Conseillère Exécutive, Présidente de l’AAUC 30 et 31 octobre 2014 de l’Assemblée de Corse
O Sgio Presidente,
O Sgio Cunsilieri,
Eccu, ci simu ! Dopu avè francatu dui passi impurtantissimi, ci appruntemu oghje à francà l’ultimu passu versu un avvene più chjaru. Per via di l’impurtanze di st’ultimu passu, nascenu quistione, dubbiti è dumande. Di pettu à s’interrogazione, u nostru duvere hè di dà vi risposte. Mà, st’ultimu passu, u duvemu fà inseme, ancu si ognunu deve adattà u so ritmu e a so infurcatura.
Voici maintenant deux ans, le 26 juillet 2012, votre Assemblée nous donnait les moyens de poursuivre l’élaboration du Padduc en votant à une large majorité en faveur du modèle de développement.
Dès le lendemain de ce vote fondateur nous avons travaillé, sillonné la Corse, débattu, concerté, pour pouvoir vous présenter, d’abord en janvier dernier le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) et aujourd’hui, enfin, le projet de PADDUC. Notre séance de ce jour est un aussi temps de dialogue : en effet, nous n’avons jamais eu la prétention d’imposer quelle que chose que ce soit à qui que ce soit.
Après avoir écouté, concerté, c’est dans cet hémicycle, et nulle part ailleurs, que se trouveront les grands équilibres. Nous sommes prêts, pour notre part, à vous écouter, comme nous l’avons fait jusqu’à ce jour. Non, notre méthode n’a pas changé. Elle est celle de l’approche pragmatique et concertée. Nul ne peut dire que le document, certes ambitieux et volumineux, est porté à connaissance en dernière minute !
Ce document, il vit et se partage depuis 4 ans, dans différentes instances, auxquelles ont systématiquement été conviés tous les conseillers de cette Assemblée. Certains d’entre vous ont d’ailleurs participé très activement à ce travail, et je tiens à leur en rendre hommage ! Je ne saurais prétendre qu’aujourd’hui tout est parfait dans ce PADDUC, que nous avons réussi la synthèse idéale entre toutes les attentes, toutes les aspirations, tous les rêves aussi, parfois
Non, devant l’ampleur et la difficulté de la tâche nous devons faire preuve d’humilité car élaborer le PADDUC est une tâche immense. J’ai pleinement conscience des points de divergence qui, à l’orée de nos débats surgissent, aussi, quand bien même vous me connaissez un petit peu maintenant, je veux vous dire que l’entêtement stérile ne me caractérise pas, et, par conséquent, je serai attentive aux propositions que les uns et les autres pourront faire aujourd’hui. Nonobstant la difficulté de l’exercice, je ne considère pas, pour ma part, le PADDUC comme une figure imposée, un plan de plus à ranger sur une étagère, mais bien comme l’exercice plein et entier de la première grande compétence régalienne que nous avons voulue, que nous avons arrachée de longue lutte, oserais-je dire.
Cette compétence, est le fruit d’une longue histoire ! Depuis les lois de décentralisation, les différents statuts particuliers, les accords de Matignon…le train de la Corse avance certes, mais lentement, trop lentement !!
Le législateur nous a donné, avec le PADDUC, la possibilité très singulière, unique, de dessiner ici, à l’Assemblée de Corse, l’avenir de l’île. A l’heure où nous négocions, avec le gouvernement, les préparatifs de départ d’un nouveau train de réformes (fiscales, institutionnelles), nous avons le devoir historique et politique de conclure cette première et indispensable étape que constitue le vote du PADDUC et cela, par un vote sans ambiguïté si l’on veut que le message soit reçu.
Poser des principes et mettre en place des règles en matière de développement, d’aménagement n’est pas un exercice facile comme en témoigne l’histoire de la planification publique en Corse. Je voudrais ici en rappeler quelques épisodes les plus significatifs : Le premier acte de planification, au sens moderne du terme, est né en Corse par le décret de juin 1955 qui pose le principe de l’établissement du Programme d’Action Régionale. La France est alors découpée en 22 régions. La Corse est rattachée à PACA, mais bénéficie pourtant d’un PAR « spécifique ». On retiendra surtout de cette période la création par l’Etat de deux outils : la Société de Mise en Valeur de la Corse, placée sous tutelle du ministère de l’agriculture et la Société pour l’Equipement Touristique de la Corse, qui devait faire de l’activité touristique, « le levier de la renaissance ». Bien plus tard, la loi de juillet 1982, confia à l’Assemblée de Corse, fraichement élue l’élaboration de son schéma d’aménagement. Ce n’est que 7 années après, en Décembre 1989, que l’Assemblée de Corse adopta, par 31 voix contre 30, le schéma d’aménagement de la Corse. Face à ce vote étriqué, l’Etat décida en janvier 1990, de dessaisir l’Assemblée, en invoquant le non-respect des délais d’exécution. Ce fut finalement la Préfecture de Région qui réalisa et fit adopter par décret le « SAC » le 7 février 1992. Plus récemment, le projet de PADDUC, porté par le Conseil Exécutif en vertu de la loi du 2 janvier 2002, aura constitué en 2009, le dernier épisode de cette longue saga des processus de planification et de développement nés d’une initiative publique en Corse. Nous en avons tiré les enseignements, et les travaux préparatoires à la nouvelle loi sur le PADDUC ont donné lieu à de multiples réflexions tant au sein de l’Assemblée de Corse que de son Exécutif. Il est vite apparu à tous qu’une des conditions majeures de la cohérence et de l’acceptabilité sociale du futur PADDUC, passait par la capacité d’en faire un document de portée plus importante qu’un simple schéma d’aménagement. Ainsi, c’est à l’unanimité que l’Assemblée de Corse par sa délibération en date du 17 décembre 2010 votait plusieurs demandes de modifications législatives relatives au projet de loi du P.A.D.D.U.C.
C’est aussi à l’Unanimité de l’Assemblée Nationale, et du Sénat, que la loi du 5 décembre 2011, singulière à la Corse, et relative à la feuille de route d’élaboration du PADDUC a été votée.
Nous avons scrupuleusement suivi cette feuille de route en mobilisant toutes les marges de manœuvre législatives susceptibles de répondre aux aspirations du plus grand nombre et en mettant en œuvre une concertation exemplaire et ceux durant près de quatre ans. Face à nous, élus de la Corse, un premier enjeu est de taille : d’abord rétablir la confiance avec les citoyens – qui, compte tenu de leurs difficultés quotidiennes, peuvent légitimement douter de ce que la Politique puisse changer les choses – ensuite, combattre le défaitisme, le scepticisme, la fatalité, mais aussi lutter contre les risques de fractionnement de notre société, au motif que c’est la faute des uns, celle des autres, que ce sont les intérêts des uns contre ceux des autres, et enfin, combattre l’idée que la CORSE a bien vécu sans PADDUC et que, par conséquent, elle peut continuer ainsi. C’est un peu comme celui qui tombe d’un immeuble et se rassure à chaque étage de sa chute en se disant : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien. Allons-nous continuer, comme l’écrit Pierre Rahbi dans son Manifeste pour la Terre et pour l’Humanisme, « à aménager des erreurs au lieu de leur apporter des solutions radicales à la mesure du danger qu’elles représentent » ?
Assurément non !
La situation nous la connaissons tous, je ne m’y attarderai pas, mais regardons les choses en face : les menaces qui pèsent sur la Corse s’intensifient chaque jour un peu plus. – Une île où les appétits financiers conduisent aux pires dérives, – Une île qui ne produit que trop peu, – Une île extrêmement dépendante de l’extérieur, – Une île où les écarts et les inégalités entre les hommes, mais aussi entre les territoires, ne cessent de se creuser, – Une île où le système économique est dominé par la rente, – Une île où la question foncière clive fortement la société, – Une île où le chômage et la misère gagnent chaque jour un peu plus de terrain, – Une île où nos jeunes continuent de s’expatrier pour trouver du travail, – Une île où l’aménagement se fait au coup par coup, portant des atteintes irréversibles au territoire, – Une île qui ne bénéficie pas d’une préservation réelle, – Une île où, en matière d’aberration urbaine on a parfois touché le fond !
Si l’on ne regarde pas les choses en face, on finit par se dire que tout finalement ne va pas si mal, que l’on peut laisser les choses évoluer sans rien changer, qu’en définitive la somme des intérêts particuliers ne sert pas trop mal l’intérêt général, que finalement il vaudrait mieux se résigner car notre cause est perdue, que notre langue, c’est inéluctable, va disparaitre… Lorsque l’on aura bradé ce qui reste de notre terre, de notre patrimoine, de notre identité, notre peuple sera rangé dans les rayons des boutiques de souvenirs avec notre bandera. Alors, nous n’allons pas renoncer. Et nous allons apporter des solutions. Afin de répondre à l’urgence sociale, le PADDUC que nous proposons se veut résolument solidaire : nous assumons pleinement ce choix politique. Il s’agit bien de reconsidérer « la croissance » dans une approche environnementale et sociale, qui permette à l’être humain de se relier à la société et à son lieu de vie et qui réponde à un besoin d’utilité. Dans cet esprit nous devons faire du territoire un écosystème de l’innovation sociale. Ainsi avec la Charte régionale de lutte contre la précarité et la promotion de l’économie sociale et solidaire nous avons voulu répondre concrètement aux besoins fondamentaux des habitants de cette Ile et en premier lieu aux plus démunis d’entre eux. Non, nous n’allons pas renoncer à changer de modèle économique pour le rendre plus favorable à l’emploi durable et à des activités entrepreneuriales pérennes.
Ainsi, au regard d’un taux de chômage qui touche malheureusement plus de 10% de notre population active, nous avons placé l’emploi et notre jeunesse au cœur de notre projet ; Non, nous n’allons pas renoncer, en matière d’économie, à retrouver des marges de manœuvre propres. Nous voulons faire de notre territoire la source de notre développement.
Pour cela, nous proposons résolument de réorienter l’économie de la Corse, une orientation certes ambitieuse, mais néanmoins réaliste. C’est tout l’enjeu des documents cartographiques que nous vous proposons. Non, nous n’allons pas renoncer à réduire la fracture territoriale. Les disparités sont persistantes et s’aggravent entre l’intérieur de l’île et les zones urbaines, périurbaines et littorales, dont le développement génère de plus en plus d’externalités négatives (congestion, pollution, dégradation environnementale…). Ces modes d’occupation de l’espace déterminent durablement le parcours de notre territoire, car ils l’impactent physiquement et de façon quasi irréversible. Nous avons voulu notamment à travers le plan montagne donner aux territoires contraints de l’intérieur, de véritables moyens de rééquilibrage par des régimes d’aides différenciés, des outils fiscaux adaptés (zone franche montagne) et le développement de moyens d’accès aux services de proximité indispensables. Mais plus largement, l’avenir de notre territoire sera directement et durablement adossé au cadre de référence juridique régional que constitue le PADDUC Le PADDUC par sa portée normative, doit permettre de doter l’Ile d’un document de planification opposable qui va sécuriser les documents d’urbanisme et cela doit conduire à une urbanisation plus harmonieuse du territoire. Ce volet représente aussi un point d’ancrage majeur à la lutte contre les processus de spéculation foncière en ce sens qu’il constitue la création d’une base juridique solide et cartographique qui impactera largement la question des usages et des droits des sols.
Certes le PADDUC doit être compatible avec la loi littoral et la loi montagne mais il vise à « territorialiser », en les précisant, certains des concepts, ceci devrait permettre une élaboration moins hasardeuse des PLU ; Il faut rappeler qu’un rapport de compatibilité (non contrariété) entre deux normes d’urbanisme est plus souple qu’un rapport de conformité qui (implique un rapport de stricte identité). Il laisse à l’échelon territorial une certaine marge pour préciser la norme supérieure afin de permettre son adaptation au territoire concerné. L’exigence de compatibilité contribue ainsi, à l’effectivité du principe de libre administration des communes. Après l’approbation du PADDUC, la norme de référence, ne sera plus la loi « littoral et ses notions floues, mais le PADDUC et son « dictionnaire juridique local ». Le PADDUC adopté pèsera le poids juridique d’une norme figurant en haut de la pyramide à laquelle devra éventuellement se référer le Juge. Il ne faut pas perdre de vue que si les dispositions de la «Loi Littoral» sont des normes, ce sont d’abord des normes d’orientation à destination des autorités et des acteurs locaux afin qu’ils traduisent et concilient, à l’échelle territoriale pertinente, les objectifs d’aménagement et de protection du littoral. Les réactions que l’application de la «Loi Littoral» peut susciter sont compréhensibles mais nul ne songe sérieusement aujourd’hui à remettre en cause ces dispositions. Le véritable enjeu réside plutôt dans le fait de donner à la loi sa véritable portée, en transposant ses objectifs dans des normes juridiques adaptés aux territoires concernés. C’est précisément toute l’ambition que nous avons portée lors de l’élaboration des différentes phases du PADDUC. Pour nous, il n’y a pas lieu de choisir entre deux options que beaucoup opposent systématiquement. Il s’agit au contraire de protéger mieux ce qui doit l’être pour développer plus, à partir de nos propres ressources. Il ne s’agit donc pas d’une simple question de quantité (surfaces sanctuarisées, ou urbanisées), mais bien de la clarification des règles du jeu. L’enjeu est de pouvoir concrétiser les ambitions des territoires communaux non plus par un urbanisme d’opportunité mais par un urbanisme de projet au bénéfice des populations qui y résident.
Ce PADDUC est, certes, un plan d’aménagement, assurément également un plan de développement mais il est aussi un acte politique, un acte fondateur, qui n’en doutons pas pèsera lourd dans nos échanges actuels avec l’Etat.
« Les Corses sont en droit d’attendre des élus insulaires qu’ils sachent se montrer audacieux dans les projets qu’ils proposent à Paris ou à Bruxelles, qu’ils aient l’ambition d’élaborer pour la Corse « un modèle spécifique de développement », autrement dit de proposer « un mode d’évolution propre et novateur pour l’île », sur une période de 15 à 20 ans… » Ces formules ne sont pas de moi, je les ai empruntées au texte introductif du plan de développement de la CORSE de 1993… Cette ambition date de plus de 30 ans !! C’est dire s’il est enfin temps d’y satisfaire. Depuis 2010 nous avons écouté, dialogué, tenté de convaincre, changé d’avis aussi, parfois – pourquoi ne pas le reconnaitre- en écoutant les arguments des uns et des autres, en essayant de comprendre celles et ceux qui, de bonne foi (l’immense majorité des corse), nous ont interpellé ou alerté. Je veux vous assurer d’une chose : durant ce long, mais passionnant périple, seul l’intérêt de la Corse et des corses a été au cœur de nos préoccupations. Jamais nous n’avons été guidés par des intérêts particuliers ou partisans. Je pense que nombreux sont ceux, au-delà de cet hémicycle et des appartenances politiques, qui pourraient en témoigner. J’ai entendu votre Assemblée. Certains d’entre vous ont dit au départ, ce ne sont que des mots, on attend de voir. Certains ont exprimé leurs craintes, d’autres ont dit ne plus se faire d’illusions. Moi, je vous réponds comme Georges Sorel : « L’avenir est à ceux qui ne sont pas désabusés ». Oui, approuver ce Padduc aujourd’hui, c’est faire le pari d’un avenir meilleur pour la Corse et pour son peuple. Certains diront que c’est un pari pascalien. Ils n’y verront que les incertitudes. Nous, ce que nous voyons dans ce pari, c’est qu’il est chargé d’espoir. C’est que nous n’avons rien à perdre, au contraire. Il n’y a pas d’hésitation possible face aux menaces qui pèsent sur l’île. Je ne vous demande pas de choisir pour un pis-aller. Le Padduc que nous vous proposons est un document complet, équilibré, mais également perfectible, dont nous aurons la responsabilité de mesurer les effets et de garantir la mise en œuvre. Approuver ce Padduc aujourd’hui, c’est marquer à nouveau notre détermination à construire nous-mêmes notre destin et à décider ici et par nous-même de notre avenir. C’est peser de tout notre poids pour dire encore une fois que nous voulons changer les choses et que nous voulons être les acteurs de ce changement.
Approuver ce Padduc, c’est redire ce que nous sommes et ce que nous voulons, de sorte que nos revendications légitimes ne puissent être ignorées. Ce que nous voulons c’est que la Corse soit reconnue comme un territoire spécifique, soumis à des problématiques particulières et souffrant aussi de handicaps structurels. Ce que nous voulons, c’est aussi une architecture institutionnelle adaptée à notre situation et à nos besoins. Mes chers amis, soyons à la hauteur de l’enjeu, soyons au rendez-vous. La Corse l’attend, les corses nous regardent : envoyons leur un message d’unité, soyons dignes de la confiance qu’ils nous ont accordée, mettons notre île dans le vent de l’histoire. La conviction que nous voulons vous faire partager et sans vouloir dramatiser c’est de dire « C’est maintenant ou jamais » – « oghje ò mai » Avant que nous ne débattions, je vous invite à méditer la citation suivante de Jean-Jacques Rousseau (1763) dans son Projet de constitution pour la Corse : « Dans quelque vue que la nation corse veuille se policer, la première chose qu’elle doit faire est de se donner par elle-même toute la consistance qu’elle peut avoir. Quiconque dépend d’autrui et n’a pas ses ressources en lui-même, ne saurait être libre. Des alliances, des traités, la foi des hommes, tout cela peut lier le faible au fort et ne lie jamais le fort au faible »
L’aghju dettu à u principiu di stu discorsu : ci vulia à francà 3 passi per custruì u nostru destinu. U primu, l’avemu francatu u 26 di lugliu di u 2012. U secondu, l’avemu francatu di ghjennaghju scorsu. Oghje, torn’una volta, ci tocca à piglià e nostre respunsabilità d’elletti. Oghje, torn’una volta, ci tocca à fà una scelta maiò per sta terra è i so figlioli. Femu sta scelta impurtantissima, chi, dumane, i corsi possanu dì « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » (Mark Twain) – « Ùn sapianu micca ch’ellu era impussibile, allora l’anu fattu ! »
Vi ringraziu
MARIA GIUDICELLI