Moussa Ag Assarid est le représentant diplomatique en Europe du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Il a accordé une interview à ARRITTI, que je reproduis ici, sur les évènements du mois dernier qui ont modifié radicalement la situation politique de la région. L’armée malienne a voulu imposer par la force la loi de Bamako à Kidal. Elle a échoué lamentablement et son échec est tel que l’option d’un règlement par la force n’est plus une option désormais. La route est ouverte pour la négociation d’un nouveau statut pour l’Azawad.
Arritti : Tu étais sur place lors des événements qui ont eu lieu entre le 16 mai et la fin du mois dernier. Peux-tu nous les expliquer ?
Moussa Ag Assarid : J’étais présent et j’ai filmé ce qui s’est passé pour pouvoir en témoigner de façon incontestable. Prochainement, l’association Solidarité Azawad les publiera ces images sur son site Internet.
À Kidal, la situation était instable. Le MNLA et les mouvements alliés de l’Azawad, le HCUA (Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad), qui est présent à Kidal, et le MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) qui est issu de la population maure qui vit en Azawad, étaient sur le terrain, mais l’armée malienne était casernée dans le camp n°1 et l’administration malienne avait pris possession du gouvernorat suite aux concessions que le MNLA avait faites sous la pression de la Communauté internationale. Cette intrusion du pouvoir malien en zone libérée, puisque les forces du MNLA ont participé aux côtés des forces françaises de Serval et des forces africaines de la Minusma à la libération de l’Azawad contre les terroristes, était très mal acceptée par la population. Régulièrement des manifestations, avec femmes et enfants, visaient à gêner l’emprise du pouvoir central malien sur la ville de Kidal.
Ainsi, le 16 mai dernier, l’aéroport a été envahi pour interrompre l’arrivée d’avions envoyés de Bamako pour préparer la venue du premier ministre malien Moussa Mara à Kidal, en acheminant des fonctionnaires, des journalistes et des activistes pro-maliens, y compris des figurants d’origine touarègue vivant à Bamako vêtus de tenue traditionnelle en charge de faire la claque et d’applaudir lors du discours du premier ministre. Cette opération de propagande à grand spectacle avait pour but d’imposer l’image d’un pouvoir malien « chez lui à Kidal » avec l’aval de la population, et donc de fermer la porte à tout processus de négociation.
Les manifestants ont bloqué le trafic de l’aéroport, empêchant un cinquième avion d’atterrir, malgré la répression des forces de l’ONU qui voulaient les empêcher d’atteindre l’aéroport. Déjà, ce soir-là la tension était très forte et des tirs à balles réelles sont venus des soldats de l’armée malienne présents à l’aéroport et qui ont blessé plusieurs manifestants dont 13 personnes ont été admises à l’hôpital de Kidal. La nuit tombée, l’aéroport étant obligé d’arrêter son trafic, les incidents ont cessé.
Moussa Mara a cependant voulu maintenir son voyage à Kidal. Que s’est-il passé alors ?
Oui, et cela malgré les pressions des gradés de la Serval de la Minusma qui lui recommandaient de remettre son projet.Le 17 mai, dès 8H02, l’armée malienne a commencé à tirer depuis le gouvernorat sur le site de cantonnement du MNLA qui est resté un long moment sans riposter, attendant une réaction de la Serval et de la Minusma qui avaient été avisées. Puis sans réponse, les combattants du MNLA ont répondu aux tirs à leur tour. Avec une escorte aérienne française, l’hélicoptère du premier ministre est arrivé sur la base de la Minusma/Serval à 12H26, puis, toujours sous escorte, il a été au camp de l’armée malienne avant de se rendre au gouvernorat. Pendant ce temps, les soldats maliens en poste au gouvernorat continuaient à tirer à l’arme lourde sur les positions du MNLA. Un cessez le feu a été demandé par la Minusma et la Serval que nous avons accepté. Moussa Mara est alors arrivé au gouvernorat sous escorte de l’armée malienne, des casques bleus de la Minusma et de l’armée française. Il y a tenue une brève rencontre avant de rebrousser chemin. Après son départ vers le camp tenu par la Minusma et la Serval, les tirs ont repris de plus belle contre nos combattants. Ils ont alors riposté, et, après quelques heures de combat, ils ont pris d’assaut le gouvernorat. Côté gouvernement malien 36 personnes ont été tués dans les combats, et deux combattants du MNLA blessés. Sur les lieux des combats 32 personnes dont 4 blessés ont été récupérés par nos combattants et remis au CICR et à la Minusma sans conditions et sans contrepartie.Cette nuit du 17 mai, Moussa Mara, resté bloqué à Kidal par une tempête de sable, s’est fait alors conduire au camp n°1 où sont les soldats maliens, et là il a tenu un discours très violent, déclarant que le gouvernement malien nous déclarait une « guerre totale », et que la réponse du pouvoir malien « serait à la hauteur de l’agression ». Entre le 17 mai et le 21 mai plus de 1.500 soldats maliens sont arrivés sur place, notamment trois bataillons sur les quatre qui ont été formés avec le concours de l’Union Européenne. Ont convergé aussi plus de 300 « bérets rouges » qui étaient les militaires qui soutenaient le pouvoir corrompu de l’ancien Président ATT, et près de 300 soldats d’origine touarègue du général Elhaji Ag Gamou. Soit environ 2.000 soldats maliens au total.
Il y a eu des combats aussitôt ?
Le 21 mai à 10h08 les premiers tirs d’obus ont commencé contre les positions des trois Mouvements de l’Azawad, MNLA, HCUA et MAA. Nous avons alerté Serval et Minusma pour qu’ils s’interposent ; aucune réponse. Alors nous avons riposté et les combats ont été intenses. Ils ont duré jusqu’à 14h40. Nous sommes rentrés dans le camp n°1 de l’armée malienne qui a connu une véritable débandade. Il y a eu environ cent morts dans leurs rangs, autant de blessés et nous avons fait cinquante prisonniers. Près d’une centaine ont rejoint le camp de la Minusma/Serval, et d’autres, emmenés par le général Ag Gamou, ont rejoint Gao part la route. Beaucoup sont morts de soif durant cette retraite. Leur défaite a été totale. Trois des bataillons de la « nouvelle armée » malienne formée et financée en partie par l’Union Européenne n’existent presque plus, et nous avons récupéré un stock d’armes impressionnant, véhicules blindés, véhicules de transport de troupes, lance-roquettes, des BM 21 qui sont des armes très puissantes, et de très nombreuses munitions. La victoire de la coalition MNLA/HCUA/MAA a été totale. Le quatrième bataillon formé avec le concours de l’Union Européenne, qui était stationné à Aguelhoc, a été accueilli par la Minusma auprès de laquelle il s’est réfugié quand nous avons lancé notre offensive sur la ville.
Quelles sont les conséquences politiques de ces événements ?
Côté malien, la crise est bien sûr considérable. Le Président IBK s’est désolidarisé de son armée en affirmant indirectement n’avoir jamais donné l’ordre de tirer. Le Ministre de la Défense a été « démissionné ». L’opposition a déposé une motion de censure contre le gouvernement après avoir demandé la démission du premier ministre sans succès.
De notre côté, nous avons considéré que la partie malienne avait violé l’Accord de Ouagadougou, et nous avons lancé l’offensive sur tout le territoire de l’Azawad, partout où c’était possible. L’armée malienne a quitté les lieux sans combattre, à Tessalit, à Agelhoc, à Anefis, à Menaka entre autres. L’armée française et la Minusma se sont interposées pour arrêter notre progression à 36 km de Gao et 55 km de Tombouctou. La situation s’est stabilisée sur ces bases : à l’exception des deux grandes villes et leurs environs, nous contrôlons tout le territoire. Avec le HCUA et le MAA, nous sommes à Kidal, le MAA est présent avec nous aux abords de Tombouctou et le MNLA est sur tout le territoire.
Côté français, ils ont pu observer tout cela très en détail car ils avaient déployé des moyens aériens d’observation et comme les casques bleus de la Minusma, ils ont été témoins de la réalité du terrain. Ils ne sont pas intervenus, au grand dam des autorités maliennes.
Un cessez-le-feu a été négocié le 23 mai sous l’égide du Président mauritanien qui est aussi l’actuel président en exercice de l’Union africaine et du représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU. Il prévoit un retour aux accords de Ouagadougou, l’ouverture immédiate de négociations, la libération des prisonniers tenus par les deux parties ainsi que la mise en place d’une commission d’enquête internationale indépendante qui était déjà prévue par l’Accord de Ouagadougou.
De côté, le MLNA, le HCUA et le MAA nous avons rendu publique une déclaration conjointe le 9 juin dernier dans laquelle nous affirmons parler d’une seule voix et être prêts à des négociations sincères et crédibles. Nous sommes en situation bien meilleure à la négociation, et nous espérons de grandes avancées désormais.
À lire dans ARRITTI du 26.06.2014
Interview recueillie par François ALFONSI.
(…)
CorsicaInfurmazione.org by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]