Le mouvement nationaliste (FLNC UC) a pour la première fois fait part de son intention de déposer les armes et de sortir « progressivement de la clandestinité ». Info ou intox? BFMTV.com a interrogé Pierre Poggioli, militant et ancien leader nationaliste, auteur de nombreux ouvrages.
Le Front de libération nationale de la Corse a-t-il définitivement enterré la hache de guerre? Après des années de lutte armée, le mouvement nationaliste a annoncé mercredi mettre fin aux violences dans l’île de Beauté pour se consacrer « à la construction d’un véritable pouvoir politique corse ».
Depuis sa création en 1976, le FLNC avait certes déjà annoncé des trêves, mais c’est la première fois qu’il dit vouloir déposer les armes. Que présage ce tournant dans les relations mouvementées entre l’île et le continent? Faut-il y croire? BFMTV.com a joint Pierre Poggioli*, ancien leader du mouvement nationaliste Accolta Naziunale Corsa, militant et auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire du nationalisme corse.
L’intention de cesser les actions militaires est-elle un effet d’annonce?
Non, la décision d’abandonner progressivement le terrain de la lutte armée a été longuement réfléchie. Des discussions étaient probablement en cours depuis longtemps.
Il s’agit d’une première, à l’instar de l’ETA qui en avait fait de même en octobre 2011 (L’organisation indépendantiste basque avait alors annoncé « la fin définitive de son action armée », ndlr).
Connaît-on les modalités?
Pour le moment, le FLNC ne les a pas communiquées, des précisions seront peut-être apportées plus tard. Mais l’organisation l’a assuré, la décision a été prise « unilatéralement », ce qui signifie qu’elle n’attend rien en échange.
En revanche, c’est un signal fort qui est envoyé au gouvernement. Le FLNC veut pouvoir se consacrer au champ politique sans avoir une action armée sur le dos. L’Etat a toujours dit qu’aucune revendication ne serait entendue tant qu’il y a de la violence. En cessant la lutte armée, la balle est désormais dans le camp du gouvernement. Il n’y a plus d’excuse.
Cette décision est-elle un aveu de faiblesse? Le FLNC a-t-il encore les moyens d’agir?
Il est évident que le FLNC d’aujourd’hui n’est plus celui des années 90 même s’il a été traversé à l’époque par de nombreuses querelles meurtrières liées à un affrontement fratricide au sein du mouvement.
Mais ce qui l’a surtout affaibli, c’est la politique de répression menée par le gouvernement. Les progrès technologiques, la multiplication des contrôles, les écoutes, et les arrestations y ont également contribué. Après, marquer son opposition est toujours d’actualité… on l’a vu il y a quinze jours avec l’attaque de la gendarmerie de Bastia.
Et maintenant, quel avenir pour le FLNC?
Ils l’ont dit dans leur communiqué, l’heure est venue « d’intensifier la lutte dans un cadre public ». Il s’agit d’un tournant politique. Depuis un an déjà, la majorité des élus de Corse partage un bon nombre de revendications formulées par les nationalistes, comme la langue, le statut de résident…
Les nationalistes ont 15 sièges sur 51 à l’Assemblée et, fait exceptionnel, ils ont remporté la mairie de Bastia aux dernières municipales. Un nouveau cycle politique est en train de se dessiner.
*Pierre Poggioli est également auteur d’une thèse soutenue en Sciences politiques « IRA-ETA-FLNC: analyse comparative » (Juin 2011).