Ayrault à l’ouverture, Lebranchu à la fermeture : le gouvernement ne sait visiblement pas sur quel pied danser ! Alors que l’un débloque le dossier de la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires, l’autre verrouille lors de l’émission Cuntrastu la perspective de la co-officialité de largue corse telle que demandée par une très large majorité de l’Assemblée de Corse.
Jean Marc Ayrault a donné la semaine dernière en Bretagne le feu vert pour que soit inscrite à l’ordre du jour du Parlement une « proposition de loi constitutionnelle » afin de pouvoir ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires. Pendant ce temps, Marylise Lebranchu claironne, pour rejeter la demande de co-officialité formulée par l’Assemblée de Corse : « Je ne vois pas un ministre de la République remettre en cause la Constitution. » Doit-on en conclure que Jean Marc Ayrault n’est plus un « ministre de la République »?
Car, comme le rappelle le journal le Monde dans son édition du 15 décembre, la promesse n°56 du candidat Hollande a connu un parcours bien difficile face aux « gardiens de la constitution », tant et si bien que « au vu des réserves émises par le Conseil d’État dans un avis rendu le 5 mars, [François Hollande] a[vait] renoncé à inscrire ce point parmi les quatre projets de loi constitutionnelle présentés en conseil des ministres le 13 mars ».
Donc, pour pouvoir ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales Jean Marc Ayrault a décidé qu’il fallait contourner la Constitution, mais pour barrer la route à la co-officialité de la langue corse, Marylise Lebranchu déclare que la Constitution est incontournable !
D’autant que l’article 2 de la Constitution qu’elle met en avant, « le Français est la langue de la République », n’implique rien dans son principe qui interdise à la langue corse de pouvoir être langue co-officielle en Corse. Le fait que l’Anglais soit langue officielle sur tout le territoire britannique n’empêche pas la langue galloise d’être co-officielle au Pays de Galles. Idem en Italie où l’allemand est co-officiel au SudTirol, et où le français « himself » est co-officiel au Val d’Aoste.
En fait, la revendication de la co-officialité du corse en Corse affirme de facto le respect de la place qu’occupe le français sur ce territoire particulier de la République. Marylise Lebranchu nous oppose en réalité une interprétation de la Constitution telle que la fait la tradition jacobine du Conseil d’Etat, jurisprudence qui peut être contestée, et même combattue par un ajout lors d’une prochaine révision de la constitution. C’est cette jurisprudence qui a fondé l’avis rendu le 5 mars dernier, à la suite duquel François Hollande avait décidé le retrait de son projet de ratification de la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires. Jean Marc Ayrault, sous la pression conjuguée de l’Europe (vote quasi-unanime du Parlement Européen) et du terrain (en Corse via l’Assemblée de Corse, en Bretagne via les Bonnets Rouges, mais aussi au Pays Basque, en Alsace, etc.) appuie désormais une « proposition de loi constitutionnelle » pour débloquer la situation pour la Charte Européenne. C’est très exactement ce que la Corse demande au gouvernement pour la co-officialité de la langue corse !
On le voit, tout est en fait question de volonté politique. L’obstacle constitutionnel réputé infranchissable en mars pour la Charte Européenne est levé en décembre par décision du premier ministre. Pourquoi ne pourrait-il en être de même au terme du dialogue engagé suite à la délibération de l’Assemblée de Corse ?
Ce que Marylise Lebranchu est venue exprimer l’autre soir à Cuntrastu, malgré ses dénégations du genre « il n’y a aucun frein au dialogue », c’est la volonté du gouvernement de freiner des quatre fers à propos de la Corse. Au printemps prochain il y aura une très bonne occasion de forcer le mouvement et de desserrer tous ces freins : le vote des Corses aux élections municipales. Ce sera alors le « troisième temps » de la valse !
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Revue de Presse et suite de l’article :
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]