Les vexations de la Ligue Française de Football qui, décidément, ne supporte pas le moindre drapeau corse, sont à rapprocher de « l’humeur anti-corse » qui sévit à Paris, que le gouvernement entretient sciemment. Le « local » est toujours en lien avec le « global », et l’anecdotique renvoie le plus souvent au politique.
Patrick Kanner est l’actuel ministre des Sports, épaulé par Thierry Braillard, secrétaire d’Etat. J’ai dû aller sur internet pour retrouver leurs deux noms : c’est dire le retentissement de leur nomination le 26 août dernier ! Et cela en dit long aussi sur la degré zéro de leurs interventions suite aux dérapages de la Ligue de Football Professionnel lors des incidents de Nice, puis d’Aiacciu et désormais de Bastia, autour de la question symbolique, et donc politique, du drapeau corse.
Ce silence gouvernemental ne trompe guère. Si la LFP persiste et signe, c’est qu’elle est soutenue et encouragée à le faire. En tant que représentante du parti socialiste en Corse, Emmanuelle De Gentili a solennellement interrogé les deux ministres de la gauche au pouvoir. Elle n’a pas besoin de faire surveiller sa boîte aux lettres, ils ne daigneront pas lui répondre. Ils n’ont pas fait la moindre déclaration publique depuis le départ, et que lui répondraient-ils ? Eux-mêmes sont liés au climat général hostile impulsé directement par le premier ministre, le ministre de l’intérieur et l’Elysée.
Car, le sport n’est pas le seul domaine concerné. La ministre des Universités, Geneviève Fioraso -encore merci à internet qui nous a rappelé son nom-, agit de façon comparable avec l’Université de Corse en bloquant la ratification de la convention 2013-2017 car le texte proposé fait référence à la délibération de l’Assemblée de Corse en faveur de la coofficialité.
La démarche de Marilyse Lebranchu reste sans lendemain, Paul Giacobbi est toujours « blacklisté » par le pouvoir en place, et l’Assemblée de Corse est délibérément ignorée dans ses décisions politiques. Progressivement, à travers ces dossiers sensibles, c’est un mode de traitement de la question corse qui se met en place : éliminer par omission la question du peuple corse, de la coofficialité, etc.. Il est plus que temps d’organiser la réponse politique à ces agressions caractérisées, et tous les élus de la Corse doivent s’y impliquer.
C’est dans ce contexte qu’intervient le vote du Padduc par l’Assemblée de Corse. Il y a deux aspects politiques essentiels dans ce vote : le projet de société qui renvoie à la démarche d’avenir que l’on conçoit pour la Corse, et donc pour le peuple corse, projet contenu dans le « PADD » (Plan d’Aménagement et de Développement Durable). Il y a ensuite l’aménagement proprement dit, celui qui doit répertorier les espaces agricoles, les espaces remarquables, etc.., présenté dans le « SAT » (Schéma d’Aménagement Territorial).
Un premier résultat avait été obtenu sur le PADD dont le contenu initial a affirmé l’existence du peuple corse, la coofficialité, etc… par le vote des amendements présentés par Femu a Corsica. Mais voilà que les documents envoyés aux élus avant le vote crucial du 30 octobre proposent de créer un « premier livret » du Padduc, préambule sans consistance juridique, et à sortir ces notions du PADD lui-même. L’objet de la manœuvre est clair : en créant un document annexe qui ne sera l’objet d’aucune traduction juridique, on contourne l’obstacle politique d’une confrontation avec l’Etat au nom du « pragmatisme ». Mais on contourne en fait la question du peuple corse, et on s’inscrirait ainsi dans la stratégie d’étouffement de la question nationale corse. Les élus Femu a Corsica refusent ce détournement.
L’autre volet est le Schéma d’Aménagement du Territoire ; il n’est pas moins problématique. Au fil des mois, et des conférences de presse des associations, on a vu poindre à travers les « aménagements ponctuels » ou les « espaces mutables » qui apparaissent soudain sur les cartes, les « épaisseurs de trait » que l’on accroit pour augmenter le flou des délimitations, et autres ZNIEFF que l’on ignore étrangement, une bonne douzaine de projets spéculatifs plus ou moins définis, de Fìgari à Coti Chiàvari en passant par la pinède de Calvi et les terres agricoles de la Plaine. Si ces hypothèques ne sont pas levées, le Padduc ne serait plus le document espéré. Ce vote du 30 octobre sera donc un tournant pour la mandature en cours, par lequel la majorité de l’Assemblée devra prouver la réalité de ses intentions de départ.
En protestant collectivement contre les provocations qui se multiplient, et en maintenant le cap d’une démarche collective au service des intérêts de la Corse lors du vote du Padduc, les élus corses peuvent bousculer le blocage politique opposé par le gouvernement Valls. Il faut qu’ils en aient l’ambition.