Demain, samedi 7 décembre, le cercle Petru Rocca organise au Best Western de Bastia une journée de discussions sur « l’avenir de la Corse ». Il est vrai qu’il y aurait beaucoup à dire sur cette question, on peut d’ailleurs s’interroger sur l’intitulé du second débat, « La Corse et l’Islam », laissant à penser qu’il s’agissait là d’un problème primordial pour l’avenir de la Corse…
Mais intéressons-nous plutôt à ceux qui sont à l’initiative de l’évènement.
Avec, dans un premier temps, le nom choisi pour baptiser cette association. Si le terme « cercle » n’appartient pas uniquement à ce courant politique, il est néanmoins régulièrement utilisé par des organisations d’extrême-droite, notamment lorsque celles-ci cherchent à se donner une apparence intellectuelle. D’ailleurs, on se rappelle il y a quelques mois l’apparition d’un éphémère Cercle Terra Corsa à l’occasion de la venue à Bastia de Piero San Giorgio, un pseudo-idéologue « survivaliste », homme d’affaires suisse mélangeant données plus ou moins scientifiques et délires complotistes, prêt à tirer sur les hordes d’affamés qui ne tarderont pas à se ruer sur son chalet alpin.
Quant au choix de Petru Rocca, il signe définitivement le positionnement politique de ce Cercle. L’homme est connu, il était l’un des principaux animateurs du mouvement autonomiste corse de l’entre-deux guerres. Surtout, dans les années 1930, en compagnie d’autres régionalistes, il se lit idéologiquement aux régimes fascistes et, proximité géographique et culturelle oblige, notamment à l’Italie de Mussolini dont il applaudit plusieurs victoires, notamment celle devant porter « l’aigle de la civilisation latine » en Ethiopie.
Nationaliste, ou au moins corsiste, revendiquant également une filiation idéologique avec un homme antisémite et fasciste, le Cercle Petru Rocca se situe donc clairement sur un plan politique.
Regardons maintenant les hommes membres de cette association. Ils se sont présentés dans une vidéo postée sur le blog Corsica Patria Nostra à l’occasion de la sortie de leur revue nommée Ipatia et dans laquelle ils annonçaient également la volonté de nourrir le débat insulaire avec des débats de ce type.
Le premier à prendre la parole est Philippe Chiaverini, devenu avocat sur le tard, il défend notamment les intérêts de l’ADIMAD, Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l’Algérie française, en clair, les anciens membres de l’OAS[1].
Le second, Jacques Nicolaï, ancien parachutiste, a été membre de différentes organisations nationalistes françaises, notamment le Parti des Forces Nouvelles, l’Action Française ou le Front National. Il a également fait partie de ces « volontaires européens » partis combattre aux côtés des Croates pendant la guerre des Balkans, au début des années 1990[2].
Enfin, le troisième est Christophe Canioni, directeur des éditions Anima Corsa et ancien allié du sarko-corsiste Alexandre-Guillaume Tollinchi, fan déclaré de Silvio Berlusconi, longtemps membre actif de l’UMP. Lorsqu’il ne s’intéresse pas aux Ovnis aperçus en Corse, Christophe Canioni était donc l’un des chefs de file de la groupusculaire (et éphémère) Unione di a Diritta Corsa, avec Tollinchi justement, rêvant de concilier les idées de droite (même d’extrême-droite) et le mouvement nationaliste corse.
Le tout étant publié sur un blog se situant dans une ligne nationaliste-révolutionnaire, proche de certains néo-fascistes italiens, rendant hommage au parti néo-nazi grec Aube Dorée ou participant à des réunions avec le groupe de Serge Ayoub, dont le palmarès n’est plus à faire.
Concernant la liste des intervenants, au premier abord, on pourrait s’étonner d’y retrouver Denis Luciani et Christian Mondoloni. Et pourtant…
Le premier, président de l’Associu di i Parenti Corsi depuis plusieurs années, candidat Femu a Corsica aux élections cantonales de 2011, est un personnage relativement connu du mouvement national corse. Mais il a également été cité plusieurs fois par Patria Nostra, notamment pour présenter ses écrits, accordant même un entretien à ce site en octobre 2012[3].
Quant au second, militant important de l’ARC dans les années 1970, auteur récemment d’un ouvrage préfacé par Edmond Simeoni, il aurait également été militant de l’Action française dans la région marseillaise pendant ses années étudiantes[4].
Difficile de trouver un semblant de cohérence dans tout cela, entre partisan de l’empire colonial français, ex-militants d’organisations nationalistes françaises, cofondateur d’un parti de la droite libérale « corse », nationalistes-révolutionnaires appelant à un retour aux « traditions » et militants de la lutte de libération nationale corse.
Finalement, leur point commun est un discours d’exclusion, de haine, de hiérarchisation sociale, cherchant à rendre le tout présentable en le parant des vertus de la LLN. Dans une période troublée, où les embrouilles idéologiques sont nombreuses, où les plus fidèles partisans du capitalisme, de l’impérialisme et du racisme aiment à se présenter comme les défenseurs des classes populaires, il revient aux femmes et aux hommes luttant pour l’émancipation nationale et sociale du peuple corse d’être vigilants face à ces discours et ceux qui les portent.
[4] C’est en tous cas ce qu’affirme le site d’une association royaliste marseillaise :http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2013/11/10/corse-renaissance-d-une-nation-de-christian-mondoloni-521792.html
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by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]