#Corse Vers des lendemains qui chantent ? par Ghjacumu Faggianelli

(Unità Naziunale – Publié le 3 mai à 19h07) On ne cessera de le répéter, la vague nationaliste aux principales élections de Corse a été une révolution en même temps qu’elle a suscité un immense espoir.

Au delà des difficultés conjoncturelles et structurelles, que la Corse française traîne comme un boulet depuis plus de deux siècle, s’ajoutent à l’évidence les dangers que font courir à notre pays son nouveau type de développement économique.

Jusqu’à une époque pas si lointaine, la Corse vivait au rythme d’une économie « domestique », par définition très peu monétisée. Nos sgio à nous étaient fauchés, ils disposaient de peu de numéraire et vivaient essentiellement sur les produits des affittuari qui leur payaient les redevances des terres de parcours en fromages et en vin. Leur notabilité leur servait essentiellement à assurer la situation de leur famille à Paris, à transmettre leurs sinécures à leurs héritiers et à vivre sans travailler.

Ce à quoi se trouve confronté le pouvoir régional aujourd’hui est d’une autre nature. Si les nationalistes constituent une force nouvelle qui se veut émancipatrice, le clan lui a été remplacé non par des gens qui réclament directement le pouvoir politique mais par des groupements d’intérêts. Il y a depuis toujours dans notre organigramme politique aussi bien des représentants du Milieu que des milieux d’affaires connus par tout le monde et qui entretenaient avec leur entourage des liens aussi paternalistes que folkloriques, dans la mesure où ils appartenaient à la Corse « d’ avant »

Le système d’aujourd’hui , mis en place par des affairistes avisés, travailleurs et financièrement adossés à des bailleurs de fond divers et variés, est différent. Il s’agit pour ces gens de ramasser la mise d’une situation qu’ils n’ont pas créée mais dont ils veulent exploiter les opportunités à moindre frais mais avec des bénéfices maximaux.
La promotion immobilière d’abord , qui induit la spéculation, les demandes de permis abusifs, obtenus contre toute opposition et souvent avec l’aide de l’État, pour qui la croissance de la Corse sans les Corses est le principe d’action fondamental. Bien entendu, ces manœuvres sont menées contre les opposants, associations et individus, et malheur à qui se met en travers de leur route. L’économie corse du 21ème siècle est une économie de cueillette, de consommation et de services et sans aucune valeur ajoutée. Elle pérennise les situations de monopole de type colonial  et crée un marché du travail pauvre où les acteurs économiques s’efforcent de tirer le maximum de bénéfices des atouts physiques de la région.

Bien entendu ces situations de monopole ne peuvent se construire qu’avec la bénédiction de l’État et de ses services en Corse. Elles entraînent de facto une concentration des sources de richesse issues des activités de service , du BTP et de la grande consommation. Elles ne créent aucune richesse pour la collectivité et génère une société inégale par son essence même. Elle met enfin la grande majorité des Corses en situation de dépendance face à ces groupes dont la logique de concentration horizontale va forcément restreindre le nombre. Ce qui provoquera des rapports de force facilement prévisibles et dont les conséquences pour la paix civile seront forcément négatives.

Contrairement au clan qui manqua pendant 150 ans d’imagination pour s’enrichir, se contentant de larcins aux subventions et de transcriptions cadastrales irrégulières, ceux-là ont les idées, l’argent et la force de travail pour s’enrichir sur le dos du peuple corse . Ils n’ont aucun état d’âme de type idéologique comme ce pouvait être le cas pour les opposants aux nationalistes. Seule les intéresse l’exploitation maximale de la Corse. Dans cette perspective, ils ne rencontreront aucune opposition de l’État parisien. Bien au contraire, Paris a toujours préféré discuter avec les exploiteurs des peuples, quitte à les lâcher comme en Afrique.

Les nationalistes sont la seule force politique cohérente en Corse. Quoi qu’il advienne des rapports de force avec Paris, nous ne devons ni nous désunir au nom d’une quelconque vision statutaire, ni penser un seul instant que la lutte est finie au moment précis où les manœuvres de l’État reprennent de plus belle. Et à défaut d’un statut gagné contre le Parlement et le Gouvernement , il nous faut pour le moins refuser le modèle que l’on tente de nous imposer et mettre en œuvre celui du Peuple Corse.

Ghjacumu Faggianelli

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