Outre un recours devant le tribunal administratif, Simon Renucci a déposé plainte au pénal. Une affaire qui ne fait que commencer.
– Évidemment, il y en a qui trouvent cela normal : « S’il y a eu beaucoup de procurations pour la liste de droite, c’est qu’ils ont bien travaillé ». C’est sûr, à la différence de l’équipe de Simon Renucci qui s’est montrée bien timide en ce qui concerne les visites à domicile et la pêche aux votes, y compris par procurations, l’équipe de Laurent Marcangeli a ratissé large. Ici, on a promis, là on est passé par des réseaux amicaux pour obtenir des votes directs ou par procuration, là on a exploré les maisons de retraite, les hôpitaux, voire toute institution ou association susceptible de rapporter des voix. C’est de bonne guerre, et il n’y a rien à en redire. Enfin…
Mais, tout de même, passer de 897 procurations au deuxième tour lors des municipales de 2001, puis de 1757 procurations aux municipales de 2008, à 2420 procurations en 2014, cela fait beaucoup. Surtout qu’entre le premier et le deuxième tour, il y en a eu 640 de plus, dont 300 téléchargées sur le Net. L’afflux de procurations durant l’entre-deux tours et le fait que plusieurs d’entre elles étaient manifestement « bidonnées » (deux mandataires différents pour un même mandant) avait d’ailleurs poussé, à la veille du second tour, l’ex-maire, Simon Renucci (c’est la première fois qu’un maire prend telle initiative) à informer le préfet de Région et le procureur de la République de ces anomalies. On lui a répondu qu’à ce stade des opérations, il n’était pas possible d’intervenir et qu’il fallait aller « au bout » des élections.
Quitte à les contester après. Simon Renucci n’a pas eu plus de succès lorsqu’il a prévenu la chancellerie et le ministère de l’Intérieur, qui avaient sans doute d’autres soucis que la Corse. Il ne restait plus au maire battu, mais convaincu de la réalité des fraudes, qu’à déposer un recours en contentieux électoral devant le tribunal administratif, doublé d’une plainte au pénal. Recours et plainte d’autant plus justifiés que chaque jour qui passait lui apportait la preuve d’une fraude massive. En effet, en commençant à examiner de près toutes les procurations, certains de ses collaborateurs se sont vite aperçus qu’un grand nombre d’entre elles (plus de 350 à l’heure ou nous terminions ce journal) étaient entachées d’irrégularités : doubles procurations (notamment téléchargées) avec des signatures différentes pour le même mandant, signatures différentes sur la procuration et la feuille d’émargement, signature différentes entre un vote physique au premier tour et la signature du mandant sur la procuration au deuxième tour, signatures différentes d’une même personne lors d’un vote physique précédent (législative) et la signature du mandant sur la procuration, séries (dont une de cinquante) de procurations écrites de la même main, signature du mandataire à la place de celle du mandant, parfois même procuration authentifiée administrativement mais ne comportant aucun nom, signature faisant défaut…Toutes choses qui ont été transmises (photos à l’appui) à Claire Waquet, avocate au Conseil d’Etat qui représente l’ex-maire d’Ajaccio. Celle-ci a expliqué le 29 avril, lors d’une conférence de presse tenue avec Simon Renucci, qu’elle avait déjà traité 150 procurations suspectes et qu’il lui en restait près de 200 à transmettre au tribunal administratif.
Ledit TA ne pouvant statuer qu’après avoir examiné les comptes de campagne des différents candidats. Date buttoir du dépôt des comptes de campagne le « 10è vendredi suivant le 1er tour avant 18h, soit le 30 mai. Dès lors, le tribunal doit statuer dans un délai maximum de deux mois (à noter que l’appel n’est pas suspensif). « J’ai la conviction profonde, et l’ensemble des éléments recueillis le prouvent », a déclaré Simon Renucci « bien qu’il ne s’agisse que de la partie visible de l’iceberg, que la fraude a été massive, organisée et planifiée de longue date. En ce sens, tout se passe comme s’il s’agissait d’un système qui a nécessité la mobilisation d’hommes, avec des donneurs d’ordre et des exécutants, qui a nécessité des complicités et qui a aussi mobilisé des moyens considérables dans le seul but de détourner, l’un après l’autre, un maximum de suffrage ». Notons, qu’aux observations directes sur les procurations s’ajoutent différents témoignages « officieux » , à Ajaccio, dans la région, et sur le Continent, de personnes qui se sont aperçues qu’elles avaient voté par procuration alors qu’elle ne l’avaient pas demandé… Mais tout cela ne comptera pas, à moins qu’elles portent plainte.
Reste à savoir ce que le tribunal administratif fera de tout cela lorsqu’il se penchera sur les documents transmis par l’avocate de Simon Renucci. La logique voudrait que les élections municipales d’Ajaccio soient invalidées puisque le nombre de procurations suspectes (à ce jour les investigations continuent, le chiffre de 350 n’est donc pas définitif) dépasse les 281 voix de différence qui ont permis à Marcangeli de battre Renucci. Les Ajacciens devraient, dans ce cas, revoter dans un délai de 6 à 8 mois. En toile de fond, la sénatoriale (fin septembre) et la territoriale et la cantonale (mars 2015). Sans parler de la « reconstruction » à droite, à gauche et du côté des nationalistes, qui ne se fera pas sans mal. En somme une annulation souhaitable du point de vue de la morale et d’un bon exercice de la démocratie -Simon Renucci évoque même « une violence faite aux Corses qui n’est pas moins condamnable que la violence physique – , mais une annulation qui risque de poser bien des problèmes à tout le monde.
Reste la plainte au pénal. Si l’enquête préliminaire a débuté, puisque l’ex-maire ainsi que diverses personnes avaient déjà été interrogées par les policiers, on ne savait toujours pas, début mai si une information allait être ouverte. Dans cette hypothèse, l’éventuelle annulation des élections pourrait se doubler de poursuites visant ceux qui, si c’est le cas, ont organisé la fraude, et ceci bien maladroitement, sans avoir forcément l’aval de Laurent Marcangeli. On murmure déjà, mais sans la moindre preuve, que des élus auraient participé à l’établissement de procurations bidons. Par ailleurs, la justice pourrait se pencher sur les aides dites « sociales » qui auraient été accordées, avant les élections, par le Conseil général. Ou les bons d’achat distribués à certains, à titre évidemment gracieux…
Tout cela fait que si la justice civile et la justice pénale travaillent un peu, ce qui n’a rien de sûr pour l’instant, cette affaire, loin de s’éteindre, devrait prendre de l’ampleur.
Gilles Millet
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