir un mode de scrutin par territoires) ; équilibre des pouvoirs (impliquant, au regard de la capacité d’action et de la stabilité de l’Exécutif, la liberté et l’autonomie de moyens du délibératif ainsi que de l’organe consultatif) ; déconcentration (proximité des services à la population) ; démocratie participative ( introduction de modalités de consultation et de concertation).
L’article 7 de la loi du 7 janvier 1983 détermine la répartition des compétences dans un principe décentralisateur : « la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’Etat s’effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l’Etat et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectées en totalité soit à l’Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions ».
Enfin, nous pensons que l’amélioration de la vie publique en Corse ne peut se satisfaire d’une seule réforme centrée sur la CTC mais qu’il convient de réfléchir sur l’espace public dans son ensemble, en recherchant les articulations entre niveaux (par délégation, mutualisation ou contractualisation) tout en respectant le principe de liberté des collectivités locales, traduit par la clause de compétence générale.
Pour permettre aux collectivités locales d’assumer leurs compétences, des mesures d’accompagnement sont nécessaires : une réforme de la fiscalité fondée sur la justice fiscale et la péréquation ; un statut –comportant des règles de cumul et empêchant la confusion des pouvoirs économique et politique- permet- tant aux élus d’exercer leur mandat ; des instances indépendantes de contrôle.