Entretien avec Ttotte Etxebeste, Filipe Laskarai / Autonomia Eraiki. Béatrice MOLLE
Dimanche 27 octobre aura lieu à Macaye la journée Autonomia eta Amnistiaren Eguna. Autonomia Eraiki se définit comme un mouvement politique et non comme un parti. Beaucoup de ses membres sont d’anciens militants d’Iparretarrak. L’amnistie, la revendication institutionnelle et l’hommage aux militants disparus, dont Popo Larre il y a 30 années, seront au centre de cette journée du 27 octobre. Ttotte Etxebeste et Filipe Laskarai, membres d’Autonomia Eraiki, expliquent le sens de cette journée.
Qu’est-ce qu’Amnistiaren Eguna ?
C’est une journée historique qui a lieu depuis 30 ans, un soutien sans failles à la lutte d’Iparralde, aux militants et aux victimes de la répression. Nous avons vu couler des larmes, le sang a été versé. Cet engagement prend encore son sens car il y a encore aujourd’hui des victimes de la répression qui paient un lourd tribut l’État français à travers le paiement d’amendes et de frais de justice. Il s’agit d’un véritable racket de la part de l’État et d’une double peine infligée.
Aujourd’hui, la lutte armée a cessé. Comment envisagez-vous l’avenir ?
Il y a toujours plus de 600 preso. Et il est indispensable pour la résolution du conflit qu’ils soient libérés, mais aussi amnistiés. Nous avons une ligne claire et sommes fidèles à nos fondamentaux, l’amnistie en fait partie. Malgré les fluctuations des abertzale à ce sujet, nous pensons que l’amnistie prend toute sa place et a tout son sens. L’idée, c’est de ne pas seulement vider les prisons, mais de reconnaître aussi le combat mené. Euskal Herria est rentré dans une nouvelle phase de son histoire, mais les fondamentaux qui ont amené à prendre les armes sont toujours présents : la non-reconnaissance d’Euskal Herria, la spéculation et la vente de notre terre, le tout tourisme et l’oppression de l’euskara. Ce n’est pas parce que la phase de la lutte armée est passée que l’on doit oublier les militants qui ont tout donné pour ce combat. C’est grâce à eux que les choses ont avancé.
Mais tant le gouvernement français que l’espagnol semblent fermés à ces revendications…
Le mouvement abertzale a la volonté de sortir d’un affrontement pour arriver à une phase de dialogue, et Paris et Madrid ne font aucun pas. Pire, c’est le black-out total. Ils ne parlent que de certaines victimes. Cette journée est aussi un signe de dignité militante et de volonté de transmission de l’histoire.
Quelle est votre analyse vis-à-vis du processus de paix ?
Aujourd’hui, face à ce blocage, il y a besoin de résister. Nous appelons les gens à venir à cette journée qui n’est pas réservée aux seuls militants historiques. Nous voulons que les preso sortent. Certes, la phase de la lutte armée est terminée, mais le conflit basque persiste. Il faut trouver une solution. Il est indispensable de trouver de nouveaux moyens de lutte non armée car nous avons un problème français et espagnol au Pays Basque.
Quelle est votre position par rapport à la revendication d’une collectivité territoriale ?
Pour nous, l’autonomie est l’outil le mieux adapté pour le Pays Basque Nord au niveau institutionnel avec des possibilités législatives et une fiscalité propre. Cependant, il y a un consensus large autour de la collectivité territoriale. Cela va dans le bon sens et nous participons à la démarche. Nous voyons le travail des Conseils des élus et du développement. Et la réponse de l’État. Durant des années, on nous assénait que tant qu’il y aurait un conflit armé et que les élus, la société civile, n’étaient pas d’accord avec cette revendication, il n’y aurait pas d’institution. Aujourd’hui, ces conditions sont réunies : il n’y a plus de lutte armée et le consensus de la société civile et des élus existe, mais nous n’obtenons rien. Même pas dans le cadre de la propre loi française ! Cela nous démontre qu’il serait important de mener un débat au-delà du mouvement abertzale afin de définir les besoins du Pays Basque comme cela s’est fait en Corse. Il y a par exemple un gros problème au niveau de l’habitat et il faudrait pouvoir légiférer et obtenir des dérogations. Au lieu de cela, l’État propose un contrat de plan, on gère une misère et des enveloppes alors qu’il faut avoir un projet ambitieux à la hauteur des enjeux. Nous trouverons des solutions alternatives certes, comme ce fut le cas à Laborantxa Ganbara, mais il y a aussi la responsabilité de l’État français.
Comment infléchir l’attitude du gouvernement français sur ces revendications ?
Il faut arriver à faire plier l’État français par un rapport de force. Cela doit englober l’ensemble de nos revendications : reconnaissance institutionnelle, officialisation de l’euskara, lutte contre la spéculation et amnistie. Sommes-nous prêts à nous donner les moyens d’arracher cela ? Il y a encore quelques années, certains ont tout donné. Aujourd’hui, tout le monde doit s’impliquer : reprendre la rue, organiser des blocages et des occupations. Il faut un front face à l’État français et les abertzale ne doivent pas être seuls. Nous sommes acculés à lutter.
Vous allez rendre hommage aux militants portés disparus dont Popo Larre, disparu il y a 30 ans. Avez-vous des informations ?
Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de résolution du conflit et nous voulons la vérité sur les pages sombres de notre histoire. Nous avons appris lors du procès de 2000 concernant l’affrontement au camping de Léon (7 août 1983) où un gendarme a été tué, un autre blessé, et où Popo a disparu, que la veille, la PJ de Bayonne était sur place et surveillait. Les trois militants ont donc décidé d’évacuer et curieusement, seuls deux gendarmes ont été envoyés pour les interpeller. Le dossier qui était entre les mains de la gendarmerie a été dessaisi au profit de la PJ. Par ailleurs, les recherches et le plan Épervier mis en place dans la forêt et concernant Popo ont été levés quelques heures après sa fuite dans la forêt, alors qu’il a été maintenu sur les routes pendant une semaine pour les deux autres militants ayant fui au volant de la voiture de gendarmerie. Fait troublant dès le lendemain, la PJ organise une reconstitution sur place avec les témoins. Nous pensons qu’à ce moment-là, on veut dissimuler des choses, réécrire les événements. Iparretarrak attend le retour de Popo et en octobre envoie une équipe sur Léon pour recueillir des renseignements, mais personne ne dit rien. Le 1er mars 1984, après la mort de Didier Lafitte assassiné dans le dos par la PJ – Gabi Mouesca sera arrêté durant cette opération –, Iparretarrak sort un communiqué indiquant en substance que Didier Lafitte n’est pas le premier militant que la police assassine, il y en a un autre. IK (Iparretarrak) ne donne pas son nom. La police, fait peu commun, répond en sortant un communiqué indiquant qu’elle n’a pas tué Popo Larre, mais qu’il s’agit d’un règlement interne. Comment savait-elle qu’IK parlait de Popo Larre ? À l’époque, il y avait trois clandestins à Iparretarrak et la police savait pertinemment de qui il s’agissait. En avril 1984 dans le Ildo 9 (bulletin d’IK), l’organisation accuse la police française d’avoir assassiné Popo. C’est à partir d’avril que la famille Larre se porte partie civile. Ce qui est sûr, c’est que Popo est tombé entre les mains de la police. Bavure ou autre scénario, il y a une chape de plomb.
Il y a aussi l’affaire du jeune noyé…
Après l’affrontement au camping de Léon, les gendarmes découvrent le 23 août un noyé sur une plage proche du camping. Une famille avait signalé la disparition de leur fils, mais ils ne reconnaîtront pas le corps : il ne portait pas ses habits et était trop décomposé pour le temps supposé passé dans l’eau et leur médecin de famille dira que la dentition ne correspondait pas. D’ailleurs, sur la sépulture du jeune homme, la famille a mis une plaque : “Ici repose un corps qui n’est pas celui de notre fils.” En 2003, IK, avec l’accord de la famille, ouvrira le cercueil et prélèvera un os, mais il n’a pas permis une bonne analyse. Le procureur a nié le fait qu’il y a eu un prélèvement, il a seulement reconnu la profanation. Et a toujours refusé toute analyse d’ADN. Nous ne disons pas qu’il s’agit de Popo. Nous disons que ce dossier contient des contre-vérités que nous voulons éclaircir.
(…)
by @Lazezu
Revue de Presse et suite de l’article :
sur Corse Matin, sur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunale, sur France 3 Corse, Sur Corse Net Info (CNI)
Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]