En Corse, le débat sur le statut de résident prend de plus en plus d’ampleur avec une majorité de Corses qui, à travers leurs représentants à l’Assemblée de Corse, est favorable et une opposition rigide du gouvernement qui se recroqueville derrière la loi et la constitution françaises et le droit européen.
La loi et le droit français
Avant de s’attaquer au droit européen, il faut prendre le raisonnement -sic- du gouvernement dans »sa » logique. On le sait : que ce soit par la voix du Ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et/ou de la ministre en charge de la décentralisation, Marylise Lebranchu, l’Etat français oppose, au statut de résident, le droit français.
Mais quelle situation paradoxale, pour ne pas dire absurde, que de voir l’Exécutif français, qui demande tous les jours aux législateurs, députés et sénateurs, de modifier ou d’amender les lois et le droit pour mener à bien des politiques publiques, refuser de le faire sur le statut de résident sous prétexte que la loi ne le permet pas!
Deuxième argument : si la loi s’amende, c’est la Constitution qui interdit le statut de résident! Qu’à cela ne tienne ! La Constitution de Vème République a été modifiée 24 fois depuis 1958, dont 19 fois depuis 1992, et tous les Présidents de la République, à l’exception de Georges Pompidou mort pendant son mandat, l’ont amendée, soit par référendum, comme Charles de Gaulle sur l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, soit par le Congrès réuni à Versailles comme Nicolas Sarkozy, en 2008. Et d’ailleurs, François Hollande s’apprête à réunir ledit Congrès pour différents dossiers, dont celui, très important, relatif à la ratification de la Charte européenne des langues régionales.
Donc, l’argument de la Constitution immuable ne tient pas car elle est un corps vivant qui a déjà été modifié de très nombreuses fois et qui le sera sans doute encore très prochainement.
Le droit européen
02016794-photo-drapeau-ue-union-europeenneEnfin, arrive l’argument du droit européen. Le Gouvernement dit que le statut de résident est contraire au droit européen car ce dernier protège la liberté de circulation du Capital qui, avec la liberté de circulation des hommes, des biens et des services, est un des piliers de l’Union Européenne. Sauf qu’à toute liberté existent des limites. La liberté des uns (acheter en Corse) s’arrête là où commence celle des autres (le droit du peuple corse à vivre sur sa terre) serait-on tenté de dire.
En effet, quand l’Europe s’est élargie à l’est en 2004 (10 nouveaux pays) et en 2007 (Bulgarie et Roumanie), ces 12 pays ont tous eu une période dérogatoire de 5 à 7 ans pour que les Européens de l’ouest ne viennent pas spéculer sur les terres des nouveaux entrants. Et qui dit dérogation, même temporaire, dit limite au principe! On avance…
Mieux : Malte a eu le droit de proroger cette dérogation indéfiniment pour que les citoyens européens ne puissent pas acheter sur Malte s’ils n’habitent pas sur l’île-Etat depuis au moins… 5 ans! Donc : le statut de résident ça existe! Encore mieux?
Les Îles Åland, archipel suédophone de la République de Finlande, a un statut de résident qui est reconnu par le droit européen! Donc, plus de doute, il existe plus d’un exemple!
content ep voteMais l’ultime réponse de Paris est de dire que ces dérogations ont été octroyées quand les Etats négociaient leur adhésion à l’Union. Or, la France ne peut le faire puisqu’elle est déjà un Etat membre !
C’est vrai… sauf que le Danemark, membre de l’Union Européenne depuis 1974, a renégocié le Traité de Maastricht en 1992 et fait reconnaître (protocole 32 du Traité qui a la même force juridique qu’un article du Traité!) »La législation danoise en vigueur en matière d’acquisition de résidence secondaire ». Donc plus de blocage possible!
Mais Paris pourrait répondre que la France ne »s’abaisserait pas » à négocier un protocole pour un petit territoire comme la Corse. Certes, mais elle devra expliquer alors pourquoi en 1992, lors de la rédaction du Traité de Maastricht, elle a imposé un protocole (le numéro 6) pour que Strasbourg, petit territoire lui aussi, soit le siège du Parlement européen, alors qu’auparavant le lieu du Parlement n’était pas mentionné dans les Traités. Jeu, set et match!
Pour conclure : il n’existe donc absolument aucun verrou définitif, qu’il soit d’ordre législatif ou constitutionnel, ni à Paris ni à Bruxelles, pour que le statut de résident voie le jour à l’exception, certes notable et de poids, du verrou politique de l’Etat français qui bafoue la démocratie en refusant de mettre en place une décision légitime et démocratique du peuple corse.
Ce n’est donc pas un débat juridique mais politique que nous devons avoir. Mais il est vrai que face à un vote aussi légitime et démocratique de l’Assemblée de Corse, il n’existe aucun argument sérieux pour Paris, si ce n’est des arguments mensongers.
Président de l’Alliance Libre Européenne Jeune