Communiqué ETA juillet 2011

Euskadi Ta Askatasuna organisation socialiste révolutionnaire basque de libération nationale veut faire connaître à l’Euskal Herria sa réflexion à un moment aussi important que celui que vit actuellement notre peuple.

L’évolution de ces derniers mois, et surtout les résultats des récentes élections à Alava (Araba), Biscaye (Bizcaia), Guipúzcoa (Gipuzkoa), et La Navarre (Nafarroa Garaia) ont permis d’atteindre un nouveau sommet dans les temps nouveaux qui s’ouvrent à nous et qui montrent que dans Euskal Herria il est possible de regarder l’avenir avec joie et espérance. Nous pouvons le voir dans le soutien obtenu par l’initiative pour le changement politique et social, d’une part, et dans le fait que l’on ait pu surmonter l’exclusion et la séquestration de la représentation institutionnelle menées sous la tutelle de l’illégalisation de la gauche abertzale. Et cela grâce aux nombreuses contributions des citoyens et agents basques.

Cela dit, alors que six mois se sont écoulés depuis l’initiative de janvier, ETA veut offrir une réflexion sereine sur la situation que l’Euskal Herria est en train de vivre. Car on ne peut comprendre l’actuelle situation politique sans prendre en compte la lutte exemplaire que notre peuple a développée pendant de nombreuses années.

Une lutte longue et fertile qui s’est appuyée sur la résistance face à l’oppression et la construction nationale.

ETA est née alors que l’Euskal Herria agonisait, dans le but de répondre à la répression et former une défense ferme de l’Euskal Herria. Cette offre de lutte ainsi que le projet indépendantiste et socialiste qui ont été organisés avec elle, ont permis d’unifier les efforts en faveur de l’Euskal Herria. Face à la résignation due à une répression des plus brutales qui soit et au peu d’espoir qu’offrait le manque de courage dont certaines forces abertzales ont fait preuve, ETA a montré qu’il y avait bien un projet tourné vers les besoins de l’Euskal Herria et une voie pour développer le dit projet.

Depuis, la gauche abertzale a poursuivi la lutte jusqu’à l’obtention de la liberté de l’Euskal Herria, rejetant les chants de sirènes qui prétendaient qu’aussi bien le mouvement de libération que l’Euskal Herria même resteraient prisonniers de la toile d’araignée de l’Espagne et de la France.

La gauche abertzale a offert la rupture démocratique face à la réforme politique qui a été imposée après le franquisme, afin que toutes les forces abertzales aient une stratégie unifiée en faveur des droits de l’Euskal Herria. Malheureusement, cela n’a pas réussi. Certains, parce qu’ils ont cru que le projet souverainiste pouvait être satisfait dans le cadre autonomique espagnol ; d’autres parce qu’ils ont préféré donner la priorité aux intérêts partidistes qui leur procuraient les bénéfices de la gestion autonomiste, et ainsi tourner le dos à l’Euskal Herria.

Ainsi la gauche abertzale, tout en développant son propre projet politique a assumé l’entière responsabilité de la défense des droits et s’est attelée à combattre la négation et la partition de l’Euskal Herria. Bien qu’ayant souffert de la répression la plus brutale qu’il soit, la gauche arbetzale n’a pas plié. Elle a fait face à toutes les attaques qu’elle a subies et a cherché à limiter toutes les tentatives d’imposition. Avec tout cela, elle a revendiqué la reconnaissance de la territorialité et le droit à décider, deux clefs du conflit, et a formulé les propositions qui rendent possible la solution par le dialogue et la négociation afin de construire un vrai cadre de liberté et de paix en Euskal Herria.

Pendant longtemps la gauche abertzale a réalisé ces tâches en solo. Malgré les mille et une tentatives de marginaliser l’indépendantisme, elle s’est toujours relevée, en partant du peuple, en travaillant coude à coude avec la citoyenneté.

Nous avons répondu à l’oppression avec une résistance dure mais ce n’était pas qu’une simple résistance. Avec un grand nombre de personnes, nous avons travaillé sur les fondements qui font que notre peuple en soit un, avec la promotion de l’euskara, le développement de la culture, pour un modèle éducatif propre, en créant un nouveau modèle social. Nous avons en même temps répondu à la partition institutionnelle de l’Euskal Herria en créant un projet national et en tissant des réseaux sociaux et culturels.

Toutes ces luttes ont entraîné les conséquences politiques suivantes :

  • L’Euskal Herria est toujours vivante bien qu’elle ait été la cible d’une brutale stratégie d’assimilation politique, sociale et culturelle de la part de la France et de l’Espagne qui prétendaient sa disparition.
  • Ces États n’ont pas réussi à consolider le cadre de participation imposé à l’Euskal Herria. La lutte sans merci a usé ces tentatives et a montré que c’était une opportunité stérile pour satisfaire les nécessités de l’Euskal Herria.
  • Dans la société basque, la position en faveur d’une résolution démocratique du conflit est majoritaire. La volonté et la croyance de la majorité de la population basque sont que la solution au conflit apparaîtra par le dialogue et la négociation ainsi que la reconnaissance de la territorialité et le droit de décider.
  • En ce moment l’indépendance apparaît comme la vraie et unique alternative face aux projets d’imposition de l’Espagne et de la France.

Ces deux dernières années, la gauche abertzale a mené une profonde réflexion pour faire en sorte que ces conditions deviennent la colonne décisionnelle du processus de libération. Avec cela, il fallait créer une stratégie pour rompre la situation de blocage que les États prétendaient imposer au processus de libération.

Pendant cette réflexion, l’autocritique a pris une place importante, comme il correspond à tout mouvement révolutionnaire, car ce chemin qui a été le nôtre, n’a pas été sans erreurs. Mais la clef pour comprendre la situation actuelle réside dans le fait d’avoir pris la bonne option en ce qui concerne la lutte menée durant de longues années, la résistance à l’oppression, la construction nationale et par conséquent les réussites politiques obtenues. Cela nous a donné l’opportunité de faire de nouveaux pas dans le processus de libération et nous a montré la direction, celle que nous sommes en train de prendre.

Il faut dire, enfin, que le chemin parcouru n’est pas le fruit d’une seule organisation ni de la volonté et l’intelligence de quelques personnes. Le parcours collectif du processus de libération est le fruit de l’effort d’un grand nombre de femmes et d’hommes, de leur sacrifice et générosité, du travail collectif. Beaucoup de ces personnes ont donné et ont perdu leur vie dans cet effort.

La situation actuelle : nous ouvrons une nouvelle étape

La réflexion de la gauche abertzale n’a pas été un simple exercice théorique : avec le débat, elle a pris l’initiative courageuse et déterminée de surmonter le blocage et d’ouvrir une nouvelle étape. C’est là que prennent place les propositions, les mobilisations populaires, les initiatives mises en marche par ETA et/ou les alliances qui se sont tissées, et le travail en commun développé ces derniers mois.

La gauche abertzale renforcée

Anéantir l’indépendantisme de gauche a été l’objectif principal des autorités espagnoles et françaises. Pendant des années, ils ont essayé de le faire avec toutes sortes de moyens répressifs. Cependant, la gauche abertzale ne s’est pas soumise. Les femmes et les hommes de la gauche abertzale ont répondu avec fermeté et générosité aux conditions les plus pénibles et malgré le fait qu’ils aient eu à payer leur pratique politique par des arrestations, des tortures et des emprisonnements, ils ont su continuer. Le fruit de tout cela est que la gauche arbertzale est aujourd’hui vivante et, avec elle, la possibilité de liberté pour ce peuple.

Il n’y a pas si longtemps, ceux qui prétendaient maintenir le blocage, ont annoncé l’échec de la gauche abertzale. Avec la vanité de l’exploiteur, ils ont voulu voir dans l’initiative de la gauche abertzale des avancées vers son intégration à la soi-disant démocratie espagnole. Croyant qu’après des années de dure persécution elle serait affaiblie et résignée et qu’à coups de bâton, ils la feraient rentrer au bercail, une fois pour toutes.

Comme si la répression et leur attitude bornée n’avaient pas été suffisantes, ils ont agi sournoisement et avec des fins mesquines pour s’attaquer à la crédibilité de la gauche abertzale et ainsi alimenter sa division interne. Mais le fait que face à toutes sortes d’obstacles et d’agressions, la gauche abertzale se soit montrée déterminée à maintenir avec fermeté son pari lui a donné crédibilité face à la société, dans un premier temps, pour ensuite obtenir un large soutien.

Nous avons commencé à rompre la stratégie du blocage

Les États ont édifié pendant ces dernières années toute une stratégie pour bloquer le processus de libération et la possibilité de changement. Ils voulaient, avec la marginalisation de la gauche abertzale, empêcher l’union des forces en faveur de l’Euskal Herria pour que nous, les aberzales, travaillions dispersé(e)s et sans une offre unifiée. D’autre part en fermant la possibilité d’une solution démocratique au conflit, ils prétendaient déformer les termes du conflit qui oppose l’Euskal Herria à La France et l’Espagne en un simple affrontement entre les États d’un côté et la gauche abertzale de l’autre.

Pendant ces derniers mois, grâce à l’initiative de la gauche arbertzale et de la réflexion qui a été menée aussi dans d’autres secteurs, la situation a changé radicalement. Aujourd’hui les forces qui défendent la souveraineté ont retrouvé la primauté et l’efficacité politique, en mobilisant l’enthousiasme et l’espérance dans de larges secteurs populaires et en donnant la possibilité d’accumuler des forces.

Tout cela a permis, avec le soutien des pas profonds que l’ETA a faits, que la possibilité et la nécessité impérieuse d’offrir une solution politique au conflit ait retrouvé sa force aussi bien en Euskal Herria que dans la communauté internationale. De nombreux agents basques ont signé l’Accord de Gernika et la feuille de route qui a été établie est devenue la référence incontestable pour la solution démocratique.

Dans la société basque, la position des États est de moins en moins comprise. S’obstiner à ne rien vouloir entendre et à pratiquer la répression, a de moins en moins de légitimité en Euskal Herria. Nous pouvons par conséquent affirmer que la distance entre l’Euskal Herria et l’Etat espagnol a augmenté : que nier la solution et ne pas vouloir faire un pas a un coût politique de plus en plus important en Euskal Herria.

Dans ce sens, nous devons souligner les mobilisations qui ont eu lieu contre les arrestations, la torture, les mandats européens et/ou les procès et pour la défense des droits des prisonnières et des prisonniers politiques basques. Et que dire de la très large réponse qui a suivi la dernière tentative de mettre hors la loi certaines organisations et qui a provoqué des contradictions dans les propres rangs du secteur dominé par l’Espagne. Bien que les États continuent à miser sur la répression, ils se retrouvent face à une réponse populaire de plus en plus large, avec de plus en plus de contradictions s’ils veulent continuer à rester borné. Et ils ont perdu à présent les commandes de la situation politique de l’Euskal Herria.

La voix du peuple dans les mairies, sur le chemin de la désactivation de l’illégalisation

La stratégie répressive des Etats a été marquée, pendant les dix dernières années, par l’illégalisation des organisations de la gauche abertzale et en général par les attaques au mouvement populaire. Des années de piétinements massif des droits civiques et politiques. Cette stratégie a fait une nouvelle avancée avec ce qui a été appelé « la loi des partis ». Par cette loi étrange que l’État espagnol a imposée de force à l’Eskal Herria, non seulement l’activité politique de la gauche abertzale était conditionnée, mais on a aussi cherché à laisser ce secteur en dehors des institutions et sans la moindre représentation.

Les élections célébrées récemment ont eu lieu, une fois de plus, dans des conditions non démocratiques. Elles le furent, car non seulement on continuait à nier l’existence de l’Euskal Herria qui était sous la menace des forces armées, mais elles ont eu lieu en laissant Sortu, qui était l’option de la gauche abertzale, à la marge de la loi et en interdisant à des dizaines de milliers de citoyennes et de citoyens la possibilité d’être élus. Celui-ci sera, entre autres, un des enjeux les plus importants à relever à à brève échéance : garantir les droits politiques et civiques en Euskal Herria.

Malgré tout cela, nous pouvons dire avec fierté que l’Euskal Herria a gagné la bataille politique et idéologique contre l’illégalisation. Que l’Euskal Herria a désactivé les objectifs de cette stratégie.

Les résultats de ces élections annoncent une nouvelle situation. Nous pouvons l’entendre ainsi en considérant l’engagement émis par la coalition Bildu d’impulser la participation populaire et de transformer la représentation institutionnelle en pouvoir populaire.

La possibilité de changement politique et social est en train de se former

Dans la société basque, l’idée selon laquelle des changements profonds en Euskal Herria se préparent est de plus en plus répandue. Jour après jour, on voit s’étendre l’idée que par l’activation et la pression de la citoyenneté, nous pourrons surmonter les résistances du passé et qu’il sera possible d’ouvrir des opportunités pour affronter le futur [l’avenir] en liberté.

L’accumulation de secteurs de gauche en faveur de la souveraineté a apporté à l’Euskal Herria curiosité et nouveaux élans. Non seulement l’initiative pour le changement politique et social a remporté un large soutien de la société basque, mais il a obtenu de nouveaux instruments pour que celui-ci soit effectif. Aujourd’hui l’Euskal Herria a davantage de ressources sur le chemin à parcourir pour ouvrir un cadre démocratique et pour impulser la construction nationale et la défense de la classe des travailleurs basques.

Le changement politique qui doit avoir lieu en Euskal Herria sera nécessairement accompagné du changement social, comme l’a montré de façon évidente l’actuelle crise économique. Pendant les derniers mois, les gouvernements d’Espagne et de France ont adopté des réformes et des mesures graves qui ont en général, favorisé le capitalisme et les banques. En même temps, les conditions de vie des classes populaires se sont appauvries de plus en plus: le chômage a augmenté, la précarité a empiré et les conditions de travail, les licenciements, les restrictions dans les services publics…

Le syndicalisme basque constitue une référence de ce changement. Après la grève générale, la mobilisation massive qui a eu lieu à Madrid et l’appel unitaire du Premier Mai ont supposé un nouveau pas en avant dans la mobilisation de la classe des travailleurs basques en ces temps de changement. De même pour les luttes menées par différents secteurs. Plus que faire face à des mesures réductrices, peu à peu, se construit la possibilité d’une confrontation et d’un modèle différent de société.

En regardant vers le futur : avec l’élan populaire, la construction nationale, la liberté et la paix

Nécessité de construire le pays

Jusque là, nous avons insisté sur les réussites obtenues par l’Euskal Herria après de longues années de lutte et les avancées de ces derniers mois. Elles n’ont pas été moindres. Cependant, cela ne peut pas nous faire oublier que l’Euskal Herria, au jour d’aujourd’hui, est toujours un peuple opprimé. Même si au début nous avons souligné que nous avions réussi à garder vivante l’Euskal Herria, le danger de mort lente par les attaques des deux États puissants est toujours présent.

Par conséquent, dans les prochaines années, en plus d’avoir à faire face aux attaques, nous qui croyons en Euskal Herria, aurons la tâche fondamentale d’avancer dans l’articulation de l’Euskal Herria et de doter notre peuple des mécanismes qui garantissent le développement politique, social, culturel et économique.

Approfondir la mobilisation populaire jusqu’à l’effondrement du mur de la négation

Il a été prouvé qu’il existait la capacité de donner voix et d’obtenir des citoyennes et citoyens le protagonisme qui leur revient, mais aussi de conditionner la situation politique pour la faire changer. De cette façon, il a été démontré que la fin de la répression et de la négation ainsi que la reconnaissance de l’Euskal Herria et de son droit à décider viendront de l’accumulation d’un nombre de plus en plus important de secteurs et de l’activation croissante de mesures de pression effectives.

Construire la paix, une responsabilité de toutes et de tous

Une fois les élections passées, ceux qui jusque là n’avaient fait la moindre avancée, ont commencé à exiger de nouvelles tâches à Bildu et à la gauche abertzale. Ils ne veulent pas comprendre que pour mener à bon terme les possibilités qui s’ouvrent en Euskal Herria et construire une paix qui s’appuie sur la justice et le respect de la volonté populaire, la participation de toutes et de tous est nécessaire. Comme l’a montré amplement le peuple basque, les excuses ne suffisent pas pour ne pas agir.

Enfin :

¾     Ayant la conviction qu’en Euskal Herria il existe les conditions pour construire un cadre de paix et de liberté, ETA insiste sur sa volonté d’approfondir cette voie. En ce sens, nous faisons un appel à tous les agents afin qu’ils s’engagent en faveur des solutions et que nous puissions ouvrir entre toutes et tous des espaces de dialogue et de négociation.

¾    ETA veut faire un appel à la citoyenneté basque et particulièrement aux femmes et aux hommes de la gauche abertzale pour qu’avec le courage et l’enthousiasme des avancées obtenues et avec l’humilité et la générosité habituelle, ils continuent à travailler avec force. L’enjeu est immense, nous y arriverons.

 

VIVE L’EUSKAL HERRIA LIBRE !

VIVE L’EUSKAL HERRIA SOCIALISTE !

LUTTER JUSQU’À L’INDÉPENDANCE ET LE SOCIALISME!

En Euskal Herria, le 7 juillet 2011

Euskadi Ta Askatasuna E.T.A.

 

Traduction française, diffusée pour information par:

Comité Solidarité Basque Lille – csblille@aol.com

 

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