Et si c’était maintenant ? L’hiver 2013-2014 restera peut-être gravé dans l’histoire de notre île.
Alors que le débat politique s’annonçait monopolisé par les élections municipales, essentiellement concentré sur les deux grandes villes de l’est de la Corse où les dynasties Rocca Sera et Zuccarelli semblent vaciller, un vent de fronde s’est doucement mis à souffler dans la société insulaire, éclipsant presque le scrutin à venir.
Dès le début de l’automne, des conflits d’entreprise ont secoué l’île. Des continentaux venaient, une fois de plus, prendre le travail des Corses, sous les ordres des instances nationales. Société générale, office hydraulique, hopitaux, compagnies maritimes, le problème de la corsisation des emplois s’est encore posé. Le ras-le-bol a grondé, faisant les titres des journaux. Syndicalistes et mouvements de jeunes se sont mobilisés. Diverses polémiques se sont ensuite enchaînées. A commencer par des propos gouvernementaux particulièrement hostiles à une évolution institutionnelle et carrément méprisants envers l’idée d’une co-officialité linguistique (pourtant votée à 46 voix sur 51 à l’Assemblée de Corse). Puis vint le débat sur la SNCM : quel avenir pour la compagnie ? 600 familles corses au chômage ? La France acceptera-t-elle enfin l’idée d’une compagnie régionale ? Entre temps, est tombé le bilan du recensement : 75 000 habitants de plus en 30 ans avec un taux de natalité négatif, soit une augmentation due à plus de 80% à l’arrivée de migrants continentaux. La colonisation de peuplement n’a jamais été aussi vivace. Enfin, début janvier, le coup de grâce fut le retour du spectre de la fin des Arrêtés Miot, polémique déjà lancée l’an dernier à la même époque. Le Conseil Constitutionnel a une nouvelle fois dit non à cette dérogation fiscale, indispensable à notre survie économique, malgré un an de travail d’experts insulaires à Bercy. Le tout, ponctué de fréquentes piques racistes dans les médias à l’égard des Corses. Cette année, la France a balayé d’un revers de main tous nos espoirs. Peu importe qu’ils aient été votés, travaillés ou réfléchis. Le non était sec, global, ferme et définitif.
Alors, on a pu assister à un début de révolte dans les lycées dès la rentrée de janvier, à l’initiative de la Ghjuventù Indipendentista. Ce processus de mobilisation que j’appelais de mes voeux sur ce même blog il y a quelques mois a enfin eu lieu. Les jeunes corses ont décidé de faire leur la revendication des arrêtés Miot, lui associant pêle-mêle la co-officialité de la langue refusée, le statut de résident bientôt en débat à l’assemblée et les problèmes d’emplois qui les concerneront directement. Le tout, sous une bannière explicite, « Simu di stu paese, è ci vulemu campà » (nous sommes de ce pays et nous voulons y vivre), paroles d’une chanson d’A Filetta des années 70. Des centaines de lycéens ont envahi les rues de toutes les villes de Corse.
Toutes les franges du nationalisme, de la plus modérée à la plus radicale, ont soutenu cette mobilisation. La société civile, les parents d’élèves, une partie des professeurs également. Et si tout ça ne s’arrêtait pas aux lycées? L’idée a germé. La GI, implantée aussi à l’université de Corse, a décidé d’organiser une grande manifestation à Corte, le 29 janvier prochain. L’APC, première association de parents d’élèves de Corse, a appelé également à manifester. D’autres soutiens apparaissent chaque jour, de personnes de tous horizons.
Dans le même temps, sur internet, fleurissent les appels à la manifestation. Des billets, des articles faisant l’historique des deux siècles d’occupation française sont publiés par de jeunes militants, à l’image de ce qu’on a parfois pu lire ici même. Diverses vidéos de propagande circulent sur les réseaux sociaux. Et le tout, dans une connaissance parfaite des problèmes et des enjeux, bien loin de l’image d’écervelés à laquelle les opposants à cette inévitable marche en avant veulent faire croire. L’effervescence se fait ressentir en chaque coin de l’île. La jeunesse est mobilisée comme jamais, et ses aînés, agréablement dépassés, n’ont d’autre choix que de suivre le mouvement.
Tout cela laisse espérer que cette année « scolaire » qui a commencé sous le signe du ras-le-bol et de l’exaspération se poursuivra par une prise de conscience générale, traduite dans la rue par une révolte populaire, et se terminera par un changement radical des mentalités. Bien entendu, il est à souhaiter que tout cela se fasse de manière déterminée mais sans aucune effusion de sang.
Pour ceux qui suivent ce blog, personne ne sera donc étonné de me voir appeler solennellement tous les lecteurs insulaires (de plus en plus nombreux et je les en remercie) à descendre dans la rue mercredi prochain, pour montrer leur détermination à ne plus se laisser traîner dans la boue par un Etat qui les malmène socialement, culturellement, économiquement depuis deux siècles et demi. Cette mobilisation ne sera bien sûr que la première d’une longue série destinée à faire plier les instances qui nous condamnent à une mort progressive. Si le titre de l’article était une question, j’apporte maintenant la réponse: l’heure du printemps corse a bel et bien sonné.
Hè ghjunta l’ora di u veranu corsu ! The time of Corsican spring is coming ! Tutti in carrughju.
Simu di stu paese, è ci vulemu campà.
(…)
CorsicaInfurmazione.org by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]