Une marée humaine a déferlé samedi soir dans les rues de Bilbao pour réclamer le rapatriement des prisonniers de l’ETA au Pays Basque. En dépit de l’interdiction de la justice espagnole, 110 000 personnes ont répondu présentes au tout premier appel conjoint de l’opposition de gauche indépendantiste et des conservateurs du PNV à la tête du gouvernement régional.
520 Etarras sont actuellement détenus dans les prisons d’Espagne et de France.
“Nous voulons que le chemin que nous avons choisi constitue une nouvelle occasion de construire sur la base du respect des droits de l’Homme. Nous voulons que le dialogue et le consensus soient au fondement des relations entre organisations politiques. Et que chaque acteur concerné, y compris les partis politiques, les institutions et l’ETA elle-même, fassent les efforts que la société basque réclame,” a déclaré le porte-parole du PNV, Joseba Egibar.
L’organisation terroriste basque a décrété une trêve en octobre 2011, mais refuse de désarmer, le bras de fer avec Madrid se cristallisant sur la question des prisonniers.
Revendication historique de l’ETA et de la gauche indépendantiste, la fin de la « dispersion » fait figure, après l’abandon de la violence le 20 octobre 2011 par le groupe séparatiste, d’abcès de fixation dans le face à face l’opposant à Madrid.
Selon le réseau de soutien aux prisonniers Etxerat, 520 militants sont aujourd’hui détenus dans des dizaines de prisons espagnoles et françaises, une politique de dispersion pratiquée depuis 25 ans par l’Espagne dans le but d’empêcher les prisonniers de se réorganiser derrière les barreaux.
« C’est une double peine que l’on nous inflige », témoignait Itziar Goienetxia, une femme de 52 ans dont le mari est en prison depuis onze ans près de Cadix, dans le sud de l’Espagne. « Je vis à Pasajes, près de de San Sebastian », raconte-t-elle, « et je fais tous les quinze jours 1.200 kilomètres pour aller le voir, et 1.200 pour rentrer. Et tout cela pour passer 40 minutes derrière une vitre, puis une heure et demie en face à face avec lui ».
Mais l’actuel gouvernement de droite espagnol reste inflexible dans son refus de toute concession à l’ETA, qui refuse de désarmer, et réclame la dissolution sans conditions du groupe, rendu responsable de la mort de 829 personnes en 40 ans de violences pour l’indépendance du Pays Basque et de la Navarre.
De l’autre côté, une large part de la société basque défend, avec des stratégies diverses, le nouveau « paysage politique » qui s’est dessiné par étapes depuis trois ans: le rejet de la violence par les partis de la gauche indépendantiste, puis leur progression électorale, l’abandon de la lutte armée par l’ETA puis, tout récemment, l’aval donné à cette stratégie par le collectif des prisonniers.
Le 28 décembre, ce collectif, l’EPPK, a fait un nouveau pas, publiant un communiqué dans lequel il entérinait l’abandon de la violence, évoquait pour la première fois de possibles démarches individuelles en vue d’une libération, semblant ainsi renoncer à sa demande historique d’une amnistie collective, et reconnaissait « les souffrances et les dommages causés par le conflit ».