Le FLNC dépose les armes : est-ce la fin des violences en #Corse ?

Le Front de libération nationale de la Corse (FLNC) a annoncé qu’il renonçait aux actions violentes, mercredi 25 juin. L’île de Beauté en a-t-elle fini avec les attentats ? 

« Démilitarisation », « sortie progressive de la clandestinité » : les termes ont été soigneusement choisis par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC). Les indépendantistes ont annoncé, dans un communiqué, le dépôt des armes, mercredi 25 juin. La déclaration fait date, près de quarante ans après la création du FLNC en 1976. Le groupe clandestin avait déclaré des trêves à plusieurs reprises au cours de son histoire, mais c’est la première fois qu’une démilitarisation est actée.

La Corse va-t-elle tourner la page de plusieurs dizaines d’années de violences et d’attentats ?

FLNC-UCdepotArmefinLuttearmeeCorse (14)Oui, la lutte clandestine est en bout de course
« Les armes sont déposées parce qu’elles n’existent plus », constate Jean-Pierre Santini, auteur de nombreux ouvrages sur le mouvement nationaliste, pour francetv info. Beaucoup d’observateurs estiment en effet que la lutte clandestine est dépassée. Jean-Vitus Albertini, rédacteur en chef adjoint à France 3 Corse ViaStella, explique « l’affaiblissement de l’organisation clandestine par les coups qui lui ont été portés », notamment par les séries d’arrestations de ces dernières années.

Un observateur de la vie politique corse, joint par francetv info, souligne également que le FLNC n’a pas connu de « renouvellement ni de ses cadres, ni de ses militants aguerris ». « Dans les années 1980, 1990, les références au FLNC étaient partout. Aujourd’hui, elles sont beaucoup moins visibles », ajoute-t-il. Libération évoquait, en 2005, un été « destructeur pour le Front de libération nationale de la Corse » avec une « désaffection des militants, les critiques de cadres ».

« La Corse était le dernier foyer de clandestinité en Europe. Le FLNC a enfin pris en compte cette évolution européenne », se réjouit Jean-Christophe Angelini, conseiller territorial pour Femu a Corsica (Faisons la Corse), contacté par francetv info. En Irlande du Nord, l’IRA a annoncé la fin de la lutte armée en 2005, rapporte Le Monde. Le même mouvement a été entrepris au Pays basque avec le renoncement à la lutte armée par l’ETA, en 2011. L’organisation basque a également annoncé, le 1er mars 2014, « qu’elle s’engageait à mettre sous scellés et hors d’usage opérationnel son arsenal », relaie Le Monde.

Oui, un nouveau processus politique est amorcé
« En Irlande du Nord, les idées nationalistes n’ont jamais été aussi fortes depuis que le processus de paix a été lancé, assure François Alfonsi, ancien eurodéputé et porte-parole du Parti de la nation corse, contacté par francetv info. En Europe, seul le processus politique est valable. »

« Le FLNC est le groupe clandestin [corse] le plus important, relié à une vitrine publique. Cette vitrine est impliquée dans les revendications de l’Assemblée de Corse », note l’écrivain Jean-Pierre Santini. En février 2014, les nationalistes se sont associés à la majorité, démocrate, socialiste et radicale, de l’Assemblée de Corse, rappelle Corse Matin. L’Assemblée a voté pour la coofficialité de la langue corse avec le français, et également pour une évolution du statut de l’île. Les élus demandent par ailleurs que la Corse soit plus autonome dans le domaine du foncier et de la fiscalité. Ils ont notamment voté pour la création d’un statut de résident, afin de réserver l’acquisition de biens immobiliers à ceux qui habitent l’île depuis au moins cinq ans.

Les nationalistes sont arrivés au pouvoir. Leurs différentes sensibilités siègent à l’Assemblée de Corse, que ce soient les modérés de la coalition Femu a Corsica, ou les plus radicaux de Corsica Libera, représentée par Jean-Guy Talamoni. Lors des dernières élections municipales, Gilles Simeoni, nationaliste modéré de Femu a Corsica, a remporté la ville de Bastia, rappelle France 3 Corse ViaStella. Il est ainsi le premier maire nationaliste d’une grande ville corse.

Oui, pour faire pression sur le gouvernement
Pour se faire entendre auprès du gouvernement, les nationalistes ont besoin d’abandonner les violences afin de gagner en légitimité. Bernard Cazeneuve a effectué sa première visite comme ministre de l’Intérieur sur l’île de Beauté le 12 juin. Le ministre a opposé une fin de non-recevoir aux réformes institutionnelles votées par l’Assemblée de Corse. Ces propos ont suscité déceptions et crispations, comme le raconte France 3 Corse ViaStella. Gilles Simeoni, le nationaliste maire de Bastia, avait alors déclaré que la décision du gouvernement « ne pourra que conduire à l’ouverture d’une crise politique profonde ».

« La décision de démilitarisation est un moyen de se mettre au centre du jeu politique avec le gouvernement », estime André Paccou, de la Ligue des droits de l’homme (LDH), pour francetv info. « On va voir comment le gouvernement réagit, mais il ne peut pas rester insensible à cette annonce », poursuit-il. François Alfonsi renchérit : « Le gouvernement est mis au pied du mur, il doit répondre à la question posée : ‘Y a-t-il une place en France pour le peuple corse au moment où celui-ci s’affirme comme démocratique’ ? »

Non, il reste d’autres groupuscules clandestins
Cette volonté de peser dans le débat politique implique l’abandon des violences. Mais pour le rédacteur en chef adjoint de France 3 Corse ViaStella, « le dépôt des armes ne signifie pas pour autant la fin des violences en Corse. En cas de pourrissement de la situation [avec le gouvernement], elles pourraient revenir sur le devant de la scène ».

La majorité des observateurs et des politiques s’accordent pourtant sur le caractère définitif de la démilitarisation. « Le FLNC a dû s’assurer que tout le monde abandonne des velléités de violences » affirme Jean-Christophe Angelini. « Des actions violentes ponctuelles peuvent toujours arriver », tempère François Alfonsi, mais selon lui, « elles ne pourraient pas prospérer car elles n’auraient pas l’aval de la société corse ».

Néanmoins, André Paccou rappelle qu’à côté du FLNC, il existe d’autres groupes clandestins, même s’ils sont minoritaires. « En 2013, un groupe a revendiqué un attentat à Ajaccio devant le Groupe d’intervention régional (GIR), mais depuis, on ne sait pas ce que sont devenus ses membres », explique-t-il. « A l’été 2012, il y a eu une scission au sein du FLNC, mais depuis l’annonce de ce nouveau groupe, ils n’ont pas donné signe de vie » poursuit, pour francetv info, le représentant de la Ligue des droits de l’homme.  » Avec cet appel fort du FLNC à s’investir dans la vie publique, les autres groupes doivent prendre leurs responsabilités, mais c’est une nébuleuse difficilement maîtrisable », conclut André Paccou.

(…)

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